« La réduction des normes ne peut se réaliser qu’avec une adaptation aux réalités locales »

Aurélien Hélias
« La réduction des normes ne peut se réaliser qu’avec une adaptation aux réalités locales »

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© Phovoir

Pour Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’université de Versailles-Saint-Quentin-en-Yvelines, le législateur a superposé aux règles générales des normes locales. Pour lui, il faut revoir cette architecture complexe, alors que le Gouvernement semble vouloir aller en ce sens en intégrant dans chaque projet de loi un volet de simplification législative.

Comment accueillir l’intégration systématique d’un « titre comportant des mesures de simplification législative » dans chaque projet de loi ?

La simplification législative doit être un objectif constant et réaffirmé, notamment dans les projets de loi, même si tout projet ne se prête pas à un volet de simplification. La présence d’un titre de simplification est bienvenue, ne serait-ce que pour élaguer les branches mortes de la législation : dispositions obsolètes, inadaptées, irréalistes, mais aussi pour éviter des contraintes excessives. Les changements incessants de législation sont une atteinte à la sécurité juridique. Citons l’exemple des enceintes sportives. En contrepartie, tout dispositif législatif demeuré inappliqué au-delà d’un délai raisonnable pourrait faire l’objet d’une évaluation spécifique destinée au législateur.

S’en remettre à chaque ministre pour élaborer un plan de simplification des normes, est-ce la bonne méthode ?

[caption id="attachment_74003" align="alignright" width="300"] Jean-Pierre Camby, professeur associé à l’université de Versailles Saint Quentin.[/caption]

C’est même la seule solution au plan institutionnel : l’administration est la mieux placée pour faire remonter au ministre qui la dirige les difficultés rencontrées. Cela n’exclut pas des structures de réflexion, inspections ou missions. La nouveauté de la démarche gouvernementale est d’assurer une coordination de l’action de simplification. On peut donc en attendre des résultats tangibles, même s’il faut assurer une meilleure cohérence entre ce volet et, par exemple, les objectifs et indicateurs de performance budgétaire.

Réduire massivement le stock des normes applicables aux collectivités, est-ce réaliste ?

La réduction du nombre de normes juridiques et techniques ne peut se réaliser qu’en tenant compte d’une nécessaire adaptation aux réalités locales. La difficulté majeure au niveau législatif provient de la superposition de la législation générale nécessairement appliquée uniformément sur le territoire - par exemple, en matière d’urbanisme, la loi « Alur » -, et de textes ou de zonages administratifs spécifiques qui ne dérogent pas à la loi générale, mais s’y ajoutent - la loi « littoral » ou la loi « montagne ». Ces lois sont nécessaires à l’aménagement du territoire ou à la protection de l’environnement. Mais elles devraient alors aboutir à appliquer un cadre spécifique, non à ajouter des strates aux strates. Et les obstacles ne tiennent pas seulement à d’éventuelles résistances administratives : nul n’est prêt à assumer les conséquences de l’abandon de systèmes protecteurs en matière de sécurité sanitaire, d’urbanisme, etc. La généralisation des mécanismes de consultation, mais aussi la volonté de regrouper les structures, contribuera sans doute au mouvement.

La surtransposition des directives européennes est-elle monnaie courante ? Le secteur publics local est-il particulièrement concerné ?

Il y a toujours, sur le fond, des raisons de compléter les directives au-delà de leur texte, par souci de cohérence juridique ou de résolution des problèmes connexes. Cette tendance s’explique aussi par des raisons procédurales : l’encombrement de l’ordre du jour des assemblées parlementaires, la prohibition des cavaliers législatifs, comme l’obligation de transposer les directives, expliquent que leur texte soit souvent complété. Je n’ai pas le sentiment que le mouvement soit plus spécifiquement accentué s’agissant des collectivités territoriales : c’est une tendance générale et, ici encore, seule une volonté constante pourra inverser la tendance.

Quel premier bilan faire de la circulaire du 26 juillet 2017 instaurant la règle du « deux normes supprimées pour une créée » ?

C’est encore un peu tôt. Le Conseil des ministres du 12 janvier dernier fait cependant état d’une première appréciation positive, surtout au niveau règlementaire.

Sera-t-il aisé de supprimer deux normes pour une créée dans le champ d’action des collectivités ?

Ce principe d’identité s’applique aux normes contraignantes et aux procédures. La libre administration des collectivités locales est potentiellement accrue si des normes juridiques, assouplies, sont renvoyées à une compétence décentralisée. En revanche, les procédures concernent essentiellement l’administration d’Etat, donc moins le fonctionnement propre des collectivités, à l’exception des fonctions exercées par celles-ci au nom de l’Etat, comme l’état civil ou la révision des listes électorales. Mais ce ne sont pas des domaines dans lesquels les normes elles-mêmes peuvent être simplifiées. En revanche, la contractualisation des relations avec l’Etat, l’intercommunalité, la gestion des services publics locaux ou de l’urbanisme sont des terrains favorables à la simplification.

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