L'obligation de neutralité dans les crèches privées ne fait pas l'unanimité

Martine Kis

Les principales confessions religieuses, mais aussi l'Observatoire de la laïcité sont contre la proposition de loi imposant la neutralité dans les crèches privées recevant des financements publics. Le texte, qui devait être examiné par l'Assemblée nationale le 12 mars, le sera finalement durant la semaine du 11 mai.

[Mise à jour le 11 mars 2015] L’Assemblée nationale a décidé de repousser la première lecture, après le Sénat, de la proposition de loi visant à étendre l'obligation de neutralité à certaines personnes ou structures privées accueillant des mineurs et à assurer le respect du principe de laïcité. Prévue initialement le 12 mars, elle aura finalement lieu dans la semaine du 11 mai, après les élections départementales. Bruno Le Roux, président du groupe socialiste à l'Assemblée nationale, estimant la période "mal adaptée pour un examen serein", s'est engagé à inscrire le texte et a assuré Roger-Gérard Schwartzenberg, chef de file des radicaux de gauche à l'initiative du texte, "d'un vote positif de son groupe sur la proposition votée en commission".

La proposition de loi présentée par les radicaux de gauche se fonde sur la jurisprudence Baby-Loup. La Cour de cassation avait donné raison en juin 2014 à la crèche associative Baby-Loup qui avait licencié une salariée refusant d'enlever son voile comme le demandait le règlement intérieur.

Neutralité religieuse contre aide financière
Selon la proposition de loi, les établissements privés bénéficiant d’une aide financière publique seraient soumis à une obligation de neutralité religieuse. Ceux n’en bénéficiant pas pourraient apporter certaines restrictions à la liberté d’expression religieuse de leurs salariés au contact d’enfants.

Les établissements confessionnels ne seront pas soumis à ces mesures. Mais, s’ils bénéficient d’une aide publique, ils devront accueillir tous les enfants, sans distinction.

Les députés ont supprimé en commission, le 4 mars, un article controversé du texte qui soumettait l'assistant maternel à une obligation de neutralité religieuse. Les crèches dites "familiales" sont également exclues de cette obligation, car les enfants concernés sont aussi accueillis au domicile des assistants maternels.

Opposition des confessions religieuses...
Sans surprise, les représentants des confessions s’opposent à ce texte.

La Conférence des évêques de France a vu un "danger" dans cette proposition de loi qui, selon elle, "n'est pas du tout dans l'esprit de la loi de 1905" portant séparation des Eglises et de l'Etat.

L'Observatoire contre l'islamophobie au Conseil français du culte musulman (CFCM) a dénoncé, le 10 mars, une "vision totalitaire et extrémiste de la laïcité". "Nous disons oui à la laïcité, mais nous dénonçons fermement cette tendance à mettre en place une politique d'intolérance religieuse systématique et spécifiquement dirigée contre les musulmans, quoiqu'on en dise", écrit le président de l'observatoire, Abdallah Zekri, dans un communiqué.

... et de l'Observatoire de la laïcité
L’observatoire de la laïcité, qui dépend de Matignon et qui est présidé par l'ancien ministre socialiste Jean-Louis Bianco, n’est guère plus favorable à la proposition de loi. Il rappelle, dans un communiqué du 9 mars, que déjà, dans un avis du 15 octobre 2013, il s’opposait à toute législation étendant l’obligation de neutralité au secteur privé.

Pour lui « imposer une neutralité générale et absolue pourrait être contre-productif et contrevenir aux principes constitutionnels et de la Convention européenne des droits de l’Homme d’égalité et de liberté de conscience, mais aussi s’opposer au principe de laïcité lui-même qui la garantit ».

L’Observatoire rappelle que les subventions publiques ne sont prohibées que pour les organisations cultuelles. Aller au-delà pourrait être une atteinte au principe d’égalité, autre principe constitutionnel.

Il craint, en outre, que ce texte ne favorise la multiplication des structures confessionnelles séparées, et demande en revanche un renforcement de l’offre publique d’accueil des mineurs. La Commission nationale consultative des droits de l’Homme et le Conseil économique, social et environnemental se sont déjà prononcés dans le même sens.

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