Métropole de Lyon
La Cour des comptes égratigne le bilan des métropoles, qui n’auraient pour la plupart pas tenu leurs promesses, tant au niveau de la gouvernance et de l’organisation administrative en interne qu’en matière de structuration du territoire et d’amélioration des conditions de vie de leurs habitants. La faute… aux maires trustant la tête de ces anciennes communautés urbaines, qui conservent une sorte d’« autorité fonctionnelle » sur les principaux dossiers métropolitains, accusent les magistrats de la rue Cambon.
« Les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent. » Cette sentence d’Henri Queuille popularisée par la suite par Jacques Chirac s’adresse aux électeurs – les premiers visés – mais également aux législateurs eux-mêmes, semblerait-il. La création de 22 métropoles devait produire, selon les énoncés de la loi MAPTAM, de nombreux effets bénéfiques, à commencer par de conséquentes économies d’échelle. Une gouvernance plus efficiente, une meilleure coordination des fonctions économiques, sociales, urbanistiques et environnementales, la mise en commun de certains équipements, ainsi que des mutualisations en cascade entre services auraient dû soulager les finances des collectivités-membres de ces regroupements et donc le portefeuille des contribuables locaux.
Les parlementaires – encore maires à l’époque du vote de cette loi fondatrice – attendaient également de ces établissements publics d’un nouveau genre un renforcement de la « compétitivité » et de la cohésion sociale, grâce à la fin de la « fragmentation des intérêts » communaux. Mais de tout cela, finalement, il n’en a rien été, ou si peu, grondent ces experts financiers indépendants à l'occasion de la parution du troisième fascicule de leur rapport sur les finances locales. Dans ce « point d’étape » intervenant dix ans après la loi RCT et cinq ans après la mise en place effective de ce nouveau statut juridique, la Cour des Comptes fait ainsi état d’un premier bilan « peu convaincant. »
Un degré d'intégration qui laisse à désirer...
Dans son style inimitable où le poids de chaque mot se fait sentir au gramme près, elle pointe que « les objectifs fixés par le législateur n’ont été que partiellement atteints » pour les 21 métropoles françaises, hors Grand Paris. Les magistrats de la Rue Cambon se sont nourris de plus d’une dizaine de rapports d’observation effectués ces derniers mois et années par les chambres régionales des Comptes, avant de rendre leur sentence. Qu’y ont-ils appris ? Que l’intégration entre les communes, métropoles et départements laissait à désirer, avec un faible nombre de transferts de compétences comparé au périmètre des anciennes communautés urbaines…
Rien de réellement surprenant selon les magistrats de la Cour des Comptes, à deux doigts d’accuser les édiles de ne pas parvenir à se détacher de leurs fonctions municipales et de brider le fonctionnement de ces structures. Le déploiement des métropoles s’est en effet accompagné de la « réaffirmation du rôle central des communes dans le paysage local et de celui des maires dans la définition des politiques. » Un « paradoxe » souligné à plusieurs reprises dans leur rapport, et que le vote de la loi Engagement et Proximité l’an dernier vient d’ailleurs rappeler.
La patte des maires
Résultat : les projets métropolitains « sont plus l’expression d’une vision partagée du territoire, certes pas sans valeur, que de véritables documents de planification. » La défense des intérêts communaux priment sur les besoins communautaires. Minées par les inégalités, les grandes agglomérations françaises demeurant donc « au service » des communes les composant n’auraient, par exemple, pas vraiment avancé en matière de solidarité infracommunautaire… La Cour des Comptes n’est guère moins tendre sur le chapitre des coopérations interterritoriales, avec des contrats qui se multiplient certes entre les métropoles et leurs territoires environnants mais souvent « exempts d’engagements financiers, avec le risque de ne pas dépasser le stade de la lettre d’intention. »
Saluant la « bonne santé financière » des métropoles, qui disposaient jusqu’à peu de bases fiscales dynamiques et bénéficiaient d’une « baisse modérée de leurs dotations », la Cour des Comptes regrette néanmoins que les mutualisations de certains services supports n’aient pas « progressé significativement. » Un dossier sur lesquels un certain nombre de maires semblent freiner des quatre fers, là aussi. Et qui se fait ressentir sur les charges de fonctionnement de certaines métropoles, avec des mutualisations qui se limitent par exemple à la création de services à Nantes Métropole et alimentent la hausse des frais de personnels… Logiquement, ne peuvent que constater les magistrats, les « gains correspondant [à ces mutualisations inabouties] sont encore limités, en particulier en termes d’économies d’échelle. »
Le mandat 2020-2026, piège ou espoir ?
Si la Cour des comptes reconnaît qu’il est « prématuré de tirer des enseignements définitifs de la mise en place des métropoles », les magistrats parviennent difficilement à cacher leurs inquiétudes, compte tenu du contexte actuel. Le maintien du système de cogestion en ce qui concerne la gouvernance politique, ainsi que la réforme de la fiscalité locale et l’incidence de la gestion de crise du Covid-19 sur le plan financier, font planer le risque d’un « effet ciseaux » sur certaines d’entre elles au moins.
Particulièrement exposées aux chocs subis par les secteurs du tourisme, du marché immobilier et des mobilités, elles verront la dynamique de leurs recettes s’interrompre voire se contracter si l’on songe aux droits de mutation. Alors, les métropoles auront-elles les capacités politique et financière à « investir dans des projets structurants pour leurs territoires et leurs habitants » et ainsi confirmer les espoirs placés en elle au cours de ce mandat ? Rien n’est moins sûr lorsqu’on rapproche ce point d’étape du fascicule 2 du rapport de la Cour des Comptes sur les finances locales, consacré à l’impact financier important de la crise sanitaire sur les collectivités…