La réforme ferroviaire fait une petite place aux régions

Martine Kis
La réforme ferroviaire fait une petite place aux régions

Train express régional

© Flickr/yisris

La réforme ferroviaire, dont l'objet essentiel est l'unification de la SNCF et de RFF, fait une petite place aux régions. Elle prévoit, à leur profit, un versement transport insterstitiel (VTI). Un premier pas, espère l'Association des régions de France, vers un versement transport régional.

La réforme ferroviaire a été adoptée par le Parlement dans la nuit de mardi 22 au mercredi 23 juillet 2014, par un ultime vote du Sénat. L'objectif de cette refonte :  mettre fin à la séparation entre Réseau ferré de France (RFF) et la SNCF, qui se traduit par des surcoûts et des difficultés à coordonner les travaux ferroviaires.

La réforme crée un groupe public ferroviaire, qui sera constitué d'un établissement public de tête "mère" (la future SNCF) et de deux établissements "filles" :

  • le gestionnaire d'infrastructure (SNCF Réseau)
  • et l'exploitant (SNCF Mobilités).

Selon le sénateur-maire de Strasbourg, Roland Ries (photo), président du Groupement des autorités responsables de transport (Gart), il était urgent d’adopter cette disposition : « En effet, l’Italie, qui a pris la présidence du Conseil de l’Union européenne, compte accélérer sur le 4e paquet ferroviaire. Or, ce dernier prévoit que la constitution de toute nouvelle entreprise verticalement intégrée, comme celle proposée par le gouvernement, est interdite sauf pour les sociétés de ce type déjà constituées à sa date d’entrée en vigueur. »

"Une règle d'or" : le rôle de l'Etat financeur rappelé
L'objectif est de stabiliser la dette du secteur ferroviaire (44 milliards d'euros) et de préparer l'ouverture à la concurrence du transport intérieur de passagers (en 2022 ,au plus tard). Dans cette optique, les députés ont voté une "règle d'or" contraignant l'État et les collectivités territoriales à financer le développement de nouvelles lignes. A la satisfaction de l’ARF, qui voit ainsi rappelé le rôle de l’Etat, dont la tendance était de se décharger de plus en plus sur les régions. Concrètement, il s'agit de ne pas décider d’investissements supplémentaires d’extension du réseau, comme un TGV, qui ne seraient pas adossés à des recettes prévisionnelles.

Plusieurs dispositions concernent les collectivités locales.

Une contribution temporaire pour aménager les gares

  • Une contribution locale temporaire pourra être instituée afin de financer les aménagements extérieurs d’une gare ferroviaire de voyageurs, à l’exception des gares d’intérêt national. Elle sera supportée par les voyageurs en provenance ou à destination par chemin de fer de la gare concernée. Le produit de la contribution locale temporaire est destiné à améliorer l’insertion urbaine de la gare, l’accès des usagers aux services de transport public et de mobilité ou l’information multimodale.
  • Le matériel roulant , acheté par les régions, pourra être « mis à disposition de SNCF Mobilités » pour les missions de service public. Cette reprise se fera moyennant le versement d’une indemnité. Il est ainsi mis fin à la situation « absurde », selon les termes de l’Association des régions de France, où les régions investissaient et la SNCF était propriétaire.
  • Au moins deux membres du conseil de surveillance de la SNCF sont des représentants des autorités organisatrices régionales de transport ferroviaire et du syndicat des transports d’Île-de-France. Les régions sont consultées pour avis sur les déclassements de voies sur les projets d'investissement en gare.
  • Des transferts de propriété d’infrastructures ferroviaires ou d’infrastructures de services appartenant à l’État ou à l’un des établissements publics constituant le groupe public ferroviaire peuvent être opérés au profit d’une région, à sa demande.  Ces transferts concernent les lignes que la région utilise ou envisage d’utiliser pour organiser des services de transport de personnes et qui sont séparées physiquement du reste du réseau ferré national.

Un versement transport interstitiel (VTI) pour les régions
Les régions bénéficieront d’un versement transport « interstitiel » (VTI), perçu sur les territoires situés hors périmètre de transport urbain. Le taux sera fixé par le conseil régional dans la limite de 0,55 % des salaires. Il sera institué par délibération de l’exécutif concerné (conseil municipal, communautaire, régional ou Stif).

Selon l’ARF, il s’agit d’une « première étape » vers un versement transport régional. Le VTI, qui rapporterait environ 450 millions d’euros au total, ne suffira en effet pas à financer le système ferroviaire.

Selon le Gart, il s’agit malgré tout d’ « une décision historique des parlementaires d’attribuer une ressource dédiée aux régions ». Il souligne que désormais l’ensemble de territoire national sera concerné par le VT et non seulement l’Ile-de-France et les PTU. Ce qui devrait mettre fin à des stratégies d’optimisation fiscale d'un certain nombre d'entreprises.

Louis Nègre, sénateur-maire de Cagnes-sur-Mer (UMP) et prochain président du Gart, sans contester le principe du VTI, est réservé sur le moment de son adoption. « La mesure n’est pas illégitime, mais on rajoute un taxe au moment où l’Etat annonce une baisse des charges pour les entreprises et des impôts pour les citoyens. Le message est contradictoire ». Il aurait été préférable, selon lui, d’attendre quelques mois et « d’utiliser la voie royale de la réforme territoriale pour remettre à plat la question du financement des transports ».

L'ouverture à la concurrence "oubliée"
Un sujet est absent du texte : celui de l'ouverture à la concurrence, qui sera effective en 2019 ou en 2022. Une absence regrettée par l'ARF. Selon Roland Ries, s'exprimant comme président du Gart, il aurait été judicieux de suivre la voie de la loi d’orientation des transports intérieurs (Loti) qui organise une concurrence régulée, avec une distinction claire entre autorités organisatrices de transport (AOT) et opérateurs de transport. Les AOT pouvant choisir la régie si elles le souhaitent. Ce mode de gouvernance pourrait être, "en changeant ce qui doit être changé", "utile pour la gouvernance future du système ferroviaire français".

Selon le secrétaire d'Etat aux Transports, Frédéric Cuvillier, il s'agit non pas d'une "réforme définitive du secteur ferroviaire, mais d'une réforme qui doit donner un nouveau cadre et redonner confiance en l'avenir du secteur ferroviaire". Elle sera mise en œuvre "dès les prochains jours", a-t-il assuré.

UNE PLACE POUR LE VELO

Le vélo n’a pas été oublié par la réforme ferroviaire, à la satisfaction du Club des villes et territoires cyclables.

SNCF Mobilités établira, pour les gares de voyageurs prioritaires, un plan de stationnement sécurisé des vélos. Il fixera le nombre et l’emplacement des équipements de stationnement des vélos et les modalités de protection contre le vol, suivant la fréquentation de la gare, sa configuration et les possibilités d’y accéder selon les différents modes de déplacement. Il tiendra compte des possibilités d’embarquement des vélos non démontés à bord des trains. Il programmera la réalisation des travaux avec un plan de financement. Ce plan sera élaboré en concertation avec les collectivités territoriales et leurs groupements.

Selon le Club, la création de parkings sécurisés est un puissant levier de la pratique du vélo et de l'intermodalité en favorisant l’acquisition de vélos de bonne qualité et notamment de vélos à assistance électrique qui permette d’effectuer de plus longs parcours.

Par ailleurs, une autre disposition prévoit que toute suppression du service d’embarquement des vélos non démontés à bord des services de transports ferroviaires de voyageurs d’intérêt national (TGV et grandes lignes) sera soumise, pour avis, aux régions concernées. Pour le Club, cela est logique, puisque mettre fin à cette possibilité pourrait être préjudiciable à l’attractivité touristique des collectivités concernées.

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