Metropoles
© Catherine Chevallier-Tassin / Courrier des Maires
La fuite d’une partie des citadins à l’occasion des trois derniers confinements a inspiré les contempteurs des grandes villes. Beaucoup ont cru y déceler une perte d’attractivité durable des métropoles, appelée à profiter comme par magie aux villes moyennes tombées en désuétude et autres territoires ruraux en perte de vitesse. N'en déplaise aux partisans de la méthode Coué, l’illusion d’un « exode urbain » massif ne semble pas encore se vérifier.
Depuis le début de la crise sanitaire, les points de vue de nombreux maires de villes moyennes, de villages ruraux, d’essayistes, d’éditorialistes de la presse économique et bien sûr d’agents immobiliers sont unanimes. Après s’être partiellement vidées à l’occasion des différents confinements, un « exode urbain » guetterait les métropoles françaises. Le développement soudain du télétravail et sa généralisation annoncée à l’issue de la campagne de vaccination devraient, selon leurs prédictions, amplifier le dépeuplement des zones urbaines déjà entrevu à trois reprises depuis le printemps dernier. Le reste des citadins sera tôt ou tard amené à rejoindre les quelques cadres supérieurs précurseurs ayant fait le choix de s’installer définitivement dans leurs résidences secondaires à la campagne, dans des villages bucoliques ou des villes à taille humaine, à proximité de la nature... Ce serait une question de semaines, ou de quelques mois, à les entendre.
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Un exode urbain, vraiment ?
Ce mouvement de population, les élus métropolitains affirment pourtant ne pas en voir les prémisces, sur le terrain. « Je n’observe pas de vague massive de déménagements dans des petites agglomérations à l’extérieur de Bordeaux Métropole, ni des campagnes plus éloignées d’ailleurs. Les citadins ne souhaitent pas tant se mettre au vert qu’amener plus de nature en ville », croit savoir son président, le maire (PS) de Mérignac, Alain Anziani.
« Il y a bien quelques départs hors du Grand Lyon, mais rien de significatif pour l’heure », reprend Béatrice Vessiller, qui n’aurait pas forcément vu d’un mauvais œil le desserrement du marché lyonnais. La vice-présidente EELV en charge de l’urbanisme et du cadre de vie, qui répète régulièrement que « toute l’activité n’a pas vocation à être à Lyon ni au sein même de la métropole », note au contraire une hausse des permis de construire délivrés dans la métropole en 2020, par rapport à 2019. Une amertume non-feinte.
A l'instar d'une partie grandissante des conseillers métropolitains davantage ouverts à une forme de rééquilibrage territorial que leurs détracteurs ne le pensent, l'association d'élus France Urbaine ne nie pas que les métropoles aient perdues de leur superbe à l'occasion de cette pandémie. Mais son DG, Olivier Landel, s'inquiète surtout de l’absence de données fiables attestant de la stabilité voire d’un début de revitalisation des villes moyennes depuis le début de la crise sanitaire. « Si je disposais d'indicateurs montrant l'inverse, ce serait une très bonne chose, sincèrement. Les maires des grandes villes préfèreront toujours avoir une ville moyenne solide à trente kilomètres, plutôt qu’une ville-dortoir qui se vide à leur détriment et provoque autant de trajets pendulaires » assure-t-il.
Des atouts persistants
« Que des citadins choisissent un autre mode de vie à l’issue de cette crise sanitaire, c’est probable. Mais cela se traduit surtout par des migrations infra-régionales qu’un exode urbain », confirme le sénateur (LR) de Seine-Saint-Denis, Philippe Dallier, données immobilières à l’appui : « En Île-de-France, le marché des pavillons en première ou seconde couronne est aujourd’hui tiré par des Parisiens qui cherchent plus de surfaces et un espace extérieur », illustre l’ancien maire des Pavillons-sous-Bois, ravi que la barrière mentale du périphérique ait sauté chez nombre de résidants de Paris intra-muros.
Même ressenti plus au nord, du côté du premier magistrat (DVG) de Mons-en-Barœul, Rudy Elegeest, pour qui ce phénomène renvoie néanmoins davantage à l’urgence écologique qu'au contexte pandémique : « les aspirations de nombreuses familles ont évolué. Il y a un souhait affirmé de vivre dans un environnement moins stressant, dans des logements plus grands, de pouvoir télétravailler davantage aussi ou se rendre au travail à vélo plutôt qu’en voiture » observe le candidat déchu à la présidence de la métropole de Lille à l'été 2020. S'il se félicite que la situation actuelle incite nombre d'élus à s'interroger sur le modèle urbain et la notion de ville durable, Rudy Elegeest demeure également circonspect vis-à-vis d'un hypothétique exode urbain : « en dépit de leurs handicaps et contraintes rendues visibles par la pandémie de Covid-19, la concentration des offres d’emploi, de l’offre de soins ou encore la vitalité culturelle demeurent des atouts capitaux qui devraient permettre aux grandes villes de tirer leur épingle du jeu encore à l'avenir. »