Gilles Carrez, député-maire UMP du Perreux (94) préside le Comité des finances locales (lire sa "bio express"). Il répond aux questions de Xavier Brivet, rédacteur en chef du Courrier des maires, relatives aux finances des collectivités locales après la réforme de la taxe professionnelle (TP).
La réforme de la TP inquiète les élus. Les mécanismes corrigeant ses effets sont-ils suffisants ?
G. Carrez - Les ressources des collectivités sont préservées. Le principe de compensation de la réforme est rigoureusement respecté. Par ailleurs, un fonds alimenté par un écrêtement sur les collectivités enregistrant une croissance de leur produit de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) supérieure à la moyenne alimentera la péréquation.
Compensation de l'impôt par l'impôt et non par des dotations d'Etat, et péréquation : les deux principes prônés par l'article 72-2 de la Constitution sont respectés.
La seule question qui se pose est celle de la capacité du budget de l'Etat de supporter cette réforme ambitieuse : une partie de son financement est malheureusement assurée par le déficit, donc, par la dette.
Comment la réforme évoluera-t-elle ?
G. Carrez - S'agissant de la CVAE qui constitue environ 70% de la contribution économique territoriale (CET), le taux uniforme de 1,5% est mis en place. Mais l'assiette de la CVAE est la meilleure possible: la valeur ajoutée. Que vaut-il mieux : avoir un impôt dont on peut moduler le taux avec l'assiette peu dynamique ou ne pas avoir de liberté de taux mais bénéficier d'une assiette dynamique ? La deuxième solution est préférable.
Pour le reste, les communes toucheront la cotisation foncière des entreprises (CFE), les impositions forfaitaires sur les entreprises de réseaux (Ifer) qui évolueront avec une actualisation des tarifs. Le Parlement a aussi ajouté un bonus sur les Ifer gaz et éolien.
Qu'est-il prévu pour les villes industrielles ?
G. Carrez - Nous avons adopté un dispositif qui permet de leur réaffecter le mieux possible le produit de la CVAE des entreprises comportant plusieurs implantations.
Il prévoit une répartition du produit en fonction des effectifs (2/3 de la pondération) et des surfaces (1/3 par le biais des valeurs locatives) des différents établissements de ces entreprises. Pour les établissements industriels, nous pondérons par deux ces critères.
Certaines entreprises pourraient minorer leur CVAE. Que faire ?
G. Carrez - Au-delà de 7,6 millions de chiffre d'affaires, la CVAE sera calculée à partir du CA consolidé du groupe et non à partir de celui des filiales. Ce régime de consolidation évitera l'optimisation fiscale et réduira le coût pour l'Etat de la dépense fiscale liée au dégrèvement de cotisation.
Les dotations de l'Etat seront gelées. Qu'en pensez-vous ?
G. Carrez - La règle du jeu est certes sévère, mais claire puisque le gel des dotations de l'Etat portera sur les années 2011 à 2014. Le FCTVA n'est toutefois plus concerné par ce gel, ainsi que le produit des amendes de police qui, avec la généralisation du PV électronique et l'augmentation du prix de l'amende forfaitaire, devrait connaître une bonne évolution. Les dotations de péréquation (DSU et DSR) croissent de plus de 7 % en 2011. En revanche, le gel global des dotations nécessite des prélèvements sur le complément de garantie des communes les plus riches pour être reversés aux communes les plus pauvres.
Comment réduire les inégalités ?
Il faut analyser les écarts considérables de dépenses par habitant des collectivités. Ces écarts s'expliquent le plus souvent par des inégalités de ressources. Il n'est pas question d'imposer une norme de dépense.
En revanche, il est légitime de regarder de quoi sont composées les ressources de ceux qui dépensent le plus. On constate qu'il y a en partie recouvrement entre la richesse fiscale et la richesse en dotation. Il faut donc passer d'une péréquation sur les "flux" à une péréquation qui tient compte des "stocks".
Le CFL engage dès cette année ce travail destiné à renforcer les mécanismes de péréquation verticale, via la DGF.
Qu'est-il prévu pour la péréquation horizontale ?
G. Carrez - La loi de finances pour 2011 met en place des mécanismes de péréquation horizontale pour les départements (sur les droits de mutation à titre onéreux et la CVAE) et les régions (CVAE). Et, à partir de 2012, pour les communes et les EPCI, via le fonds national de péréquation dont le Parlement a voté la création. Il sera alimenté progressivement par un écrêtement sur les collectivités dont le potentiel financier est substantiellement supérieur au potentiel financier moyen. Il faudra cibler davantage les bénéficiaires à partir d'une pondération de critères de produits et de charges faisant consensus.
La situation financière de nombreux conseils généraux est critique. Que faire ?
G. Carrez - Le collectif budgétaire 2010 prévoit une enveloppe de crédits d'urgence de 150 millions d'euros. Mais cette réponse n'est pas à la hauteur du problème structurel des départements confrontés à des dépenses très dynamiques qui relèvent de la solidarité nationale comme la dépendance.
Le chantier sur les normes sera-t-il engagé ?
G. Carrez - Absolument. Nous allons engager un travail de réduction et de simplification des normes avec les associations d'élus. J'ai proposé à Jacques Pélissard, président de l'AMF, de créer dans chaque département un maire "référent norme" qui fera remonter les problèmes dans les trois prochains mois.
Le travail sur les normes aura une traduction législative. La commission des Lois de l'Assemblée nationale devrait piloter ce chantier qui débouchera sur une proposition de loi. Le gouvernement y est favorable. Le CFL fera aussi des propositions. Je souhaite que ce chantier législatif aboutisse d'ici à juin 2011, au plus tard.
BIO EXPRESS
Gilles Carrez (63 ans en 2011) est le rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale.
Il préside le Comité des finances locales (CFL). Au-delà du CFL, Gilles Carrez indique qu'il proposera "au ministre en charge des Collectivités territoriales de réactiver la conférence nationale des exécutifs locaux. Elle devrait réunir régulièrement, sous l'autorité du Premier ministre, l'Etat et les associations d'élus locaux".
[Retour haut de page]
Article publié dans le Courrier des maires n°0242 du 6 janvier 2011