La Cour des comptes veut davantage de péréquation dans la baisse des dotations

Aurélien Hélias
La Cour des comptes veut davantage de péréquation dans la baisse des dotations

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© Cour des comptes / Emile Lombard

Structure des dépenses, niveau des recettes, fragilité financière particulière… : la situation budgétaire des collectivités est très hétérogène. Pourtant, celles-ci se voient appliquer une baisse uniforme de la dotation globale de fonctionnement (DGF) en fonction de leurs recettes. Une politique inadaptée selon la Cour des comptes, qui réclame, à l’occasion de son rapport annuel sur les finances locales présenté le 13 octobre, davantage de péréquation dans la répartition de l’effort à fournir par les acteurs publics locaux.

Ce n’est pas une surprise : la situation financière des collectivités locales s’est dégradée en 2014. Le constat, livré le 13 octobre par le premier président de la Cour des comptes, Didier Migaud, à l’occasion du rapport annuel sur les finances publiques locales, est étayé de nombreux chiffres : « Pour la troisième année consécutive, les dépenses de fonctionnement des collectivités territoriales (177 milliards d’euros) ont progressé davantage que leurs recettes (214 milliards), respectivement de 2,2 % et de 1,3 %. Les dépenses de rémunération (62,5 milliards), dont la Cour avait déjà souligné le rythme de progression très rapide en 2012 (+ 3,4 %) et en 2013 (+ 3,3 %), ont augmenté encore plus vite en 2014 (+ 4 %)", a regretté le magistrat financier. Conséquence : l’épargne brute des collectivités locales (37,4 milliards) "a de nouveau diminué sensiblement : - 2,7 %".

Participation à la baisse du déficit public

Les collectivités avaient pourtant réservé un « bonne surprise » pour l’exercice 2014 : un besoin de financement réduit de moitié et surtout une évolution des dépenses de fonctionnement (2,2 %) moindre que l’objectif qui leur avait été assigné : + 2,8%. De quoi participer à ramener le déficit public de 4,1 % à 3,9% du PIB, à l’heure où l’exécutif ne cesse de justifier sa baisse de dotations par une légitime participation des collectivités à l’effort de redressement des comptes publics.

Mais cette évolution positive ne l’est pas suffisamment pour inverser l’effet de ciseaux entre recettes et dépenses de fonctionnement, contribuant à ce que la dette des collectivités se soit accrue de 2,6 %.

Des transferts fiscaux stables, malgré la baisse de la DGF

Or, pour la Cour, la dégradation n’est pas uniquement le fruit de la baisse des dotations, qui a frappé les collectivités pour la première fois en 2014 avec un premier rabot de 1,5 milliard d’euros. Car, parallèlement, "les transferts de fiscalité ont été augmentés de 3 milliards d’euros, essentiellement en faveur des départements et des régions. En conséquence, le total des transferts financiers de l’Etat est passé de 102 à 103 milliards", pointe Didier Migaud. C’est davantage la "dégradation structurelle de l’épargne des collectivités" qui a joué. Et ce de manière différente selon les niveaux de collectivités :

  • largement supérieure à la baisse de la DGF dans les régions (540 M€ contre 184 M€) du fait du "recul de la fiscalité économique" ;
  • supérieure à la baisse de la DGF pour l’ensemble le bloc local (1,5 Md€ contre 920 M€ ) du fait du "ralentissement des produits fiscaux";
  • inférieure à la baisse de la DGF dans les départements (190 M€ contre 476 M€), "grâce à la fiscalité transférée  et la possibilité ouverte de relever le taux des droits de mutation à titre onéreux" (DMTO), rappelle Didier Migaud.

Diversité des situations locales

Avec des évolutions des investissements locaux qui ont , elles aussi, connu des fortunes diverses (lire l'encadré), la Cour juge que "la répartition de la baisse de la DGF au prorata des recettes des collectivités ne paraît pas adaptée à la grande diversité des situations locales ». Car "la baisse de la DGF en 2014 a rencontré des capacités d’adaptation différentes, selon la catégorie de collectivités et au sein de chaque catégorie", observe Didier Migaud. Et de citer les communes de moins de 3 500 habitants et celles de 50 000 à 100 000 habitants, « particulièrement affectées par le ralentissement de la fiscalité ».

"Il faut raisonner à partir des catégories de collectivités et au sein de chaque catégorie", juge-t-il. Et de préconiser une baisse, "mise en œuvre selon une logique de péréquation plus affirmée : cette péréquation serait réalisée sur le fondement d’indicateurs représentatifs des niveaux de richesses et de charges des collectivités", plaide-t-elle.

La réforme de la DGF "va dans le bon sens", selon la Cour

Est-ce à dire que la réforme de la Dotation globale de fonctionnement prévue par le gouvernement va dans le bon sens ? "Un certain nombre de critères de péréquation peuvent être davantage pris en compte", avance prudemment Didier Migaud, avant d’ajouter rapidement que la Cour ne préconise pas "de remettre en cause" le montant des coupes et que la réforme du gouvernement n’a "pas été expertisée par la Cour : c’est un débat de nature parlementaire".

Plus prolixe, le président de la formation inter-juridictions, Christian Martin, pointe du doigt « une péréquation financière qui n’est pas très efficace en l’état actuel ». « Une réforme permettant  à la péréquation verticale d’être plus juste va dans le bon sens », poursuit-il avant de louer « une réforme qui va dans le sens de ce que la Cour recommande : une DGF plus efficace et avec quelques critères beaucoup plus simples ».

CHUTE HETEROGENE DE L'INVESTISSEMENT LOCAL

Si l’impact de la baisse de la DGF a été variable sur l’épargne brute des collectivités, il l’a aussi été sur leur niveau d’investissement.

"Son recul a surtout été marqué dans le bloc communal : - 14 % dans les communes et - 7,2 % dans les groupements intercommunaux. Dans ce secteur communal, il a largement dépassé l’érosion de l’épargne, pour partie sous l’effet du cycle électoral lié aux municipales", analyse Didier Migaud.

Dans les départements, les dépenses d’investissement ont reculé "de façon beaucoup plus limitée (- 3,7 %), poursuivant le mouvement des années précédentes", ajoute-t-il.

Seules les régions ont réussi à accroître leurs investissements (+ 3,4 %), mais "au prix d’un endettement supplémentaire (+ 8,5 %)".

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