laposte
© Flickr/takato-marui
Dans un référé diffusé le 10 mai, les magistrats financiers conseillent de réduire l’implantation territoriale des bureaux de Poste en milieu urbain et de mutualiser davantage, via les maisons de service au public et les facteurs-guichetiers, en zones rurales. Un effort doit être cependant réalisé dans les zones urbaines sensibles, juge la Cour. Des préconisations que Bercy assure déjà suivre en grande partie.
C’est un plan d’action différencié selon les territoires ruraux et les territoires urbains qu’a adressé la Cour des comptes en février au gouvernement sur le réseau territorial de la Poste, dans un référé rendu public le 10 mai.
Les préconisations sont les plus tranchées sur les zones urbaines, dans le sens d’une révision à la baisse du nombre de points de contacts. Alors que la répartition du réseau, essentiellement constitué de bureaux de poste, "n'a que très peu évolué", une restructuration s’avère nécessaire selon les magistrats financiers. Non seulement pour "s'adapter à la baisse d'activité des guichets" et "mieux répondre aux besoins de la clientèle, qui varient selon les quartiers", mais aussi et, surtout, pour en diminuer les coûts.
Compte tenu des coûts élevés de l'immobilier en zone urbaine, [la restructuration] est de nature à dégager des économies substantielles."
"Des coûts opérationnels devenus inutiles" pour La Poste
Pour justifier le régime minceur préconisé en milieu urbain, la Cour s’appuie sur des données 2014 : sur 6 815 points de contact postaux urbains, 965 bureaux de poste (14 %) ayant une faible activité (moins de trois heures par jour), dont 173 à très faible activité (moins d’une heure). Et la Rue Cambon d’ajouter qu’une diminution du nombre de points de contact dans ces territoires ne remettrait pas en cause automatiquement le respect des critères d’accessibilité au service public, puisque dans les 14 plus grandes agglomérations, la majorité de la population réside à moins de 1,5 km d’un point de contact.
Pour réduire les coûts de ce réseau, la Cour des comptes préconise d’accélérer le processus d’externalisation des bureaux de poste en les transformant en points de contacts fondés sur des partenariats avec d’autres services publics ou commerçants, "afin d’éviter à La Poste de supporter des coûts opérationnels devenus inutiles en raison de la baisse durable et continue de l’activité des guichets". Et ce, alors qu’à ce jour seuls 10 % des points de contact urbains s’appuient sur ces partenariats.
Nécessaire régime de faveur pour les ZUS
En revanche, la Cour plaide la cause des zones urbaines sensibles (ZUS) qu’elle verrait bien exemptées de ce régime d’amincissement du réseau. "Publics vulnérables", "délais d’attente anormaux à certaines périodes", "exposition du personnel à des situations de fortes tensions"… : autant d’éléments spécifiques aux quartiers prioritaires de la ville qui mériteraient "d’améliorer le service dans ces ZUS" en utilisant les gains résultant de l’externalisation préconisée pour les grandes agglomérations.
S’agissant des zones rurales, la Rue Cambon se montre moins critique, du moins sur le bilan de la mutualisation. Au total, 477 bureaux de poste ont été transformés en partenariats entre 2010 et 2014, relève La Poste, si bien que ces partenariats représentent 66 % des points de contacts ruraux. Problème : cela n’a "pas empêché le nombre de bureaux à très faible activité de s'accroître" : de 705 en 2012 à 992 en 2014. "Ces situations où les coûts fixes sont sans commune mesure avec l'activité nécessitent de faire évoluer beaucoup plus rapidement le réseau en zone rurale", assène la Cour.
Généraliser les facteurs-guichetiers ?
Si la transformation des bureaux en agence postale communale ou relais-poste commerçant — voire l’intégration aux maisons de services au public (MSAP) promue par l’exécutif, "même si les effets restent à venir", tempère la Cour — est la solution privilégiée par la Rue Cambon, celle-ci admet toutefois que cette orientation vers les partenariats "n’est pas envisageable" dans certaines zones rurales.
Dans ces dernières, c’est davantage la généralisation des facteurs-guichetiers, exerçant alternativement une activité de distribution des courriers et colis et une fonction de guichetier, qui doit être privilégiée, selon elle. 1 000 postes de ce type doivent été créés d'ici à 2018, contre 155 à la fin de septembre 2015.
"Le déploiement de ce dispositif est jusqu'à présent intervenu trop lentement, ce qui est regrettable dès lors qu'il présente l'avantage, par rapport aux agences postales communales et intercommunales, de limiter le transfert de charges vers les collectivités territoriales", veut convaincre la Cour.
Adapter les horaires d’ouverture des bureaux de poste
Selon la Cour, l’un des enjeux à venir est non seulement de "mesurer précisément le résultat propre à chaque point de contact" et non par terrain, bien plus large, mais aussi de différencier les critères d’accessibilité. Si la Rue Cambon admet la nécessité de conserver comme critère la présence d’un nombre minimal de points de contacts en milieu rural, les critères d’accessibilité devraient être bien moins géographiques que liés aux horaires d’ouverture des bureaux en milieu urbain : heure du déjeuner, soir et samedi matin, seraient à privilégier, de même que le nombre de guichetiers présents à ces horaires particulièrement sollicités par les urbains.
Bercy nuance, mais approuve l’essentiel
En pleine préparation du contrat de présence postale territoriale 2017-2019, Bercy a tenu à nuancer dans sa réponse écrite adressée le 27 avril à la Cour le bilan dressé par les magistrats financiers. Notamment sur la transformation des bureaux de poste en bureaux de facteur-guichetier : "Cette évolution a concerné 305 bureaux à la fin 2015 et doit s'accélérer en 2016, avec un objectif de 1 000 bureaux de facteur-guichetier d'ici à la fin 2017", plaide Bercy.
"En zone urbaine, La Poste a d'ores et déjà engagé un programme de réduction des coûts et de développement de solutions alternatives aux bureaux de poste traditionnels pour adapter son organisation aux nouveaux modes de vie et de consommation", assure le ministère de l’Economie.
Sur le cas particulier des quartiers prioritaires, le ministère avance le processus en cours de "rénovation et l'adaptation de ces bureaux [qui] bénéficient d'un financement propre, grâce au fonds postal national de péréquation territoriale, dont l'enveloppe dédiée aux nouveaux quartiers prioritaires pour 2016 s'élève à près de 21 millions d'euros".
1 000 bureaux de facteur-guichetier d'ici à la fin 2017
En zone rurale, Bercy s’en remet au développement en cours des maisons de service au public (MSAP) et des facteurs-guichetiers…, sans contredire les chiffres avancés par la Cour. Mais en rappelant l’objectif de 1 000 bureaux de facteur-guichetier d'ici à la fin 2017. Et l’exécutif de promettre que l’Etat "sera attentif aux négociations du contrat de présence postale territoriale 2017-2019 et à celles du prochain contrat d'entreprise, dans le but d'améliorer l'efficacité économique et sociale de la mission d'aménagement du territoire confiée à La Poste".