La phase administrative de l’expropriation au profit des collectivités territoriales

Denis Solignac
La phase administrative de l’expropriation au profit des collectivités territoriales

Exproprier : pourquoi, comment ?

© Flickr-CC-G.Klein

La procédure d’expropriation se trouve au cœur des problématiques de développement économique et d’aménagement de l’espace. L’augmentation importante des dossiers contentieux, portant principalement sur les arrêtés de déclaration d’utilité publique (DUP) et de cessibilité, ainsi que les nombreuses questions dont sont saisis les services de la DGCL, sont à l'origine de ce guide sur la phase administrative de l’expropriation.

Ce guide a pour objectif d’apporter aux services des collectivités locales une information claire et opérationnelle sur :
- les étapes clés de cette procédure afin de minimiser les risques d’annulation pour vices de forme, qui sont les moyens les plus facilement soulevés par les requérants ;
- les éléments matériels des dossiers à examiner ou constituer ;
- les critères d’appréciation à retenir pour vérifier la légalité et l’opportunité des dossiers de déclaration d’utilité publique (DUP).
Il ne peut cependant prétendre à l’exhaustivité et les analyses juridiques présentées le sont sous réserve de l’appréciation souveraine du juge. Il ne dispense pas de se reporter directement aux dispositions mentionnées.
Enfin, ce guide est à jour des modifications du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique introduites par l’ordonnance n° 2014-1345 du 6 novembre 2014 relative à la partie législative du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique et par le décret n° 2014-1635 du 26 décembre 2014 relatif à la partie réglementaire du code de l’expropriation pour cause d’utilité publique.

La procédure d’expropriation se caractérise par sa complexité, notamment dans la phase administrative qui relève directement de la compétence du préfet chargé de prendre l’arrêté de DUP.

A titre d’exemple, la nécessité de mettre en compatibilité un document d’urbanisme ou de prendre en compte certaines contraintes environnementales peut venir allonger et compliquer cette procédure.

Une irrégularité peut entacher d’illégalité la DUP, et, en cas de recours contentieux, être de nature à entraîner de lourdes conséquences économiques et sociales dont l’Etat peut être déclaré responsable, notamment en cas d’emprise irrégulière((CAA Lyon, 26 novembre 2009, n° 09LY00384.)).

Dès lors, avant de déclarer l’utilité publique du projet, il appartient aux responsables des collectivités de veiller à ce que toutes les étapes de la procédure et les délais ont été respectés.

Le préfet apprécie l’utilité publique du projet

Au-delà des questions touchant à la légalité externe, le juge peut être amené à annuler une DUP pour des motifs d’illégalité interne, principalement pour défaut d’utilité publique. Ainsi, le préfet n’est pas seulement garant de la régularité de la procédure, il lui appartient également d’apprécier l’utilité publique du projet.

En effet, comme en cas de vice de forme, il est possible de ne pas donner suite à une demande d’expropriation en cas de doute sur la réalité de l’utilité publique du projet.

La décision de ne pas déclarer le projet d’utilité publique doit être motivée et peut faire l’objet d’un recours pour excès de pouvoir, le juge ne pouvant sanctionner que l’erreur manifeste d’appréciation.

Utilité publique : trois critères principaux

L’appréciation de l’utilité publique d’un projet se fait au cas par cas et repose sur trois critères principaux que le juge, en cas de recours, examinera afin d’exercer son contrôle.

  1. L’opportunité du projet. Le projet envisagé doit être justifié et répondre à une situation de fait. Des données chiffrées objectives seront souvent nécessaires pour apprécier l’opportunité de l’opération. En outre, avant de décider, l’administration doit examiner l’intérêt de la solution consistant à améliorer l’existant et à ne rien entreprendre de nouveau.
  2. La nécessité de l’expropriation. Tout projet d’aménagement ou de construction ne nécessite pas obligatoirement le recours à la procédure d’expropriation. Celle-ci n’est nécessaire que lorsque le maître d’ouvrage ne dispose pas des terrains nécessaires à la réalisation de son projet et qu’il n’a pas la possibilité d’acheter ces terrains à l’amiable dans des délais rapprochés. Le juge administratif vérifie qu'il n'existe pas de solutions alternatives à l'expropriation permettant de réaliser l'opération projetée dans des “conditions équivalentes” au regard des intérêts mis en avant par l’expropriant.
  3. Le bilan coût/avantages. L’intérêt de l’opération projetée doit l’emporter sur les inconvénients. Pour apprécier l’utilité publique du projet, le juge met toujours en balance son intérêt avec les inconvénients qu’il présente. En d’autres termes, il s’agit de vérifier s’il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but poursuivi. D’où la nécessité de procéder à un examen attentif et approfondi des circonstances de l’espèce afin que la déclaration d’utilité publique réponde à son objectif, celui de reconnaître l’opportunité et la légitimité d’un projet. Cet examen s’accompagnera d’un contrôle de la légalité externe dont les éléments sont détaillés dans le présent guide.

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