Affichage électoral
© Flickr/april-mo
La contestation des opérations électorales obéit à des conditions très contraignantes, relatives à la personne de son auteur, à ses délais, ses modalités de dépôt et sa forme. La décision rendue par le juge sur cette contestation est enfermée dans des délais et pourra avoir des effets variés, incluant non seulement l’annulation de l’élection mais également la réformation des résultats et le prononcé de l’inéligibilité d’un candidat.
Analyse juridique de Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris, Le Courrier des maires n° 276, février 2014
I. La contestation
1.1. L’auteur de la contestation
L’article L248 du Code électoral concerne les élections municipales :
Tout électeur et tout éligible a le droit d’arguer de nullité les opérations électorales de la commune devant le tribunal administratif. Le préfet, s’il estime que les conditions et les formes légalement prescrites n’ont pas été remplies, peut également déférer les opérations électorales au tribunal administratif ».
En plus des électeurs et des candidats, les personnes éligibles (contribuables ou contribuables cachés) peuvent donc déposer une requête devant le tribunal administratif, nommée « protestation » ou « réclamation », et le préfet peut déférer les opérations électorales, de sa propre initiative, au même juge.
Il en résulte que ni les sociétés, ni les associations, ni les collectivités locales elles-mêmes ne peuvent intenter cette action.
En vertu de l’article R.312-9 du Code de justice administrative, « les litiges relatifs à la désignation, (…) par voie d’élection, (…) des membres des assemblées, corps ou organismes administratifs ou professionnels relèvent de la compétence du tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve le siège de l’assemblée, corps ou organisme à la composition duquel pourvoit l’élection ou la nomination contestée » : c’est donc le tribunal administratif dans le ressort duquel se trouve la commune qui sera compétent.
1.2. Les modalités et délais de dépôt du recours
- Dispensée de l’obligation du ministère d’avocat, la protestation contre les élections peut être consignée au procès-verbal des opérations de vote. Lorsque la protestation formée contre l’élection d’un candidat a été consignée dans le procès-verbal des opérations électorales, ce procès-verbal doit être transmis dès sa réception par le préfet au greffe du tribunal administratif. Le requérant n’a pas à craindre une éventuelle lenteur du préfet à exécuter cette transmission : le retard qui lui serait imputable ne rendrait pas la protestation irrecevable (CE 26 mai 1978, Elections municipales d’Aix-en-Provence, n° 08637).
- Les protestations peuvent également être déposées au greffe du tribunal administratif, à la préfecture ou à la sous-préfecture, jusqu’au vendredi qui suit le dimanche où l’élection est acquise, et avant 18 heures.
Ainsi, pour les municipales 2014, si l’élection est acquise au premier tour, le 23 mars 2014, la protestation devra être déposée au tribunal administratif avant le vendredi 28 mars à 18 heures. En cas de proclamation des résultats au second tour de scrutin, le 30 mars 2014, la protestation devra être déposée avant le 4 avril à 18 heures.
A noter. Depuis 2007, la protestation ne peut plus être valablement déposée au secrétariat de la mairie.
Le dépôt de la protestation - Il est fortement déconseillé de recourir à l’envoi postal. En effet, seule la date de réception par le greffe du tribunal est prise en compte et non la date d’envoi de la protestation. Certes, le requérant peut arguer que les « délais normaux d’acheminement postal » n’ont pas été respectés, mais cet argument n’est pas convaincant lorsque l’expédition a eu lieu le jeudi et que le délai expire le vendredi (CE 30 novembre 2001, Elections cantonales de Verdun-centre, n° 234076).
Les autres modes d’expédition (télécopie, courrier électronique) ne donnent pas lieu à la délivrance d’un document attestant, de manière suffisamment probante, de la date de réception. Par conséquent, on ne pourra que conseiller aux candidats de se rendre directement au tribunal administratif, en préfecture ou en sous-préfecture.
A noter. Le préfet dispose, lui, de quinze jours pour déférer l’élection au tribunal administratif.
Le candidat élu est avisé d’une contestation par notification du président du tribunal administratif dans les trois jours de l’enregistrement de la protestation.
Le candidat élu dispose alors de cinq jours pour déposer sa défense au greffe du tribunal administratif et de faire connaître s’il entend ou non user du droit de présenter des observations orales.
Chaque fois, qu’il s’agisse des protestations ou des défenses, un récépissé doit être fourni.
1.3. La forme de la protestation
La protestation peut être formée sur papier libre et écrite à la main, à condition que :
- l’auteur soit identifiable (nom, prénom et qualité) et signe ;
- l’élection en cause puisse être déterminée sans ambiguïté ;
- la protestation indique la nature de la demande : annulation de l’élection et/ou proclamation d’un autre résultat ;
- la protestation comprenne des griefs, c’est-à-dire l’imputation à autrui d’un fait de nature à avoir altéré la sincérité du scrutin.
Ainsi, la protestation ne peut être de pure forme : le candidat qui souhaiterait en disposer doit d’abord rassembler les éléments susceptibles de convaincre. Or, passé le délai de recours, un nouveau grief, c’est-à-dire une nouvelle cause d’annulation éventuelle de l’élection, ne pourrait plus être introduit à l’appui de la protestation. Seuls peuvent être soulevés, après l’expiration de ce délai des griefs d’ordre public, tels que l’inéligibilité du candidat élu.
De plus, la charge de la preuve incombe au protestataire : c’est à lui qu’il appartient de prouver l’existence et l’ampleur des faits qu’il allègue. Cette règle générale ne connaît qu’une seule exception : si l’éligibilité d’un candidat est contestée pour un motif précis, c’est au candidat qu’il appartiendra de prouver qu’il disposait bien de la qualité nécessaire.
Il résulte de tout ce qui précède que le candidat doit, pendant la durée de la campagne, recenser et conserver toutes les pièces susceptibles d’appuyer d’éventuels griefs formés dans la protestation : il sera trop tard, dans les jours qui suivent le tour où l’élection est acquise, pour collecter les photographies nécessaires ou pour demander à un huissier de dresser un constat des infractions commises par l’adversaire.
S’ouvre alors une procédure contradictoire atypique, dans laquelle l’auteur de la protestation n’est pas nécessairement destinataire des mémoires en défense produits par le candidat élu (CE 11 janvier 2006, Elections cantonales du canton de Trets, n° 274576). Il appartient donc au premier de s’enquérir du dépôt d’une réponse par son adversaire auprès du greffe du tribunal.
II. La décision et ses suites
2.1. Les délais de jugement
Le tribunal administratif prononce sa décision dans le délai de trois mois à compter de l’enregistrement de la réclamation au greffe (dans le cas, comme en mars 2014, d’un renouvellement général des conseils municipaux), sauf si la résolution du litige impose de saisir le juge judiciaire (par exemple de la question de savoir si l’élu dispose de la nationalité française ou non, s’il est majeur ou non, etc.) ou si le juge de l’élection est saisi directement par le requérant de la régularité du compte de campagne de son adversaire. Dans ces cas, le juge de l’élection attendra que le juge judiciaire ou la Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) se soit prononcé(e). La décision est notifiée dans les huit jours au préfet et aux parties intéressées.
Faute d’avoir statué dans le délai prévu, le tribunal administratif est dessaisi. Les parties ont alors un mois pour former appel devant le Conseil d’Etat.
Le préfet ou l’une des parties en première instance peut faire appel dans le délai d’un mois à compter de la notification de la décision, en déposant la requête d’appel au Conseil d’Etat. Le Conseil d’Etat a alors, en principe, six mois pour statuer (art. L.250-1 du Code électoral), sauf dans le cas où le tribunal administratif a décidé, par exception, la suspension du mandat de l’élu dont l’élection est annulée : le Conseil d’Etat n’a alors que trois mois pour statuer.
Mais ces délais ne sont pas toujours respectés. Il n’est pas rare que des arrêts soient rendus par le Conseil d’Etat en décembre de l’année suivant celle de l’élection, soit vingt et un mois après l’élection, pendant lesquels les élus dont l’élection est contestée seront demeurés en fonctions. En effet, le Conseil d’Etat a jugé avec malice que l’expiration de ce délai n’a pas, en l’absence de toute autre disposition législative ou réglementaire en précisant les conséquences, pour effet de dessaisir le Conseil d’Etat de la requête (CE, 23 avril 2009, Election municipale de Causse-et-Diège, n° 318218).
Il convient de ne pas confondre cette procédure, qui a trait à la contestation de l’élection, avec celle qui voit le tribunal administratif statuer sur l’inéligibilité du candidat, sur saisine de la CNCCFP suite au rejet du compte d’un candidat non élu. En effet, dans ce cas, le juge n’est pas tenu par les délais que l’on vient de décrire (CE, 29 juillet 2002, CNCCFP, n° 241323).
2.2. Les effets de la décision
Le juge peut :
- annuler l’élection d’un ou plusieurs élus ;
- annuler l’ensemble des opérations électorales ;
- voire réformer les résultats de l’élection (s’il peut s’assurer que certains votes omis, par exemple, doivent être réintégrés au total des suffrages exprimés, l’issue de l’élection s’en trouvant changée).
En revanche, le juge électoral n’est saisi que de la régularité des élections : il ne peut pas condamner à des dommages et intérêts dans le cadre d’un contentieux électoral.
Néanmoins, depuis la loi n° 2011-412 du 14 avril 2011, saisi d’une contestation formée contre l’élection, le juge de l’élection peut déclarer inéligible, pour une durée maximale de trois ans, le candidat qui a accompli des manœuvres frauduleuses ayant eu pour objet ou pour effet de porter atteinte à la sincérité du scrutin. Cette inéligibilité s’applique à toutes les élections à venir. Toutefois, elle n’a pas d’effet sur les mandats régulièrement acquis antérieurement à la date de la décision.
Pour autant, si le juge de l’élection a déclaré inéligible un candidat proclamé élu, il annule son élection. Il convient de ne pas confondre cette inéligibilité, prononcée par le juge électoral, avec les inéligibilités prononcées par le juge pénal à titre de peine accessoire, en cas de commission d’un crime ou d’un délit (ces inéligibilités-là pouvant aller, elles, jusqu’à dix ans).
A noter. Dans le cadre d’un scrutin de liste (comme dans le cas des élections municipales dans les communes de 1 000 habitants et plus), le juge électoral, saisi d’une manœuvre ayant altéré la sincérité du scrutin, n’annule pas nécessairement l’élection en bloc. Il peut se contenter d’annuler un seul siège : le dernier siège attribué à la proportionnelle à la plus forte moyenne. En effet, ce siège est fréquemment attribué grâce à un faible écart de voix. Dans ce cas, la décision peut aboutir à laisser le siège litigieux vacant pendant toute la durée du mandat (CE, 4 juillet 2011, n° 338033, n° 338199).
L’élu dont l’élection est attaquée par la voie de la protestation continue d’exercer son mandat ou sa fonction. L’appel du protestataire contre une décision de rejet de sa requête est également suspensif. Seule exception : le tribunal administratif peut, en cas d’annulation d’une élection pour manœuvres dans l’établissement de la liste électorale ou irrégularité dans le déroulement du scrutin, décider, nonobstant appel, la suspension du mandat de celui dont l’élection est annulée.
En tout état de cause, dans le cas général, à compter du jour où la décision d’annulation de l’élection (individuelle ou collective) devient définitive, c’est-à-dire que le délai d’appel a expiré ou qu’une décision a été rendue en appel par le Conseil d’Etat, l’élu perd son mandat.
La perte par l’élu de son mandat à la suite de l’annulation de l’élection revêt divers aspects.
1. Un seul candidat voit son élection annulée par le juge.
Il ne s’en suit pas une dissolution du conseil municipal ou du conseil général : le siège de l’intéressé est pourvu par le suivant de sa liste. C’est ce qui ressort du texte clair de l’article L.270 du Code électoral : « La constatation, par la juridiction administrative, de l’inéligibilité d’un ou plusieurs candidats n’entraîne l’annulation de l’élection que du ou des élus inéligibles. La juridiction saisie proclame en conséquence l’élection du ou des suivants de liste ».
2. La majorité des sièges est attribuée à une autre liste.
Dans les communes de 1 000 habitants et plus, lorsque la juridiction administrative, par une décision devenue définitive, a rectifié les résultats de l’élection des conseillers municipaux de telle sorte que la majorité des sièges a été attribuée à une liste autre que celle qui avait bénéficié de cette attribution lors de la proclamation des résultats à l’issue du scrutin, que deviennent le maire et les adjoints élus par la majorité issue du scrutin ? L’article L.2122-10 du Code général des collectivités territoriales répond à cette question : le mandat du maire et des adjoints prend fin de plein droit. Toutefois, les actes que le maire et les adjoints auraient pris en vertu de leurs fonctions entre la proclamation et la réformation des résultats ne sont pas entachés d’illégalité.
3. Le juge annule l’ensemble des opérations électorales et, par suite, l’élection de tous les membres du conseil municipal.
Une « délégation spéciale » est alors nommée par le préfet dans un délai de huit jours, composée de trois membres dans les communes comprenant jusqu’à 35 000 habitants (jusqu’à sept membres au-delà de ce seuil). Elle remplit les fonctions du conseil municipal. Dans les trois mois, les électeurs sont convoqués pour une nouvelle élection.
4. Le mandat des conseillers communautaires prend fin à la même date que celui des conseillers municipaux.
Depuis la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 et l’élection directe des conseillers communautaires à l’occasion des élections municipales, l’article L.273-5 du Code électoral (qui entrera en vigueur à l’occasion des élections des 23 et 30 mars 2014), prévoit qu’en cas d’annulation de l’élection de l’ensemble du conseil municipal d’une commune, le mandat des conseillers communautaires la représentant prend fin à la même date que celui des conseillers municipaux. Et lorsque, en application de l’article L.250-1, le tribunal administratif décide la suspension du mandat d’un conseiller municipal, cette mesure s’applique aussi au mandat de conseiller communautaire exercé par le même élu.
Clabé Michel - 27/03/2014 07h:39
moins de 1000 Hab.15 candidats pour 15 siéges. tous les candidats ont plus de 51 % de voix. démission d'un élu le lendemain. le 16 ieme qui a obtenu plus de 51 % est il elu.
Répondre au commentaire | Signaler un abus