Jean-Pierre Elong-M’Bassi, secrétaire général de CGLU Afrique
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Jean-Pierre Elong M’Bassi, secrétaire général de Cités et gouvernements locaux unis d’Afrique (CGLUA), représente et défend les intérêts des gouvernements locaux et régionaux de ce continent sur la scène mondiale, quelles que soient la taille des collectivités. La lutte contre le réchauffement climatique fait partie des principaux axes de coopération internationale promus par CGLUA.
Courrierdesmaires.fr. Les villes ont-elles un rôle à jouer dans les négociations de la COP 21 ?
Jean-Pierre Elong M’Bassi((Jean-Pierre Elong M’Bassi, urbaniste de nationalité camerounaise, a été le secrétaire général du Partenariat pour le développement municipal, centre d’appui aux élus locaux d’Afrique de l’Ouest, en particulier pour la décentralisation. Il est actuellement secrétaire général de la section Afrique du CGLU.)). Tout ce qui concerne le climat relève des collectivités locales. Il est étonnant de ne pas les voir autour de la table des négociations. Mais nous sommes dans un monde d’Etats.
Les villes sont à l’origine de 70 % des émissions de gaz à effet de serre - bien que les villes africaines y contribuent pour moins de 5 % actuellement. La bataille se gagnera ou se perdra dans les villes. Elles ont partie liée aux affaires du monde, avec la création, en 2004, de Cités et gouvernements locaux unis (CGLU)((Cités et gouvernements locaux unis (CGLU) représente et défend les intérêts des gouvernements locaux et régionaux sur la scène mondiale, quelles que soient la taille des collectivités. Basée à Barcelone, l’organisation s’est fixée la mission d'être la voix unifiée et le défenseur de l’autonomie locale et régional démocratique, d’en promouvoir les valeurs, les objectifs et ses intérêts, au travers de la coopération entre les gouvernements locaux, comme au sein de la communauté internationale.)).
CGLU participe-t-il aux négociations internationales ?
J.-P. E-M'B. Avec ses 7 sections régionales, CGLU est organisée pour participer à toutes les grandes réunions internationales. De plus, une « task force » mondiale des dirigeants locaux et régionaux a été créée avec les autres réseaux internationaux, ICLEI, C40 et d’autres. Elle est convoquée périodiquement par le secrétaire général de l’ONU.
Nous avons ainsi participé aux discussions sur l’agenda du développement durable, nous avons poussé à l’adoption de l’objectif du développement durable 11 sur les villes et les établissements humains durables. Et nous participerons à la COP 21, où nous espérons influencer les négociations.
Comment espérez-vous peser sur la COP 21 ?
J.-P. E-M'B. Nous nous sommes déjà retrouvés à Lyon. Un sommet des gouvernements locaux pour le climat sera organisé à Paris, deux journées seront consacrées aux villes au Bourget, Solution COP21 présentera les engagements des collectivités.
Autant d’espaces d’expression assez bruyants pour que nous soyons entendus. Et nous défilerons pour exiger que les négociateurs aboutissent à un résultat. Pas comme à Copenhague en 2009.
Les enjeux des villes du nord et du sud sont-ils les mêmes ?
J.-P. E-M'B. Non, et c’est tout le problème de la coopération internationale. Mais celle-ci est fondée sur deux principes simples.
Le premier, une égale dignité des hommes. Le second, la solidarité : nous mourrons tous ensemble ou nous nous sauverons tous ensemble. Nous avons une terre en commun. On doit bâtir sur cela.
Dans les faits, les regards sur une même réalité divergent. Dans les pays cartésiens, c’est l’individu qui compte. Dans le tiers-monde, c’est la communauté. Mais, partout, les humains veulent réduire la pénibilité de la vie.
Il faut donc des échanges entre ceux qui maîtrisent les moyens d’y parvenir et les autres. Pour cela, il faut mettre en place un mécanisme de solidarité entre les collectivités.
Pourquoi donner ce rôle aux villes ?
J.-P. E-M'B. N’oubliez pas qu’au lendemain de la guerre, ce sont les villes françaises et allemandes qui ont jeté les bases de la réconciliation. Israël et Palestine ne se parlent pas, mais les villes oui.
Si la plus grande partie de la coopération internationale passait par les villes, le monde serait plus paisible. Les Etats en ont une conception trop géopolitique. Entre villes, elle est à taille humaine, entre êtres humains cherchant à résoudre des problèmes.
Les villes du sud peuvent beaucoup apprendre aux villes du nord sur l’économie circulaire, les budgets participatifs, l’énergie solaire.
Sur quoi devraient porter les échanges ?
J.-P. E-M'B. Dans le cas du climat, les pays développés doivent assister les pays en développement pour s’adapter au changement en terme de techniques et de connaissances pour prévenir les événements extrêmes, s’y préparer, y répondre et construire une capacité de résilience.
Dans l’autre sens, les villes du sud peuvent beaucoup apprendre aux villes du nord sur l’économie circulaire, les budgets participatifs, l’énergie solaire. Il faudrait aussi construire un mécanisme approprié aux échanges entre collectivités dont la caractéristique est d’être à long terme.
Allons-nous dans cette direction ?
J.-P. E-M'B. Je crains que non. Il est normal que les Etats légifèrent, mais dans ce système interétatique, il faut aussi prendre en compte la voix des gens. Il faudrait un mécanisme financier adapté aux échanges entre collectivités. De la subsidiarité.
L’Union européenne, dont le Comité des régions est l’une des institutions, a mieux compris que d’autres le rôle des collectivités locales. CGLU travaille avec elle dans le cadre d’un partenariat stratégique sur la place des collectivités locales dans la coopération européenne.
Mais au niveau mondial, je suis à peu près sûr que les Etats seront insensibles à cette dimension. Je ne suis pas optimiste.