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Si la parité progresse dans la plupart des assemblées des collectivités locales, les intercommunalités sont à la traîne. Et partout, les élues femmes demeurent largement exclues de la gouvernance, s’alarme le Haut comité à l’égalité entre les femmes et les hommes dans un rapport du 1er février. Ces derniers continuent de monopoliser les délégations stratégiques et les postes de pouvoirs.
Peut (beaucoup) mieux faire. Malgré les diverses lois visant à tendre vers plus de parité en politique, l’égalité femmes/hommes est encore loin d’être acquise au sein des institutions locales. Le bond quantitatif de la part des femmes élues dans les assemblées communales, intercommunales, départementales ou régionales observé depuis quelques années ne doit pas amener à laisser penser le contraire. Dans son dernier rapport, le Haut conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) appelle en effet les élues à rester en alerte. Et pour cause, il formule un triple constat accablant pour la représentation politique des femmes sur le plan qualitatif :
- La faible présence d’élues à la tête d’exécutifs locaux
- La répartition des délégations et compétences encore largement stéréotypée
- La féminisation toujours toute relative d’intercommunalités de plus en plus puissantes.
Des assemblées paritaires mais des exécutifs (très) masculins
En effet, à s’y pencher de plus près, le partage du pouvoir entre élus et élues n’est toujours pas effectif : 84% des collectivités locales sont aujourd’hui présidées par un homme. Une proportion qui monte même à 90% pour les départements, dont les assemblées sont, pourtant, aujourd’hui paritaires depuis le vote (dans la douleur) de la loi de mai 2013 changeant le mode de scrutin et prévoyant l’élection de binômes hommes/femmes.
« Jusqu’alors, les conseils départementaux étaient de très mauvais élèves. Grâce à cette loi,, nous sommes passés de 14% de femmes élues à 50% entre 2011 et 2015 » fait remarquer Michèle Berthy, vice-présidente déléguée à l’Enfance du conseil départemental du Val-d’Oise, et représentante du HCE à l’ADF. Mais cette loi, qui a permis des progrès notables, est restée muette sur l’attribution de responsabilités aux femmes élues…
De la nécessité des lois et des contraintes
La pilule reste amère pour le Haut comité à l’égalité entre femmes et hommes. « En l’absence de contraintes légales fermes, les stratégies de cooptation entre les élus de sexe masculin se perpétuent et le partage des responsabilités s’arrête aux portes du pouvoir » se désole sa présidente, Danielle Bousquet. « Au moindre trou de souris, les réflexes sexistes reviennent au galop » fustige cette ancienne vice-présidente de l’Assemblée nationale.
« Là où il n’y a pas de contraintes, il n’y a pas de femmes. Regardez, aussi, leur invisibilité dans les cercles proches du pouvoir, parmi les directeurs de cabinets, conseillers et autres visiteurs du soir informels… » ajoute Laurence Rossignol, ministre des Familles et des Droits des femmes. Pour les élues présentes et le HCE, seules les lois peuvent permettre une avancée concrète en la matière. « Ce n’est pas seulement une question de génération. Les stéréotypes et les mécanismes de reproduction sociale restent forts. Il n’y a qu’à voir la répartition des délégations accordées aux femmes et aux hommes. La plupart relève d’assignations discriminantes » accuse Réjane Sénac, présidente de la commission Parité du HCE.
Une répartition stéréotypée (et inégalitaire) des délégations
« Les délégations Finances, Développement économique, Transports ou Sécurité échoient encore massivement aux hommes, tandis que les femmes héritent la plupart du temps de celles liées à la Culture ou aux Affaires sociales » illustre cette chargée de recherche à Sciences Po spécialiste des questions de genre. Autrement dit : les compétences les plus stratégiques, symboliquement et/ou budgétairement importantes échappent encore aux femmes. Une situation de fait qui pousse le HCE à réclamer un changement de logique : plus que le partage des places, l’enjeu réside désormais dans le partage du pouvoir et des responsabilités. D’où leur proposition, pour faciliter une telle révolution mentale, d’élire « un tandem paritaire à la tête des communes, départements et régions. »
Autre cas sur lequel le rapport du HCE s’attarde : les intercommunalités – déjà peu féminisées (34%) et très majoritairement présidées par des hommes (92%) –, qui régressent encore sur le plan de la parité. « Faire reculer encore davantage la place des femmes dans des lieux de pouvoirs déjà si masculinisés demandait un certain talent. Mais félicitons les élus qui ont su relever ce sacré défi » ironise Danièle Bousquet. Elle fait notamment référence à sa terre d’élection, dans le nord de la Bretagne.
Intercos fusionnées... et davantage masculinisées !
Suite à la fusion prévue par la loi NOTRe avec d’autres intercommunalités voisines, le pourcentage de femmes dans l’assemblée de Saint-Brieuc Agglomération passe ainsi de 42 à 34% et de 23 à 19% pour ce qui est du nouvel l’exécutif. Mais c’est encore plus flagrant, par exemple, au sein de la communauté de communes de Haute Maurienne-Vanoise : les deux femmes jusqu’ici présentes au sein du bureau ont été… purement et simplement évincées à l’occasion de la fusion des différents exécutifs intercommunaux.
La secrétaire d’Etat aux collectivités n’a pas de mots assez durs envers cette féminisation de plus en plus relative de ces structures concentrant pourtant une part grandissante des pouvoirs locaux. Lors des vœux à l’Assemblée des communautés de France (AdCF), fin janvier, Estelle Grellier avait anticipé cet état de fait en jugeant que la situation tournait « au ridicule » dans certaines communautés où aucune femme n’était présente dans l’exécutif. Pour rappel, cette fervente militante de l’intercommunalité avait déjà signifié, durant le dernier congrès de l'association à l’automne 2016, que le statu-quo n’était pas possible avec aussi peu de femmes présentes aux postes stratégiques.
L'interdiction du cumul dans le temps, une porte ouverte aux femmes ?
Le HCE formule un tas de recommandations : la parité devrait être garantie à l’échelon intercommunal, « aussi bien dans les conseils que dans les bureaux. » En cas de démission d’un membre de l’exécutif intercommunal, il ou elle devrait être remplacé par un élu du sexe le moins représenté. Enfin, le rapport revient également sur les effets du cumul des mandats sur la parité.
Au-delà de la limitation du cumul des mandats concomitants, le HCE estime nécessaire de réguler davantage le cumul des mandats dans le temps afin « d’accélérer le renouvellement des élus. » Moyen, selon eux, de libérer mécaniquement des places et de féminiser la politique locale. Une proposition « pleine de bon sens » à entendre Laurence Rossignol, qui attend à court-terme que « les parlementaires n’ayant plus de responsabilités exécutives locales profitent de leurs libertés pour renforcer les contraintes vis-à-vis des bureaux et des présidences de collectivités. » A voir.