Plantation d'arbres, Chevilly-Larue
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Une étude du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) vise à observer la prise en compte des problématiques de conditions de travail et plus particulièrement de pénibilité au travail, ainsi que les dispositifs mis en place par les collectivités pour permettre leur prévention et leur traitement. Présentation.
L’étude de la prise en compte de la pénibilité au travail dans les collectivités locales s’inscrit dans la mission confiée au CNFPT d’observation et de prospective sur les politiques de ressources humaines et de formation des collectivités et des établissements publics territoriaux.
Elle vient en prolongement et complément de l’étude du CNFPT sur « La prise en compte des risques psychosociaux dans les collectivités territoriales », éditée en 2012.
Le cadre juridique
La loi n°2010-1330 du 9 novembre 2010 portant réforme des retraites, complétée ensuite par la loi n°2014-40 du 20 janvier 2014 garantissant l’avenir et la justice du système de retraite et leurs transpositions dans le code du travail, vient apporter une définition légale à la pénibilité et déterminer les obligations de l’employeur pour en assurer la prévention et le suivi.
Ces deux lois et leur transposition dans le code du travail apportent une définition juridique de la pénibilité et prévoient un principe de traçabilité (article L.4161-1 du code du travail) ; précisent les obligations de l’employeur en matière d’évaluation des risques (article L.4121-3 du code du travail) ; renforcent l’obligation de prévention de la pénibilité en complétant les principes généraux de prévention prévus au code du travail (article L.4121-1).
Elles déterminent les principes généraux de prévention (article L.4121-1) :
- éviter les risques ;
- évaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
- combattre les risques à la source ;
- adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production en vue, notamment, de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
- tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
- remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
- planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L.1152-1 et L.1153-1 ;
- prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
- donner les instructions appropriées aux travailleurs.
En outre, les compétences du CHSCT sont précisées, (article L.4612-2 du code du travail) notamment pour « l’analyse de l’exposition des salariés à des facteurs de pénibilité » et un « compte personnel de prévention » est mis en place à partir du 1er janvier 2015 pour les salariés du privé.
Obligations moins coercitives dans le secteur public ?
Cependant, l’article 2-1 du décret n°85-603 du 10 juin 1985 relatif à l’hygiène et à la sécurité du travail ainsi qu’à la médecine professionnelle et préventive dans la fonction publique territoriale, précise laconiquement que « les autorités territoriales sont chargées de veiller à la sécurité et à la protection de la santé des agents placés sous leur autorité ».
Et il apparaît que si elles sont applicables à la fonction publique et à la fonction publique territoriale en particulier, les dispositions prévues par le code du travail et en particulier, les obligations de l’employeur en matière de pénibilité, ne sont pas aussi coercitives que dans le secteur privé. Quant au compte personnel de prévention, il reste à voir les conditions de sa transposition à terme au secteur public.
Pourtant, au regard de la législation, dans leur majorité, les collectivités tendent à avoir une définition extensive de la pénibilité au travail. Elles intègrent derrière les termes génériques de la pénibilité : les risques professionnels mais aussi les RPS, les aspects d’usure et d’épuisement professionnels quels qu’ils soient, les tensions, la souffrance et le mal-être au travail.
Plusieurs acteurs rencontrés à l’occasion de cette étude du CNFPT soulignent des difficultés. Ainsi de l'ambiguïté permanente entre le cadre très large de l’hygiène, de la santé et de la sécurité au travail, et la notion même de risques professionnels par nature plus restrictive. « Ainsi, il est indiqué que le comité technique contribue à la promotion de la prévention des risques professionnels et qu’il pourra, à ce titre, proposer des actions de prévention du harcèlement moral et du harcèlement professionnel, or le harcèlement ne figure pas dans les risques professionnels. Il figure en revanche dans les principes généraux de prévention ».
Pénibilité et dialogue social
Au sein des comités techniques et des CHS-CHSCT, en 2014, l’ensemble des représentants du personnel ont observé que les problématiques de pénibilité au travail et, plus largement, de conditions de travail prennent une place centrale dans le dialogue social.
Les représentants du personnel sont eux-mêmes également de plus en plus souvent saisis directement par les agents sur leurs conditions de travail, sur des problèmes relationnels. Ils sont amenés à orienter fréquemment les agents en usure professionnelle vers le médecin du travail.
Ils partagent les mêmes constats que les acteurs de la prévention quand à une progression de l’usure professionnelle des agents en dénonçant l’allongement des carrières, le vieillissement de certaines catégories d’agents qui sont à la fois les plus précaires, les moins qualifiés et les plus exposés à la souffrance au travail.
« Une exigence de performance toujours plus forte »
Les organisations syndicales et les représentants du personnel soulignent la baisse de l’accidentologie et les efforts engagés par les collectivités pour améliorer les conditions de travail. Ils observent toutefois « une forme de déshumanisation des relations au travail, une augmentation du mal-être au travail due à une combinaison entre réduction budgétaire, stagnation des effectifs et une exigence de performance toujours plus forte relayée par un encadrement lui-même sous tension ».
Enfin, les représentants du personnel s’inquiètent du devenir de cette problématique et de la prise en charge effective des agents dès lors que « les mesures d’accompagnement : les aménagements de poste, les reclassements, les mobilités, les renforts sont de plus en plus difficiles, voire incompatibles avec un contexte de rationalisation des moyens ».