Le Cese encourage l’évaluation des politiques publiques jusque dans les territoires

Denis Solignac
Le Cese encourage l’évaluation des politiques publiques jusque dans les territoires

Le département du Gard a lancé l’évaluation de ses politiques publiques

© www.gard.fr/on-dialogue

Peu utilisée par les collectivités, l’évaluation de leurs politiques publiques pourrait pourtant les aider à vérifier la qualité de la réponse apportée aux besoins des citoyens, plaide le Conseil économique, social et environnemental (Cese) dans un avis présenté le 8 septembre. Et la « troisième chambre » d’ouvrir de nombreuses pistes pour renforcer l’évaluation locale via la formation, le recours accru aux chambres régionales des comptes… et aux conseils économiques régionaux.

Pourquoi la France affiche-t-elle un certain retard par rapport aux autres membres de l’OCDE dans les démarches d’évaluation des politiques publiques ? Principalement à cause d’un « problème culturel », répond Nasser Mansouri-Giuliani, économiste et responsable du pôle économique de la CGT à la délégation à la prospective du Conseil économique, social et environnemental (Cese).

Et de préciser que ce peu d’allant des citoyens pour l’évaluation, mais plus encore des élus et des agents des différentes fonctions publiques, provient d’une confusion avec « le contrôle, l’audit » et in fine « la sanction ».

« Le besoin d’une évaluation à différents échelons territoriaux »

Dans son avis présenté le 8 septembre et adopté dans la foulée par le Cese, l’économiste promeut une démarche « qui mesure les effets directs et indirects » des politiques publiques et constitue « un outil pour l’appréciation d’une politique donnée, éventuellement pour l’améliorer, et pour rendre compte aux citoyens ».

Des objectifs qui valent tout autant pour les politiques publiques locales : « La décentralisation et ou la déconcentration des politiques publiques nationales provoquent le besoin d’une évaluation à différents échelons territoriaux », souligne-t-on au siège du Cese, Place d’Iéna.

40% des conseils départementaux ont adopté l’évaluation

La démarche est de facto réservée aux plus grandes collectivités, d’au moins 50 000 habitants – 20% des grandes villes pratiqueraient l’évaluation systématique, ayant constitué une cellule ou mission spécialisée, de même que 80% des conseils régionaux et 40% des conseils départementaux. Et le Cese de se référer notamment à deux expériences en cours :

  • le conseil départemental du Gard((L’évaluation lancée par le CD du Gard.)) qui en juillet a lancé une évaluation pour mesurer les effets des consultations qu’il mène sur la qualité et l’utilité des politiques ou projets départementaux ;
  • et la région Ile-de-France((La mission d’information et d’évaluation lancée par la région Ile-de-France.)) qui a créé en 2014 une mission d’information et d’évaluation relative aux logements de fonction dont elle assure la gestion.

Reste que la pratique de l’évaluation par les collectivités, même grandes, n’a pas encore décollé, faute d’une crédibilité encore à construire, d’une formation insuffisante, de moyens défaillants et de pratiques et process non aboutis.

Crédibiliser la démarche et rendre compte

Sur le premier point, la troisième chambre incite les administrations publiques locales à « favoriser les points de vue et intégrer les parties prenantes, au rang desquels les décideurs, les bénéficiaires et les agents, dans le processus évaluatif ». « Il y a besoin d’un travail d’explication pour faire avancer l’idée que l’évaluation est faite pour améliorer les capacités des collectivités à répondre aux besoins des citoyens », développe Nasser Mansouri-Giuliani.

Mais il est aussi nécessaire de s’assurer d’un processus évaluatif « neutre et impartial ». Un vœu pieu quand on sait que certaines collectivités utilisent parfois l’évaluation pour s’auto-administrer un satisfecit général sur la qualité des politiques menées ?… Pour parer ce dévoiement, l’économiste prône « d’associer toutes les parties prenantes », des bénéficiaires des services aux agents qui les mettent en œuvre.

Par ailleurs, « dans la mesure où l’évaluation des politiques publiques d’envergure nationale se fait de plus en plus à l’échelon territorial, il faut veiller à l’homogénéité des indicateurs utilisés, laquelle doit être assurée par le service statistique public et particulièrement l’Insee », plaide le Cese.

Former à l’évaluation avant même l’entrée en collectivité

Au chapitre formation, la délégation suggère de prévoir « des formations appropriées dans les services chargés de mettre en en œuvre les politiques publiques » et de « de consolider la dimension des politiques publiques dans les enseignements de l’Inet, l’Institut national des études territoriales », comme de l’ENA au niveau national.

Autre piste : « Sensibiliser les décideurs, surtout au niveau des territoires, en mettant, par exemple, à leur disposition un manuel d’évaluation des politiques publiques ».

Les chambres régionales des comptes sollicitées

Dernier enjeu à relever : « L’évaluation des actions publiques que les collectivités territoriales mettent en place de leur propre chef pose aussi la question des moyens et de l’autonomie des acteurs de l’évaluation de ces échelons », constate la délégation à la prospective du Cese.

Si on sait déjà l’évaluation réservée aux grandes collectivités, son coût financier et en moyens humains en rebute toujours une majorité, même parmi les plus grandes. « Le développement des politiques territorialisées et la nécessité de l’évaluation de celles-ci supposent de créer et/ou renforcer les capacités d’évaluation au niveau des territoires », fait valoir le Cese.

Et de plaider, dans cette optique, pour un renforcement du rôle des chambres régionales et territoriales des comptes (CRTC) qui « ont toute leur place ». Elles qui sont déjà, en référence à l’article L.211-8 du Code des juridictions financières, « amenées à évaluer au niveau local les résultats atteints par certains dispositifs au regard des objectifs fixés par l’assemblée ou l’organe délibérant ».

Quand le Cese plaide pour… les Ceser

Autres acteurs invités à embrasser de manière plus récurrente l’évaluation des politiques publiques : les CESE régionaux (Ceser). Déjà, ceux-ci « examinent le budget annuel de la région, les schémas de transport, la formation initiale et professionnelle, etc. Certains mettent en place des missions d’évaluation ad hoc ou contribuent aux évaluations lancées par les conseils régionaux », fait-on valoir Place d’Iéna.

« La relation est étroite entre Ceser et conseils régionaux », permettant de définir en commun « les agendas et programmes d’évaluation », insiste le président de la délégation, Jean-Paul Bailly. Seule restriction, mais de taille : monter des programmes d’évaluation pour les collectivités infra-régionales « est difficile », avoue-t-il.

La coordination des études des Ceser avec le Cese national, leur participation commune à une conférence prospective et d’évaluation, et le recensement systématique des travaux d’évaluation des politiques publiques réalisés à l’échelon territorial par les Ceser, les conseils régionaux et les CRTC, seraient à même, selon la délégation, de doper l’évaluation locale et de franchir une nouvelle étape.

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