L’intercommunalité et le non-cumul des mandats, facteurs de risques pour l’action sociale ?

Aurélien Hélias

Soucieux de remettre le lien social au cœur des enjeux de campagne pour les élections municipales à venir, l’Observatoire national de l’action sociale décentralisée (Odas) et son délégué général, Jean-Louis Sanchez, ont évoqué leurs doutes sur la montée en puissance de l’intercommunalité en matière de cohésion sociale. Et leurs craintes de voir le futur non-cumul des mandats affaiblir l’expertise des responsables nationaux en matière de politiques sociales.

Inquiète de « l'omniprésence des préoccupations sécuritaires dans le débat public » à l’approche des municipales, au détriment des enjeux de cohésion sociale et de renforcement des solidarités locales, l’Observatoire de l’action sociale décentralisée (ODAS) veut mettre au jour la « richesse » de l’action sociale municipale dans les différents territoires. Mais l’Observatoire voit aussi poindre deux risques institutionnels qui pourraient venir contrecarrer l’efficacité de cette politique locale.

D’abord, celui de la montée en puissance de l’intercommunalité. « Les maires ne sont pas désireux de se défaire de l’action sociale. Cela est important, car l’interco est souvent un niveau technocratique », assure ainsi Jean-Louis Sanchez, délégué général de l’Odas. Dans une enquête menée par l’Observatoire en 2013 auprès de 165 villes de plus de 30 000 habitants, il apparait que « les politiques de soutien aux populations restent majoritairement du ressort exclusif de la ville : lutte contre la précarité et soutien aux personnes handicapées ne concernent l’intercommunalité que dans trois villes sur dix », souligne-t-il.

« Le maire est à hauteur de gifle »
Précarité, personnes handicapées, petite enfance, jeunesse et personnes âgées font en effet partie des compétences les moins transférées à leur EPCI par les villes interrogées, qu’il s’agisse des politiques mais aussi de la gestion des équipements. Autre statistique : seules 20 des 165 villes interrogées font état d’un observatoire social transversal dans leur EPCI.

[caption id="" align="alignnone" width="537"] Source : Odas[/caption]

« Il y a une volonté des maires de préserver la situation en matière d’intercommunalité, et de ne pas trop l’accentuer sur le terrain du vivre-ensemble », constate avec plaisir Jean-Louis Sanchez. Pour ce dernier, « le tissage du lien social nécessite une très grande proximité. La qualité de l’action municipale réside dans l’idée que “le maire est à hauteur de gifle” : chaque action municipale est sanctionnée par une réaction. Et les maires sont au contact réel des habitants », plaide-t-il. Selon le délégué général de l’Odas, c’est avant tout sur la gestion des équipements structurels que doit intervenir l’EPCI, et non sur la conception des politiques, notamment sociales.

Le nouveau scrutin départemental inquiète aussi
Mais la loi d’affirmation des métropoles – un « risque » pour la proximité de l’action sociale selon lui – et l’adoption d’un mode d’élection plus direct des délégués communautaires pourraient bien changer la donne. Ce qu’il concède d’ailleurs à demi-mot : « Jusqu’à présent, avec le suffrage indirect, les élus communautaires ne se sentaient pas légitimes… »

Autre préoccupation de l’Odas à l’approche des élections municipales : l’impact, en 2017, du non-cumul des mandats sur l’action sociale publique. « Un élu qui n’aura plus qu’une responsabilité nationale n’aura plus l’expertise locale qu’offre un mandat de maire ». Sans pour autant condamner a priori la règle du non-cumul, le DG de l’Odas juge qu’il faut « faire attention », notamment pour l’efficacité des politiques sociales, « à ne pas affaiblir une démocratie locale qui fonctionne très bien ». « On peut le dire aussi de la réforme cantonale qui fragilise la représentation rurale. Or cette représentation a permis de sauvegarder le dynamisme des territoires ruraux », prévient-il.

Afficher la transversalité des politiques sociales
Au-delà de ces craintes, l’Odas pointe du doigt un élément plus positif à la veille des élections de mars : « Le regain de confiance vis-à-vis des conseillers municipaux », selon le délégué général adjoint de l’Odas, Didier Lesueur. Un contexte favorable qui s’ajoute, pour les villes, à un élément institutionnel porteur selon lui : « Les villes ont une chance. Elles n’ont pas de dispositif lourd à gérer, à l’inverse des départements. Elles ont donc beaucoup plus de leviers pour travailler ».

Reste tout de même, pour ces communes, à bien communiquer sur la transversalités des objectifs sociaux : « Si on n’affiche pas clairement la finalité sociale [des différentes politiques : logement, culture, transport, etc.], on travaille alors chacun dans son coin » au sein des services communaux. Une méthode qui va à l’encontre d’une nécessaire « vision transversale » d’une politique de solidarité locale. Ce que le DG adjoint de l’Odas résume en une phrase : « Le lien social, ça ne se décrète pas, ça se sécrète ».

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