Comptes, finances
© Phovoir
La part des collectivités territoriales à la réduction du déficit public s'élèverait désormais à 11 milliards d'euros d'ici à 2017. Alors que se profile une réforme des dotations, les associations d'élus anticipent des conséquences désastreuses pour les plus fragiles d'entre elles et, globalement, pour l'investissement local.
Sur les 50 milliards d’euros d’économies à réaliser d’ici à 2017, la part des collectivités territoriales serait de 11 milliards d’euros, et non plus de 10 milliards, a déclaré Manuel Valls, à l’issue du Conseil des ministres du 16 avril 2014.
Le Premier ministre n'a pas évoqué expressément une nouvelle baisse des dotations de l'Etat. En revanche, dans le document diffusé par Matignon, il est question d'une réforme de la dotation globale de fonctionnement pour « encourager les comportements vertueux et renforcer les mécanismes de solidarité financière entre collectivités riches et défavorisées ». A l'image de ce que recommande le rapport des ex-ministres du budget Alain Lambert et Martin Malvy. remis quelques heures plus tard au chef de l'Etat.
Le projet de Matignon, encore peu précis, évoque « des réformes profondes pour générer des économies » qui devraient être décidées dans un prochain projet de réforme territoriale. La clause générale de compétence des départements et régions devrait être supprimée. Le Premier ministre prône par ailleurs une « meilleure sélection des projets financés » et « une rationalisation des syndicats intercommunaux ».
Mort annoncée de la péréquation verticale ?
Les associations d'élus locaux n'ont pas manqué de réagir. Plutôt critiques à l'encontre des baisses de dotations annoncées ces dernières années, mais désireuses de contribuer à l'effort collectif pour réduire le déficit public global, elles estiment désormais que la « cote d'alerte est dépassée », à l'instar de la Fédération des villes moyennes (FVM).
Dans un éditorial publié le 16 avril, Christian Pierret, président de la Fédération, et Caroline Cayeux, vice-présidente, sortent la calculette : pour l'ensemble des villes moyennes, le gain moyen en termes de dotation de solidarité urbaine (DSU) s'élève à 90 000 euros en 2014, alors que la dotation forfaitaire (une composante de la DGF essentiellement basée sur des critères de population et de superficie) baisse en moyenne de 412 000 euros. « Autant dire que l'Etat reprend cinq fois d'une main ce qu'il donne de l'autre », ironisent les dirigeants de la Fédération, qui précisent que, sur 150 villes moyennes, seules sept villes défavorisées devraient tirer leur épingle du jeu en 2014.
Comment résoudre l'équation entre des recettes en baisse et des dépenses en hausse, principalement liées à des services publics incompressibles ?»
La Fédération des villes moyennes
A ce rythme, poursuivent Christian Pierret et Caroline Cayeux, amers, le « gouvernement devrait donc parvenir sans forcer, dès 2015, à effacer les effets de quinze ans de progression de la péréquation verticale et d'intensification des efforts en direction des villes et quartiers défavorisés ». Les villes moyennes s'interrogent : dans ces conditions, comment résoudre l'équation entre des recettes en baisse et des dépenses en hausse, principalement liées à des services publics incompressibles et sur lesquelles elles n'ont donc aucune maitrise ?
Investissement public et économie en berne
De leur côté, les associations des maires de France (AMF), des maires de grandes villes de France (AMGVF) et des communautés urbaines de France (ACUF) craignent « une baisse de l'activité économique ».
Dans un communiqué commun publié le 18 avril, elles estiment que la contribution à l'effort de réduction du déficit public demandée aux collectivités pourrait représenter au final près de 28 milliards d'euros cumulés sur la période 2013-2017, « dans l'hypothèse d'un scénario noir qui consisterait en un prélèvement massif sur les concours financiers aux collectivités »
Les premières estimations pour 2014 anticipent un recul de 5,5 % de l'investissement local en 2014. »
AMF, AMGVF et ACUF
Selon elles, l'investissement public local en pâtira en premier lieu et donc l'économie, notamment le secteur du BTP. « C'est d'ores et déjà le cas, puisque les premières estimations pour 2014 anticipent un recul de 5,5 % de l'investissement local en 2014 », insistent les trois associations, rappelant qu'un recul de 10 % de l'investissement local représente 0,2 % de croissance en moins par assèchement du carnet de commandes des entreprises.
L'Etat appelé à faire des choix cohérents
La FVM réclame de la part de l'Etat de la « cohérence » dans les choix qu'il sera amené à faire si une nouvelle réflexion est engagée sur les prélèvements obligatoires et les ressources transférées aux collectivités. Elle rappelle que les charges augmentent toujours pour les collectivités et que la production de normes « est malheureusement toujours d'actualité ».
L'AMGVF, l'AMF et l'ACUF demandent à peu près la même chose : que l'Etat « cesse de transférer aux collectivités locales de nouvelles charges pendant cette période » et qu'il s'engage à « remettre à plat toutes les politiques publiques nationales et européennes qui ont un impact sur leurs finances ».
Soulignant que la dotation globale de fonctionnement n'est pas un cadeau, mais une compensation d'impôts locaux supprimés et/ou de charges nouvelles imposées aux collectivités, les trois associations réclament « de toute urgence, la tenue d'une instance de négociation sur les finances locales et les politiques publiques que les collectivités mettent en œuvre ».