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© Conseil constitutionnel
Le Conseil constitutionnel a validé le 8 septembre une large partie des deux lois, simple et organique, de confiance dans la vie politique, confirmant la suppression de la réserve parlementaire. Mais la réserve à disposition des membres du Gouvernement est finalement préservée, au nom de la séparation des pouvoirs. Le Gouvernement pourra bien légiférer par ordonnance pour mettre en place une "Banque de la démocratie".
Les quelque 60 articles rassemblés par les deux projets de loi, ordinaire et organique, de « confiance dans la vie politique", ont franchi sans trop encombre l’examen du Conseil constitutionnel puisque seuls six ont été censurés par les sages ce 8 septembre. Et ce alors que les députés LR de l’opposition avaient contesté nombre des dispositions.
Deux réserves, deux sorts différents
Ainsi, c’est la suppression de la réserve ministérielle qui est retoquée au motif que cette disposition « porte atteinte à la séparation des pouvoirs », à savoir l’intrusion du pouvoir législatif – le Parlement- sur une prérogative de l’exécutif – les ministres du Gouvernement. Moins connue que la réserve parlementaire car beaucoup plus faible (5,7 millions d’euros à disposition des ministres en 2017 contre une enveloppe globale 147 millions pour les sénateurs et députés), la réserve ministérielle était dans le viseur du Sénat qui souhaitait sa suppression par « souci d’équité », malgré les avertissements de la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, sur la probable inconstitutionnalité de la suppression par le Parlement d’une enveloppe financière de l’exécutif.
Peine perdue donc pour la Haute chambre qui voit en revanche la réserve parlementaire, à laquelle elle était attachée et qu’elle souhaitait a minima remplacer par une dotation aux équipements des territoires ruraux, bel et bien supprimée. Les sages précisent toutefois que cette suppression « ne saurait s'interpréter comme limitant le droit d'amendement du Gouvernement en matière financière".
La Banque de la démocratie sur les rails
A noter que c’est également ce principe de la séparation des pouvoirs qui pousse la Rue Montpensier à censurer l'article 23 de la loi imposant au Premier ministre de prendre un décret sur la prise en charge des frais de représentation et de réception des membres du Gouvernement.
En revanche, le Gouvernement aura bien les mains libres pour adopter par ordonnance les fondements d’une future « banque de la démocratie » (art. 30 de la loi ordinaire) ardemment souhaitée par l’éphémère Garde des Sceaux, François Bayrou, « dès lors notamment que sont définis avec précision par le législateur la finalité et le domaine d'intervention des mesures envisagées ».
Les emplois familiaux bannis, malgré le pouvoir restreint de la HATVP
L’interdiction des emplois familiaux pour le Président de la République, les ministres, les parlementaires et les membres d’exécutifs locaux est confirmée. Mais, toujours au nom de la séparation des pouvoirs, la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ne pourra comme prévu par le législateur adresser aux personnes concernées une injonction, rendue publique, tendant à mettre fin à leurs fonctions en cas de conflit d'intérêts.
La HATVP ne disposera pas non plus d’un droit de communication de certains documents ou renseignements reconnu précédemment à l'administration fiscale, « faute que la communication de données de connexion permise par ces dispositions, qui est de nature à porter atteinte au respect de la vie privée de la personne intéressée, soit assortie de garanties suffisantes », s’explique le Conseil constitutionnel..
Pas de contrôle du Parlement sur les indemnités des ministres
Sont aussi retoqués en tant que « cavaliers législatifs car ne présentant pas de lien avec l’esprit du projet de loi initial » :
- l'article 2 de la loi organique relatif à la durée pendant laquelle un ancien membre du Gouvernement peut percevoir une indemnité,
- les dispositions de l'article 16 de la loi organique relatives à la déclaration de situation patrimoniale des membres du Conseil supérieur de la magistrature,
- l'article 23 de la même loi relatif au référendum local : celui-ci rendait applicables au référendum local, auquel peut décider de recourir l’assemblée délibérante d’une collectivité territoriale, les sanctions pénales en cas de non-respect des dispositions relatives au financement des campagnes électorales ;
- et l'article 7 de la loi ordinaire prévoyant la remise au Parlement d'un rapport sur le remboursement des indemnités perçues par certains fonctionnaires au cours de leur scolarité.
Inéligibilité (quasi-)obligatoire en cas de délit
Pas de quoi pour autant inquiéter la Garde des Sceaux, Nicole Belloubet, pour qui « la décision du Conseil ne modifie pas l’économie générale de cette réforme ambitieuse », ce « grand pas pour l’éthique et la transparence publiques ». Ainsi, sont notamment validées malgré la contestation des députés de l’opposition :
- L’obligation faite aux candidats à l'élection présidentielle de remettre au Conseil constitutionnel une déclaration d'intérêts et d'activités, rendue publique au moins quinze jours avant le premier tour de l'élection présidentielle ;
- La procédure de contrôle de la régularité de la situation fiscale des membres du Parlement, sous peine pour le parlementaire d’être déclaré inéligible pour trois ans maximum et démissionnaire d'office de son mandat en cas d’infraction à cette règle ;
- La déclaration obligatoire pour les parlementaires de toute activité de conseil ;
- L’interdiction pour un parlementaire d’exercer la profession de représentant d'intérêts ;
- La peine complémentaire obligatoire d'inéligibilité à l'encontre de toute personne coupable de crime ou de l'un des délits énumérés. Seule exception : l'inéligibilité prononcée pour certains délits de presse punis d'une peine d'emprisonnement ne sera elle pas obligatoire.