Décentralisation, territoires
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Les grandes villes et leurs "hinterlands" ont tous deux intérêts à coopérer, ont convenu les élus rassemblés le 21 septembre à Hendaye à l'occasion des assises des Petites villes de France. Mais les modalités font débat, surtout lorsqu'on évoque le transfert de richesses des métropoles aux communes périurbaines et rurales de leur sphère d'influence...
L’idée avait été lancée par les petites villes en pleine campagne pour la présidentielle 2017, elle a été remise sur le tapis par le président de l’APVF, Olivier Dussopt, à l’heure des XXe assises à Hendaye : consacrer 1% des richesses fiscales de chaque métropole au financement de projets dans les territoires périphériques ou ruraux de leur région. En résumé, une solidarité fiscale et financière à destination des petites villes, sous l’égide des régions.
La présidentielle est passée, mais la proposition reste plus que jamais d’actualité pour l’ex-maire d’Annonay : « il faut nous assurer qu’une partie des richesses créées en métropoles soit redistribuée dans les territoires alentours. Le 1% métropole est un procédé juste, souple, car les élus de la région, de la métropole, géreraient librement projets accompagnés », a-t-il plaidé en ouverture des débats à Hendaye, ou plus exactement dans la ville jumelle basque d’Irun. Soit 20 millions d’euros aux maximum par an et par région, estime le député de l’Ardèche.
Les régions, pas "métropole-friendly"
Les régions seraient alors le périmètre de redistribution de ces enveloppes, ce que semble approuver le patron de la région Nouvelle-Aquitaine, Alain Rousset : « il faut que les présidents de régions expliquent aux communes que nous pouvons renforcer nos complicités. Nous ne sommes pas des métropoles-friendly, a même lancé l’ancien président de l’association des régions de France. Il y a la volonté d’un aménagement du territoire qui soit discriminant en fonction des richesses, du potentiel fiscal des communes. Les métropoles ne ruissellent pas dans les régions », a-t-il regretté.
Car si les coopérations, partenariats et autres projets impliquant métropoles et leur hinterland se multiplient, les financements laissent à désirer. « Il y a tout un tas d’inventions entre ces territoires à construire, témoigne le maire de Saint-Flours, Pierre Jarlier. Mais le vrai sujet, c’est : avec quel pacte financier ? Il faut que cette richesse créé dans métropoles se partage, plaide le vice-président délégué de l’APVF. C’est toute l’idée de ce 1% métropole pour alimenter un fonds qui serait redistribué par les régions, pour assurer des actions de solidarité ».
Pas de règle uniforme souhaitable, clame France urbaine
Tout logiquement, les yeux se tournent vers le président de France urbaine, Jean-Luc Moudenc. « Que l’on cherche à ce que la richesse puisse ruisseler vers les territoires périurbains et ruraux, oui, approuve le patron de Toulouse métropole. Mais je ne suis pas d’accord avec les modalités », at-t-il rappelé.
La raison ? D’abord, la diversité des situations métropolitaines et régionales. « Quand on regarde les métropoles par rapport à leurs régions, les disparités sont immenses. Nice, Marseille, et Toulon représentent 50 % population totale de Paca. La population de Bordeaux, seule métropole de la Nouvelle-Aquitaine, ne représente que 15 %. Appliquer une réforme uniforme pour toutes les régions n’est une pas bonne idée », tance-t-il. Une fin de non-recevoir sur ce transfert financier qu’il justifie aussi par un argument de démocratie locale : « je ne reconnais pas au conseil régional la légitimité pour répartir des recettes fiscales métropolitaines », lance-t-il.
Contrats de réciprocité... à financer
Vice-présidente de Brest Métropole en charge des politiques contractuelles, Frédérique Bonnard le Floch partage ce peu d’enthousiasme pour le « 1 % métropole » avancé par les petites villes. « 20 millions, c’est sept ronds-points… pas génial, glisse-t-elle. Ce qui compte, c’est le projet, le projet, le projet ! » insiste-t-elle. La métropole bretonne est en effet connue pour être l’une des deux seules de l’hexagone à avoir lancé et avancé sur un contrat de réciprocité avec le Pays centre-ouest Bretagne (COB). « Le territoire breton n’est pas réputé pour ses recettes fiscales. Donc, comme nous ne sommes pas riches, nous avons choisi la coopération et Brest travaille avec son hinterland ». Le partenariat se veut concret : « le port de Brest vivra moins bien s'il ne peut exporter poudre de lait en poudre fabriqué à Carhaix, et vice-versa. Et il n’est pas question de laisser mourir le CHU de Carhaix : des personnels du CHU de Brest vont consulter à Carhaix. Ce qui n’est pas facile tous les jours, cela un coût humain », expose-t-elle.
Comme pour confirmer que le nouvel exécutif favoriserait lui aussi la logique des coopérations locales métropolitaines, le secrétaire d’Etat à la cohésion des territoires, Julien Denormandie, a dit son appui aux contrats de réciprocité, arguant qu’une « métropole ne saurait se développer sans ses territoires de proximité, des territoires qui se rallongent de plus en plus d’ailleurs ».
Intégrer les entreprises
Pour autant, l’élue métropolitaine n’évacue pas les ressorts financiers d’une telle coopération : « Pour que ces partenariats locaux puissent perdurer, il faudra peut-être mettre l’Etat autour de la table et puis peut-être un peu d’argent. Car pour l’instant, [ce contrat de réciprocité] n’implique pas de financement supplémentaire… », déplore-t-elle. Métropole de Brest et Pays COB peuvent toutefois compter sur l’apport du conseil régional sur ces partenariats à hauteur d’1,5 million d’euros.
Ailleurs, « la métropole de Bordeaux travaille avec Libournais et Bassin d’Arcachon sur des contractualisations sur la problématique de la captation des entreprises nouvelles », témoigne pour sa part Christine Bost Maire d’Eysines, commune de la métropole bordelaise. Un enjeu majeur à de ces coopérations métropoles-petites villes, à en croire Michel Yahiel, commissaire général de France Stratégie : « Dans les opérations de contractualisation, les entreprises sont des partenaires et il est impossible qu’il en soit autrement », prône l’ancien délégué général de l’ARF.
Des coopérations obligatoires ?
Le second contrat de réciprocité réellement entré en vigueur est d’ailleurs celui signé entre Toulouse métropole et le Pays de Gascogne. C’est vers ce type de coopération qu’il faut davantage travailler amplifier la solidarité financière métropole-petites villes, estime d’ailleurs Jean-Luc Moudenc : « Je suis partisan qu’il devienne obligatoire pour les métropoles de contractualiser avec leur périphérie. Et qu’ils aient la liberté de choisir les thèmes, par dialogue entre les deux pays que nous sommes, pays rural, pays urbain », juge-t-il.
Une orientation qui ne déplairait pas au Président de l’Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays (ANPP), Raymond Vall, avec qui France urbaine a justement récemment signé une convention de coopération récemment. Même si l’enjeu financier revient rapidement dans les échanges : « nous, nous avons choisi l’outil du Pôle d’équilibre territorial rural pour coopérer, témoigne le sénateur du Gers. Cela permet de pouvoir prélever 2, 3, 4 euros par habitant. C’est insuffisant mais cela permet d’entamer les projets… ».
Et le patron de l’ANPP d’inciter les autres patrons de métropole à enfin lancer leur volet territorial du « Pacte Etat-métropole, qui prévoit un volet de coopération dans son article 2 ; seules deux métropoles l’ont mis en œuvre… » regrette-t-il. « Mais 12 des 15 métropoles ont identifié leur territoire de réciprocité ! », rectifie rapidement Jean-Luc Moudenc. La nécessaire coopération fait l’unanimité, mais s’accorder sur les chiffres reste un vaste chantier…