Gilles-Laurent Rayssac, consultant, cofondateur et gérant de Res publica
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Pour Gilles-Laurent Rayssac, cofondateur du cabinet de conseil en concertation Res publica, les attentats du 13 novembre appellent, passé le temps du deuil national, au dialogue, à la recherche d'une parole collective qui apaise les tensions, répare les déchirures, écarte les réponses soufflées par les voix des extrémistes religieux et anti-républicains. Le rôle du maire pour garantir cette unité partagée est primordial.
Courrierdesmaires.fr. Outre les questions liées à la sécurité, le maire a-t-il un rôle à jouer particulier après les attentats du 13 novembre ?
Gilles-Laurent Rayssac. Oui, évidemment. Sur des sujets très douloureux comme ceux que l'on affronte aujourd'hui, la population a besoin de se retrouver dans une espèce de communion générale.
C'était par exemple la manifestation du 11 janvier. C'est l'hommage national aux victimes aux Invalides le 27 novembre. On l'a vu après les attentats de janvier contre Charlie Hebdo à Paris et l'hyper casher de Vincennes, nombre de villes, sous des formes diverses, ont organisé des rassemblements, des débats, des réunions.
Les gens ont pu prendre la parole, exprimer et dire leur peine, leurs difficultés, leur sidération, etc. C’est extrêmement important. Ces réunions publiques permettent d'exprimer son ressenti, son émotion, collectivement. Des psychologues, des psychiatres diraient des choses bien plus intéressantes que moi sur le sujet.
Les maires doivent-ils s’engager au-delà de la période du deuil collectif?
G.-L. R. Oui, il faut alors imaginer d'autres formes, sans doute plus réduites, où les personnes peuvent cette fois échanger, se poser des questions et trouver des réponses si possible ensemble. Dans ce cas de figure, les participants ne doivent pas se tourner le dos.
C'est un peu le format réunion « alcooliques anonymes », extrêmement précieux car il permet de rassembler une cinquantaine de personnes en cercle dans une configuration propice à la discussion.
Les élus doivent descendre de l'estrade, s'approcher des gens.
La forme du débat est donc importante ?
G.-L. R. Oui, l'organisation physique du débat a une grande importance. Les élus doivent descendre de l'estrade, s'approcher des gens. La posture physique doit être favorable au dialogue.
Dans cette période en particulier, l'élu doit aussi avoir une posture bienveillante, empathique et encourager cette posture chez ses concitoyens.
Les points de vue qui se rencontreront, voire se confronteront, seront forcément différents. L'empathie est la posture qui offre le plus de chances à tout le monde de trouver, dans ce contexte, des terrains communs. Cela nécessite aussi et surtout de faire confiance a priori.
Cela apporte-t-il quelque chose à l’image du maire ?
G.-L. R. Le fait que des élus prennent l'initiative de fabriquer du dialogue va contribuer, à mon avis, à redonner de l'importance à une fonction quelque peu tombée en désuétude sous le poids du rôle de gestionnaire : la fonction d'animation du débat, au moins au niveau local.
Et d'ailleurs, je pense que le fait de ne pas avoir fusionné les communes, de pas avoir éliminé nos plus petites communes, devient, dans une telle situation, une force. Car, ainsi, la France compte environ 500 000 personnes, désignées – certes, plus ou moins bien – par leurs concitoyens pour prendre en charge les questions collectives, avec un réel souci de la chose publique.
Dans les grandes villes, l'animation du dialogue nécessite si possible des méthodes et une posture.
Les élus disposent-ils des outils, du savoir-faire pour renouer ce dialogue ?
G.-L. R. La méthode est très fortement commandée par la volonté politique. En matière de concertation, de participation, quitte à faire des erreurs, dès lorsqu'une collectivité en a la volonté, elle y parvient d'une manière ou d'une autre.
Autant, dans les villes jusqu'à 2 000 ou 3 000 habitants, de par la proximité entre les habitants eux-mêmes et entre les habitants et leurs élus, le dialogue et la concertation se font assez naturellement, autant, dans les grandes villes, l'animation du dialogue nécessite si possible des méthodes et une posture.
Il y a certainement des lieux où ce sera plus difficile que d'autres, là où le lien entre les habitants et l'institution et entre les personnes elles-mêmes est compliqué. Mais la période actuelle peut et doit être pour les élus l'occasion de retrouver – s'ils l'ont perdu – le fil du dialogue et de recommencer à tirer dessus.
Je ne sais pas comment les élus locaux vont se réapproprier et faire revivre cette fonction – certainement de manière très inégale et mal répartie sur le territoire – mais je veux croire que cela se fera. Notamment s'il se passe ce que l'on anticipe, c'est-à-dire de très forts scores, voire des victoires du FN aux prochaines élections.
Le vote du FN est un vote de repli et d'absence de dialogue. Or, la pire chose qui pourrait nous arriver, serait que les habitants ne se parlent plus. Les élus ont une responsabilité considérable pour maintenir le dialogue.