Offices du tourisme : bientôt réservés à l'interco ?
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Le projet de loi de réorganisation territoriale cite les régions comme chefs de file de la politique touristique dans les territoires. Il attribue une compétence obligatoire dans ce domaine aux intercommunalités tout en faisant de cette compétence une compétence partagée. Rien de cela ne satisfait les élus locaux.
Le tourisme va-t-il trouver sa voie dans les régions ? A première vue, le projet de loi de réorganisation territoriale va dans ce sens. Dans son article 5, le texte précise que les compétences en matière de tourisme seront « partagées entre l'Etat et les collectivités » et que « la région est désignée en qualité de chef de file chargé d'organiser les modalités de l'action commune des collectivités territoriales et de leurs groupements ».
Schéma régional et nouvelle compétence pour l'intercommunalité
Concrètement, les régions devront élaborer un schéma régional de développement touristique (SRDT) et fixer à travers ce document les objectifs stratégiques d'aménagement, de développement et de promotion touristiques. Ce schéma tiendra lieu de convention territoriale d'exercice et devra être élaboré en concertation avec les autres échelons territoriaux.
Cependant, qui dit chef de file régional ne dit pas compétence exclusive. L'article 24 du projet de loi place le domaine du tourisme comme ceux de la culture et du sport au rang de « compétences partagées », quand l'article 14 propose que « la promotion du tourisme par la création d'office de tourisme » entre dans le champ des compétences obligatoires des communautés de communes et d'agglomération.
Conséquence directe de cette mesure, les offices de tourisme des communes touristiques et des stations classées de tourisme seront maintenus mais transformés en bureau d'information de l'office de tourisme intercommunal, à l'exception de celui qui lui servira de siège.
Les communes prônent une démarche intercommunale volontaire
Les maires de France ne voient pas d'un bon œil cette dernière mesure. « Je pense que le principe du volontariat est plus intelligent, insiste Jacques Pélissard, président de l'Association des maires de France. S'il y a un intérêt à travailler au niveau intercommunal, les communes membres le feront. Cependant, dans une communauté, la commune phare en termes de tourisme n'est pas forcément la commune centre. Elle risque de se retrouver noyée dans l'intercommunalité et “méconnue” par ses voisines qui ne mettront pas le paquet, y compris financièrement, pour assurer les opérations de promotion. »
Le développement touristique et l'attractivité d'un territoire dépendent aussi d'autres actions – mise en valeur du patrimoine, activités de loisir, voirie, logement des saisonniers, etc. – qui ne relèvent pas forcément des compétences intercommunales”
Le président de l'AMF souligne par ailleurs le caractère transversal du tourisme. « Le développement touristique et l'attractivité d'un territoire dépendent aussi d'autres actions – mise en valeur du patrimoine, activités de loisir, voirie, logement des saisonniers, etc. – qui ne relèvent pas forcément des compétences intercommunales. Créer une dissociation entre ces compétences et celle du tourisme est à mon sens porteur d'effets négatifs, voire pervers. »
Les départements, meilleure échelle ?
Entre les communes et intercommunalités qui acquièrent une nouvelle compétence et les régions qui se voient attribuer le « chef de filât » du tourisme, les départements défendent leur rôle et la pertinence de leur échelle territoriale dans ce domaine face aux menaces de leur disparition pure et simple.
« Quand vous faites du tourisme à la montagne par exemple, vous ne restez pas dans une commune ou une intercommunalité, explique-t-on à l'Association des départements de France. Et en même temps, vous n'allez pas parcourir les centaines de kilomètres d'une région et encore moins des super régions qui se préparent. » Et de conclure : « Le département correspond à une bonne échelle du point de vue touristique : il offre la proximité et en même temps une échelle suffisamment large pour structurer une offre. »
C’est un point de vue que Maria Vadillo, élue à la région Bretagne et présidente de la commission tourisme de l'ARF, ne partage pas. Pour elle, c'est assez clair : l'aménagement du territoire doit se faire entre les intercommunalités ou groupements d'intercommunalités et les régions. Le fait que les intercommunalités obtiennent une compétence obligatoire dans le domaine satisfait donc les régions.
Mais leur contentement s'arrête ici. « Sur la place attribuée aux régions dans le tourisme, ce projet de loi est une illusion », estime l'élue qui a réuni la commission tourisme de l'ARF la semaine dernière pour analyser la question.
Un faux chef de filât ?
Si du côté de l'AMF, on approuve l'idée d'un schéma régional « à condition qu'il ne descende pas trop dans les détails » sous peine de « faire entrave à l'ensemble des collectivités qui portent vraiment les projets, qui assument au quotidien la promotion touristique de leur territoire », à l'ARF, on estime que ce chef de filât est un leurre.
« Qu'est-ce que dit la loi ? Elle dit que l'on peut fusionner le CRT et les CDT, illustre Maria Vadillo. Mais cette possibilité n'est pas nouvelle. Elle prévoit que l'on élabore un schéma ? Mais ce schéma ne doit pas être validé par l'assemblée plénière de la région mais par cette espèce de bouillie pour chat qu'est la conférence territoriale, laquelle en réalité n'a pas pour attribution de valider quoique ce soit mais seulement d'être un lieu de négociation. »
Autre cause de mécontentement pour l'ARF : le contenu du schéma régional n'est applicable qu'aux collectivités signataires. « Concrètement, cela signifie que tous les échelons peuvent ou non s'emparer de cette compétence et sans respecter une stratégie régionale, s'emporte l'élue. Ce texte rajoute des strates à celles qui existaient et opacifie les choses. Il montre surtout que ses auteurs considèrent encore le tourisme comme du macramé et non comme une des économies les plus créatrices d'emplois. »
Les débats parlementaires promettent d'être intenses...
Tourisme et Affaires étrangères
A la faveur du remaniement ministériel, le secrétariat d'Etat au Tourisme a été rattaché au ministère des Affaires étrangères. Cette décision semble contenter les décideurs locaux. « Si cela peut contribuer à promouvoir encore plus la France touristique à l'étranger, c'est bon pour la balance commerciale », commente Jacques Pélissard. Pour la Fédération des villes moyennes, « cette stratégie de rayonnement international » peut bénéficier à de nombreuses villes moyennes « qui ont un patrimoine et des atouts touristiques nombreux », mais « elle ne doit pas se faire au détriment d'une stratégie prenant en compte les territoires au rayonnement davantage local ou national ».
Quant aux régions, elles estiment que ce rattachement est à même de « relancer une véritable politique nationale pour faire rayonner la France », à condition que les entreprises du tourisme soit traitée à la même enseigne que les entreprises des autres secteurs.