La réponse de Nadia Ben Ayed, avocat à la cour, cabinet Seban et associés.
Un père habillé en qamis (vêtement islamique) et portant une barbe manifestement islamique peut-il accompagner une sortie scolaire ?
Oui. Le principe de neutralité religieuse ne s’applique pas aux collaborateurs occasionnels, tel qu’affirmé par le Conseil d’Etat((CE 29 mai 2002, Syndicat national pénitentiaire FO-Direction, n° 235806.)).
L’amorce d’une extension du principe de neutralité aux accompagnateurs scolaires s’est certes dessinée par une reconnaissance jurisprudentielle inédite de la notion de « participation au service public ». Il s’agit, toutefois, d’une jurisprudence isolée, qui n’a pas fait l’objet d’un recours et qui est en contradiction avec la position du Conseil d’Etat pour qui les parents d’élèves sont des usagers du service public de l’enseignement.
La mère de l’élève peut conserver son voile
Cette position a d’ailleurs été réaffirmée par un jugement du tribunal administratif de Nice qui a annulé la décision par laquelle la mère d’un élève, qui souhaitait conserver à cette occasion le voile qu’elle porte habituellement, n’a pas été autorisée à accompagner une sortie scolaire.
Le tribunal a estimé que les parents d’élèves autorisés à accompagner une sortie scolaire à laquelle participe leur enfant doivent être regardés comme des usagers du service public de l’éducation, de sorte que les restrictions à la liberté de manifester leurs opinions religieuses ne peuvent résulter que de textes particuliers ou de considérations liées à l’ordre public ou au bon fonctionnement du service.
Les parents « ne peuvent être considérés comme des agents auxiliaires »
En outre, saisi de la question par le Défenseur des droits, le Conseil d’Etat a rendu, le 19 décembre 2013, une étude((Lire l’étude du Conseil d’Etat.)) confirmant que les parents sont de simples « usagers » du service public. Ils ne sont ni « agents » ni « collaborateurs » du service public, ces derniers étant seuls concernés par « les exigences de neutralité religieuse ».
Le ministre de l’Education nationale, s’appuyant sur cette étude, a déclaré le 24 octobre 2014 à l’Observatoire de la laïcité que « les parents accompagnant des sorties scolaires ne sont pas soumis à la neutralité religieuse. Ils ne peuvent être considérés comme des agents auxiliaires du service public et soumis aux règles du service public. (…) Le principe c’est que dès lors que les mamans (les parents) ne sont pas soumises à la neutralité religieuse, comme l’indique le Conseil d’Etat, l’acceptation de leur présence aux sorties scolaires doit être la règle et le refus, l’exception. »
L'ordre public reste souverain
Il n’en reste pas moins que les nécessités tirées de l’ordre public et du bon fonctionnement du service peuvent fonder les restrictions à la liberté de manifester ses convictions religieuses au sein des services publics.
En ce sens, le Conseil d’Etat (étude du 19 déc. 2013 précitée) a souligné que « les exigences liées au bon fonctionnement du service public de l’éducation peuvent conduire l’autorité compétente, s’agissant des parents d’élèves qui participent à des déplacements ou à des activités scolaires, à recommander de s’abstenir de manifester leur appartenance ou leurs croyances religieuses ».
Il en ressort que le seul argument susceptible d’être invoqué par l’autorité administrative scolaire à l’encontre du port ostentatoire de signes religieux par les parents d’élèves accompagnant des élèves en sortie scolaire est l’éventualité du trouble de l’ordre public pouvant en résulter et en aucun cas l’argument religieux lui-même. L’exclusion des parents de la sortie qui en découlerait serait décidée par le directeur d’école.