Assemblée Nationale
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Alors que la crise des « gilets jaunes » fait ressurgir un besoin participatif des citoyens à la vie politique, deux députés, Emilie Chalas (Isère, LaREM), Hervé Saulignac (Ardèche, PS) viennent de rendre un rapport instructif sur la démocratie locale. Égratignant les paradoxes des citoyens, mais aussi des élus, les parlementaires pointent le manque d’agilité des outils à leur disposition. S’ils préconisent un cadre clair pour l’exercice de la démocratie participative, ils proposent aussi de laisser aux élus locaux la possibilité d’expérimenter à l’intérieur de celui-ci.
Courrier des maires : Au cours de mission-flash, vous avez pu relever plusieurs paradoxes autour des questions de participation citoyenne…quels sont-ils ?
Emilie Chalas : Il y a déjà celui des citoyens qui revendiquent de participer à la vie locale, mais qui finalement lorsque des outils sont mis en place ne s’en saisissent pas ou peu. Ils disent : « on veut participer mais on n’a pas envie non plus de faire une réunion par semaine, c’est le job des élus ! » Autre paradoxe, celui des élus locaux. Ils estiment que la participation citoyenne est nécessaire, ils assurent qu’ils savent comment faire pour consulter leurs administrés, mais ils trouvent aussi qu’il y a trop de contraintes et d’obligations et que plus « aucun projet ne peut se faire sans une concertation préalable ».
Enfin, dans notre rapport, nous avons également pointé le paradoxe de l’outil législatif. Il y a beaucoup d’outils liés à la participation citoyenne, mais ils sont difficilement appréhendables, mal rédigés, mal conçus, voire parfois inapplicables…
CDM : Quels sont, dans ces conditions, vos préconisations pour que cela fonctionne mieux au local, puisque c’est désormais un besoin fort des citoyens ?
E.C. : Nous avons identifié deux enjeux. Le premier est la nécessité de mieux encadrer la participation citoyenne pour garantir un certain nombre de valeurs et donner envie aux citoyens de s’y impliquer. Il faut un garant neutre qui s’assure que toutes les paroles sont entendues, qu’il existe une certaine représentativité dans le public consulté, que le périmètre de consultation est bien le bon, que tous les scenarii sont sur la table et qu’ils sont déclinés de manière objective…
Mais surtout, il faut absolument s’assurer que le commanditaire de la consultation – les élus, les collectivités – fera un retour public après le travail de consultation afin d’expliquer ce qui a été retenu ou non et pourquoi ! C’est ce fameux « feed-back » qui fait aujourd’hui tant défaut et qui conduit les citoyens à dire « on ne nous écoute pas »… La Commission Nationale du Débat Public (CNDP) a des méthodes assez intéressantes et cela mériterait d’être développé pour mieux accompagner les élus locaux.
Le deuxième point de notre travail porte sur la nécessité - une fois ce cadre de valeurs posé et signé - de laisser les collectivités volontaires s’organiser. Il n’y a pas une seule façon de faire, car il y a une multitude d’objets de consultation. Il faut dire aux élus : « si vous respectez les valeurs du label de participation, vous avez le droit d’essayer et d’expérimenter la participation à votre manière ».
CDM : que pensez-vous des outils de participation mis en avant par les gilets jaunes, comme le référendum révocatoire ?
E. C. : Déjà il est important de dire que depuis que la démocratie existe, la question de la démocratie représentative versus la démocratie participative fait débat. Sur ce point, les gilets jaunes n’ont rien inventé.
Le #GrandDebatNational fait de nouveau salle comble, ce soir à St Egrève sur le thème de l’organisation de l’Etat et des services publics.
Une envie incontestable de débattre et de faire part de ses propositions. C’est bien là le premier pas de la prise de décision collective. pic.twitter.com/gGgSGTgSZc— Emilie CHALAS (@EmilieCChalas) 21 février 2019
Ensuite, s’il est clair qu’il existe depuis plusieurs années, dans notre démocratie représentative, une défiance des citoyens vis-à-vis des élus, il est illusoire de croire que c’est un outil qui va récréer la confiance ! Je ne crois vraiment pas que de révoquer des élus au bout de 18 mois, 2 ans pourrait changer quoi que ce soit, car on va passer notre temps à voter pour élire des personnes, les révoquer et ainsi de suite… Et puis, il faut aussi laisser structurellement du temps aux élus pour accomplir des choses, sinon cela n’a pas de sens.
Donc notre sujet, c’est plutôt comment reconstruire la relation élus-citoyens et donc reconstruire la légitimité des élus ? Personnellement, je pense que cela passe aussi par une meilleure information de nos concitoyens sur nos institutions, sur leur fonctionnement… Les maires pourraient ainsi, dans le cadre des activités périscolaires, mettre en place des activités obligatoires autour de l’instruction civique ? Ce qui est incroyable avec les enfants, c’est qu’il n’y a pas besoin d’attendre qu’ils deviennent électeurs pour que les choses évoluent, car ils diffusent leurs connaissances dans la famille en rentrant à la maison. Cette connaissance de notre démocratie, dans sa complexité, est un bagage républicain nécessaire que nous devons accompagner.
Je crois donc sincèrement que le renouvellement des générations (citoyens, élus) devraient permettre une plus grande acculturation au sujet de la participation citoyenne, et je suis convaincue que les maires peuvent faire de la participation sans se sentir délégitimés dans leur mandat ou leur responsabilité.
Blanchon Corinne - 22/04/2019 15h:21
Bonjour, Les activités périscolaires qui peuvent être un temps pour l'instruction civique, oui.
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