Le commerce de demain au cœur de toutes les spéculations

Hugo Soutra
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Le commerce de demain au cœur de toutes les spéculations

© Adobe stock / Pierre Violet

Face aux nombreuses mutations de l’industrie du commerce et des tendances de consommation, les consommateurs sont plongés dans l’expectative. Et les élus avec : l’enjeu du commerce demeure, pour eux, une préoccupation majeure alors même que la fermeture soudaine des rideaux métalliques des commerces dits « non-essentiels » n’est, elle, plus qu’un mauvais souvenir. Les collectivités doivent, en effet, anticiper au mieux pour espérer ne plus subir localement les bouleversements annoncés et déjà en cours, ou ne serait-ce que perfectionner l’arsenal réglementaire leur permettant de se défendre au mieux dans un avenir incertain…

 

Centres commerciaux, commerces de détail, de proximité, e-commerce, quick commerce... Les différents pans du secteur ont vécu différemment la crise du Covid-19, à la fois accélératrice de mutations et génératrice d’incertitudes. Cela s’est ressenti sur leurs parts de marché. Nul doute que les menaces conjoncturelles comme structurelles – de l’inflation à la numérisation de la société – qui pèsent aujourd’hui sur l’industrie du commerce continueront à faire évoluer les rapports de force entre les différents acteurs du secteur.

Dans une analyse partagée au Courrier des maires, le directeur de Procos, Emmanuel Le Roch, résumait en ces termes le sentiment ambiant au sein de la profession : « Les commerçants sont sortis de la crise sanitaire, en ayant assez bien résisté. Mais ils sont rentrés, depuis, dans un monde d’incertitudes : ils ne savent pas vraiment ce qui leur pend au nez ! »

Quand le commerce se pense sans la ville…

L’e-commerce et l’essor des livraisons à domicile gratuites vaincra-t-il les commerces physiques par K.-O. ? La restructuration contrainte de la grande distribution va-t-elle définitivement tuer les commerces de centres-villes ? Ceux-ci résisteront-ils à la numérisation de l’économie en transformant leurs magasins en plateformes logistiques de proximité ? Et quid de la prise de conscience autour d'une consommation responsable, à l’origine du développement des circuits courts et de la vente directe : survivra-t-elle à la chute du pouvoir d’achat ?

Les questions se multiplient dans un secteur pour le moins hétérogène, soumis à des vents contraires qui rendent plus incertains encore les conséquences pour leurs territoires d’implantation. D’autant plus que l’e-commerce et la grande distribution, pour ne prendre qu’eux, affectent différemment les commerces de proximité selon que ceux-ci aient pignon sur rue dans un centre-bourg démographiquement dynamique, le cœur d’une ville moyenne paupérisée ou une métropole attractive mais en situation de surdensité commerciale.

Des contextes et des problématiques variées

« Les habitudes et modes de consommation des ruraux diffèrent de celles des urbains. Nous, élus, n’avons logiquement pas les mêmes préoccupations ni les mêmes politiques locales du commerce à Monnières et dans l’agglo de Clisson qu’à Nantes Métropole » analyse le maire de ce village, Benoît Couteau. « Ici, on se soucie plus de l’équilibre entre les petits commerces qui ont toute leur place à prendre à l’avenir, et les grandes surfaces captant encore l’essentiel des besoins courants des habitants. Alors qu’ailleurs, dans les grandes villes, la volonté de sauvegarder le commerce de proximité poussera peut-être davantage les élus à réguler le e-commerce et les livraison à domicile des courses et du dîner en quelques instants à peine » synthétise cet ancien commerçant.

Le commerce et la ville, des destins plus que jamais liés

En dépit de ces contextes différenciés, les mutations de l’industrie du commerce obsèdent l’intégralité des élus locaux. Tous se montrent soucieux d’anticiper autant que faire se peut les bouleversements sociaux et territoriaux que pourrait engendrer, sur leurs territoires, l’évolution des besoins et tendances de consommation, comme des capacités de vente. Et pour cause : au-delà de sa stricte fonction économique, avec la création de nombreux emplois non délocalisables mais aussi de recettes fiscales non négligeables pour les collectivités, le commerce physique a une fonction urbaine stratégique. L’armature commerciale et les politiques locales comme nationales jouent sur la nature et le nombre de déplacements, le panier moyen des consommateurs, les perspectives de débouchés pour les productions locales, la qualité de vie des habitants en étant vecteur de lien social, etc.

« Une ville qui perd des commerces est une ville qui se meurt ! A nous, élus, de mettre les moyens dans ce cas-là pour redonner goût aux flâneries en centre-ville », argue l’adjoint au maire et ancien président de l’association des commerçants de Lorient, Alain Le Brusq, citant aussi bien des animations culturelles que l’augmentation des patrouilles de la police municipale ou la piétonisation et la requalification de l’espace public.

Quand le politique se mêle du commerce

Il apparaît, à gros traits, que les commerces de la plupart des métropoles et villes moyennes ont plutôt bien résisté, ces dernières années : le taux de vacance commerciale a même baissé dans la plupart des hypers-centres, en dépit de la crise sanitaire récente ainsi que des manifestations régulières des Gilets Jaunes les ayant émaillées. Signe que le programme Action cœur de ville et les nombreuses aides des pouvoirs publics locaux semblent y avoir joué un rôle contra-cyclique pour le moins salvateur. La situation demeure nettement plus préoccupante, en revanche, s’agissant du tissu commercial des petites communes et des villages périurbains ou ruraux. Des élus y sont contraints de réfléchir à la requalification de certaines zones commerciales ayant dépéri, quand d’autres tentent de ranimer des territoires en situation de désertification commerciale. Quoi qu’il en soit, les questionnements affluent dorénavant dans les couloirs feutrés de l’ensemble des associations d’élus. Car, derrière les rassurantes campagnes de marketing territorial, les maires savent mieux que personne que la sauvegarde du commerce de proximité, qui fait l’âme et la plus-value des centres-villes européens, reste un défi de tous les instants.

Partout en France ou presque, les élus interrogés expriment une seule et même crainte : la diffusion de nouvelles formes de commerces et mœurs de consommation ne risque-elle pas de ruiner leurs récentes politiques de redynamisation et d’urbanisme commercial ? Et, partout, le même sentiment d’impuissance se fait entendre. A fortiori alors que l’arrêt annoncé des perfusions de l’Etat, comme les prêts garantis (PGE), risque d’occasionner un surplus d’activité dans certains tribunaux de commerce... au détriment, très probablement, des commerces indépendants déjà fragilisés. « Nos investissements dans la revitalisation commerciale et la sauvegarde du centre-ville ne sont pas de l’argent public jeté par les fenêtres… » se défend le maire (DVD) de Saverne, Stéphane Leyenberger. A condition de bien suivre l’évolution des modes de consommation et veiller à ne pas subir les mutations en cours » poursuit-il, lucide. Tout est dit.

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