loupe-librededts
La loi n°2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral (JO du 18 mai 2013) refond les modalités d’organisation des scrutins municipaux, intercommunaux et départementaux. Décryptage.
Une analyse juridique réalisée par Alexandra Aderno, avocate, SCP SEBAN & Associés
L'ESSENTIEL
• Le scrutin de liste s’appliquera à partir de 1000 habitants lors des élections municipales de mars 2014
• Les conseillers communautaires seront élus par fléchage sur les listes municipales selon le principe « un bulletin deux listes »
• En mars 2015, les conseillers départementaux seront intégralement renouvelés, au scrutin binominal mixte, sur des cantons redécoupés
Les principaux objectifs annoncés de cette réforme sont de favoriser l’égal accès des hommes et des femmes aux mandats locaux et de renforcer la légitimité démocratique de l’intercommunalité.
La loi abaisse de 3 500 à 1 000 habitants le seuil d’application du scrutin de liste qui entrera en vigueur dès les prochaines élections municipales de mars 2014. Elle organise les modalités d’élection des conseillers communautaires par fléchage sur les listes des candidats aux élections municipales, en instaurant le principe « d’un bulletin, deux listes ». Dans les communes de moins de 1 000 habitants, les conseillers communautaires sont « les membres du conseil municipal désignés dans l’ordre du tableau ».
La loi abroge les dispositions de la loi du 16 décembre 2010 de réforme des collectivités territoriales qui avaient créé le conseiller territorial. Elle proroge d'un an le mandat des conseillers généraux, des conseillers régionaux et des membres de l'Assemblée de Corse, afin que ces élections aient lieu en mars 2015 par renouvellement intégral.
En 2015, les conseillers généraux, rebaptisés conseillers départementaux, seront élus au scrutin majoritaire binominal mixte. Deux conseillers départementaux seront élus dans chaque canton, au scrutin majoritaire à deux tours. Les candidats se présenteront devant le suffrage constitués en binôme. Chaque binôme devra être composé d'une femme et d'un homme. Ce nouveau mode de scrutin nécessite un redécoupage des cantons dont le nombre sera divisé par deux (de 4 000 à 2 000).
I. Elections municipales et intercommunales de mars 2014
Le seuil de population au-delà duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste est abaissé de 3500 à 1 000 habitants. Le choix du curseur a été source de discordes au Parlement. Les députés étaient partisans d’abaisser le seuil à 500 habitants, en dépit de l’opposition du Sénat qui l’a relevé à 1000 habitants.
On peut considérer que ce chiffre de 1 000 habitants assure un juste équilibre permettant le renforcement de la parité dans ces communes tout en prenant en considération les spécificités de certaines communes dans lesquelles le déficit de candidats aux élections municipales est patent.
En outre, une disposition réduit de deux (de 9 à 7) le nombre de conseillers municipaux des communes de moins de 100 habitants, pour faciliter la constitution et le fonctionnement de l’équipe municipale.
Cependant, la loi pose des contraintes pour les petites communes.
A. Des contraintes fortes dans les communes de moins de 1000 habitants
La déclaration de candidature obligatoire
Quel que soit le seuil démographique de la commune, une déclaration de candidature sera obligatoire lors des prochaines élections municipales « au premier tour de scrutin pour tous les candidats et, au second tour, pour les candidats qui ne se sont pas présentés au premier tour ».
Antérieurement, le mode d’élection dans les communes de moins de 3 500 habitants se caractérisait par un scrutin majoritaire à deux tours, les candidats se présentant en listes complètes et le panachage étant autorisé. Une spécificité supplémentaire était admise pour les communes de moins de 2 500 habitants, pour lesquelles les candidatures isolées et les listes incomplètes étaient autorisées. Par ailleurs, le dépôt de candidature n’était pas obligatoire dans ces communes essentiellement rurales.
S’il est patent que, dans les communes de moins de 1000 habitants, l’exercice de fonctions électives ne recouvre presque aucune vocation politique mais repose davantage sur le volontariat ou le plébiscite local, le législateur ne semble pas avoir pris la mesure des changements radicaux imposés à ces communes mais également des risques liés à la démocratie locale, par l’introduction d’une obligation de déclaration de candidature. Une telle disposition ne parait pas en adéquation avec la pratique antérieure qui offrait une solution de facilité dans des collectivités où les administrés étaient indifféremment sollicités pour être candidat, au regard de leur faible nombre.
Le cumul de mandat municipal et intercommunal maintenu
Dans les communes de moins de 1000 habitants, les conseillers communautaires, élus au sein de l’organe délibérant de l’établissement public de coopération intercommunale (EPCI), sont les conseillers municipaux désignés dans l’ordre du tableau. Une telle disposition impose un cumul des fonctions et des responsabilités pour le maire et ses adjoints au détriment des élus municipaux souhaitant s’impliquer dans les affaires communautaires.
B. Un fléchage complexe des conseillers communautaires dans les communes de plus de 1 000 habitants
La loi du 16 décembre 2010 prévoyait déjà le principe de l’élection des délégués communautaires au suffrage universel direct. La loi du 17 mai 2013 en fixe les modalités par le biais d’un mécanisme de fléchage dans les communes de plus de 1000 habitants. Le mandat de conseiller municipal devient ainsi intimement lié à celui du conseiller communautaire puisque la liste des candidats aux sièges de conseiller communautaire figurera distinctement sur le même bulletin que la liste des candidats au conseil municipal tout en devant reprendre un ordre similaire de présentation.
Un dispositif contraignant
La contrainte imposée par le fléchage connait un assouplissement minime puisque les candidats communautaires pourront être désignés au-delà des premiers de la liste, dans les trois premiers cinquièmes de la liste des candidats au conseil municipal, étant précisé que les candidats présentés dans le premier quart de la liste des candidats aux sièges de conseillers communautaires doivent figurer dans le même ordre que les candidats têtes de liste au conseil municipal.
Il s’agit donc d’un enchevêtrement de dispositions complexes qui semblent difficilement combinables et qui prévoient une marge de manœuvre très étroite pour élaborer la liste des candidats aux élections communautaires au regard de la liste des candidats aux élections municipales.
Il est dès lors permis de s’interroger sur la réalité des progrès pour la démocratie locale réalisés par une telle réforme lorsque la complexité du mécanisme retenu aura probablement pour effet une perte de lisibilité du scrutin par les électeurs.
Représentation de l’opposition
Néanmoins, ce système aura le mérite d’instaurer une juste représentativité des tendances politiques au sein des établissements intercommunaux. A cet égard, une politisation accrue des conseils communautaires est donc à prévoir, ce qui devrait inciter à réfléchir à la nouvelle gouvernance des structures intercommunales. En effet, si divers courants politiques sont déjà représentés au sein de ces structures en fonction de la majorité de la commune, il faudra désormais compter parmi les élus de l’opposition représentants chaque commune au sein de l’établissement.
II. Les élections départementales de 2015
Elément symbolique de la réforme, le changement de terminologie du conseil « général » qui est remplacé par conseil « départemental ». C’est ici le lien historique qui cède devant une meilleure compréhension des électeurs qui éliront en 2015 des « conseillers départementaux » (et non plus généraux). Le renouvellement de ces conseillers sera intégral tous les six ans.
A. Un nouveau mode de scrutin
La mesure qui a entrainé les plus vives contestations est sans doute celle imposant le scrutin binominal majoritaire paritaire à deux tours pour les élections des conseillers départementaux. L’instauration de ce mode de scrutin inédit fait écho à la suppression du conseiller territorial qui aurait dû faciliter l’articulation de compétences et la prise de décision entre les conseils généraux et les conseils régionaux .
Une indépendance très relative du binôme
Ce nouveau mode de scrutin a la particularité de contraindre un homme et une femme à présenter un acte de candidature commun et à choisir un unique mandataire qui gérera un compte de campagne commun, ce qui implique nécessairement de mener une campagne centrée sur des idées politiques partagées et de présenter des projets qui auront l’apparence d’être soutenus de pair . Nul binôme ne peut être candidat au second tour s’il ne s’est présenté au premier tour et s’il n’a obtenu un nombre de suffrages égal au moins à 12,5 % du nombre des électeurs inscrits.
Pourtant, une fois le binôme élu, chacun de ses membres exercera son mandat indépendamment aux termes de la loi. Il est donc permis de s’interroger sur cette notion d’indépendance au vu des règles gouvernant la phase préélectorale.
Cette indépendance semble toute relative au regard des mécanismes de vacances instaurés par la loi. En effet, la loi prévoit que dans l’hypothèse où le remplacement de l’élu vacant est impossible, son siège demeure vacant ; en revanche, si les deux sièges d’un même canton sont vacants, une élection partielle sera organisée. Saisi de cette disposition, le Conseil constitutionnel n’a pas manqué de relever la contradiction flagrante et de considérer qu’un tel mécanisme de vacance est de nature à entraver le fonctionnement normal de l’organe délibérant.
Une contrainte paritaire
L’objectif de parité imposé par la loi présente des aspects très contraignants dans la mesure où la constitution d’un binôme mixte ne parait pas toujours simple. S’il ne peut être contesté que les femmes ne représentaient que 13,5% des élus dans les conseils généraux en 2012, il convient néanmoins de ramener ce chiffre à proportion du pourcentage de femmes candidates lors du scrutin, soit 23,2%. Or, le nouveau mode de scrutin ne résout pas la difficulté relative au faible nombre de femmes candidates à ces élections. La contrainte paritaire est davantage renforcée par l’obligation légale imposant que le remplaçant désigné de l’élu soit de même sexe.
Jusqu’à présent, les dispositions instaurées par la loi n°2007-128 du 31 janvier 2007 tendant à promouvoir l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives paraissaient assurer convenablement la parité au sein des institutions locales.
En effet, l’obligation de la stricte alternance entre les femmes et les hommes dans la composition des listes pour l’élection de l’exécutif des régions et des communes de 3 500 habitants et plus ainsi que les sanctions financières indirectes prévues dans les scrutins uninominaux parviennent à assurer la représentation féminine.
C’est d’ailleurs cette voie qui a été suivie par le législateur s’agissant de l’élection des membres de la commission permanente, qui seront désormais élus au scrutin de liste à la proportionnelle, chaque liste étant composée alternativement d’un candidat de chaque sexe. La même règle d’alternance stricte ayant été reprise pour l’élection des vice-présidents du conseil.
B. Un redécoupage des cantons
Le nouveau scrutin binominal et le maintien du nombre de conseillers départementaux conduisent à diviser par deux le nombre des cantons, ce qui engendre leur complexe redécoupage alors qu’un scrutin de liste à l’échelle départemental aurait sans doute été plus simple et efficace. Quoi qu’il en soit, les écarts démographiques significatifs constatés ces dernières années entre les cantons d’un même département ont conduit à s’interroger sur la nécessité démocratique de redécouper ces territoires. Il s’est ainsi avéré que chaque canton élisait un conseiller général sans qu’une véritable représentativité et légitimité de l’élu soit consacrée en l’absence de relation de proportionnalité entre la population d’un canton au regard de celle du département et le nombre de conseillers généraux.
Le critère démographique privilégié
C’est dans cette mesure que la loi du 17 mai 2013 prévoit de redessiner les contours des cantons afin d’accentuer l’ancrage des élus au sein du territoire, d’assurer un lien de proximité entre l’élu et la population représentée mais également d’accroitre l’attractivité des élections départementales. Il s’agit donc de définir le principe général offrant une uniformité, une continuité territoriale et une mixité au sein de ces nouveaux cantons entre les zones fortement urbanisées et celles non urbaines.
Si des règles pragmatiques ont été entérinées, précisant notamment que le territoire de chaque canton doit être continu et que le territoire des communes de moins de 3 500 habitants doit être entièrement compris dans le même canton, en revanche, aucun principe permettant d’égaliser la population au sein des cantons n’a pu être retenu.
Pourtant, les nombreuses modifications du projet de loi discuté visaient l’introduction d’un taux de la population moyenne des cantons du département qui venait régir leur redécoupage. Les discussions se sont orientées dans un premier temps sur la valeur du pourcentage à retenir pour déterminer si la population d’un canton n’était pas inférieure ou supérieure à la population moyenne des cantons du département. Finalement, eu égard à la jurisprudence constitutionnelle , la loi a uniquement retenu que le redécoupage des cantons se fera sur des bases essentiellement démographiques.
Malgré l’imprécision de la loi quant au critère démographique gouvernant le redécoupage des cantons, le Conseil constitutionnel a considéré que le pouvoir règlementaire est effectivement encadré. En revanche, il a estimé que les exceptions à la délimitation des cantons, telles que l’enclavement, la superficie ou encore le relief, étaient susceptibles d’entrainer un redécoupage arbitraire des circonscriptions.
Les modalités techniques de redéfinition du territoire des cantons étant arrêtées, il appartiendra aux décrets d’application de la loi d’envisager la manière d’appréhender les disparités de population.
A SAVOIR
Cantons. « Le nombre de cantons dans lesquels sont élus les conseillers départementaux est égal, pour chaque département, à la moitié du nombre de cantons existant au 1er janvier 2013, arrondi à l’unité impaire supérieure si ce nombre n’est pas entier impair », prévoit le texte. « Le nombre de cantons dans chaque département comptant plus de 500 000 habitants ne peut être inférieur à 17. Il ne peut être inférieur à 13 dans chaque département comptant entre 150 000 et 500 000 habitants. »
Chef-lieu. La qualité de chef-lieu de canton sera maintenue aux communes qui la perdent dans le cadre d’une modification des limites territoriales des cantons, « jusqu’au prochain renouvellement général des conseils départementaux ».
Conseillers de Paris. Le Conseil constitutionnel a censuré l'article 30 de la loi relatif à la répartition des sièges des membres du conseil de Paris. Il modifiait cette répartition entre arrondissements tout en maintenant la règle ancienne selon laquelle chaque arrondissement dispose d'au moins trois sièges quelle que soit sa population. Le Conseil constitutionnel a relevé que cette règle conduirait, dans les 1er, 2ème et 4ème arrondissements, à ce que le rapport du nombre des conseillers de Paris à la population de l'arrondissement s'écarte de la moyenne constatée à Paris dans une mesure qui est manifestement disproportionnée. Il a donc censuré l'article 30 et les tableaux annexés.
Analyse publiée dans le Courrier des maires et des élus locaux, n°269, juin-juillet 2013
Réforme des élections municipales : ce qui va changer | Villars pour Tous - 03/07/2013 08h:14
[...] article complet sur la réforme des scrutins locaux est disponible (l’article complet : courrier des maires); En voici les principaux changement pour [...]
Répondre au commentaire | Signaler un abus