L'essentiel de l'actualité juridique des marchés publics

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Le droit français des marchés publics va changer d'ici fin 2014, à la suite de l'adoption récente de trois directives européennes, dont l'une, et c'est une première, est consacrée aux concessions". Revue de détail des réformes et jurisprudences récentes, et de ces textes européens.

Par Jérôme Michon, professeur en droit des marchés publics et privés à l’Ecole spéciale des travaux publics, du bâtiment et de l’industrie, consultant en optimisation financière, technique et fonctionnelle des marchés publics et processus achats des collectivités territoriales

Le Courrier des maires a le plaisir de vous offrir la lecture intégrale de ce supplément au "Courrier des maires et des élus locaux", n°278,  d'avril 2014

Voilà presque dix ans que le droit européen des marchés publics n’avait pas été modifié. De nouvelles directives viennent d’être adoptées et seront transposées d’ici environ deux ans. Le ministère de l’Economie a annoncé que certaines dispositions entreront en vigueur avant la fin 2014.

Pour la première fois, une directive européenne est consacrée aux « concessions ». Jusqu’alors, les directives «marchés» ne traitaient que marginalement des concessions de travaux et ne soumettaient les concessions de services à aucune règle spécifique.

Outre ces nouvelles règles, socle sur lequel repose le droit français des marchés publics, des adaptations réglementaires sont intervenues et les enseignements de la jurisprudence récente sont nombreux.

I – Les enseignements des réformes et jurisprudences récentes

A – Nouveaux seuils concurrentiels

Les seuils européens ont été modifiés depuis le 1er janvier 2014 (décret n° 2013-1259 du 27/12/2013).
C’est désormais 207 000 euros HT (en fournitures et services), 5 186 000 (en travaux), et pour les opérateurs de réseaux (2e partie du CMP) et les marchés passés dans la défense ou sécurité (3e partie du CMP), le seuil est de 414 000 euros HT.

B – Nouveaux taux de TVA

Les nouveaux taux de TVA s’appliquent non seulement aux marchés conclus après le 1er janvier 2014, mais également aux anciens marchés dont l’exécution continue après cette date. Peu importe la date de lancement de la consultation, la date de signature ou notification du marché, le taux mentionné dans celui-ci, ou encore la date d’établissement ou de réception des factures : ce qui compte, c’est la date de réception ou de livraison des prestations ou travaux.

Un marché notifié et réceptionné en 2013, mais dont une facture est reçue en 2014, est soumis aux anciens taux de TVA. Un marché notifié en 2013, mais réceptionné en 2014, fera l’objet de factures appliquant les nouveaux taux, certes uniquement pour les situations mensuelles (ou acomptes) arrivant après le 1er janvier 2014 et portant sur des réceptions intervenues après cette date. Les réceptions partielles intervenues en 2013, donnent lieu à un paiement avec les anciens taux.

Un régime particulier est prévu pour les travaux de rénovation, amélioration, transformation, aménagement ou entretien portant sur des locaux d’habitation. Les nouveaux taux s’appliquent d’office, même en l’absence d’avenant modificatif.

C – Réformes et sélection de réponses ministérielles ou jurisprudences

  • Les intérêts moratoires dus en cas de retard de paiement sont le taux de refinancement de la Banque centrale européenne, augmenté désormais de 8 points, et une indemnité forfaitaire de 40 euros pour toute facture payée en retard doit être payée (décret n° 2013-269 du 29/03/2013 et circulaire NOR : BUDE1308483J du 15/04/2013)
  • L’acquisition de billets d’entrée à une manifestation sportive, en dehors de toute mise en concurrence, peut être légale (Conseil d’Etat, 29/01/2013, « Département du Rhône et OL »)
  • Le système de la « carte d’achat » dans les marchés publics, créé par le décret n°2004-1144 du 26 octobre 2004, permet de réaliser des achats de faible montant, via une carte de paiement (QE de Bernard Brochand, n°10738, JO de l’Ass. Nat. du 12/02/2013)
  • La mise à disposition d’un véhicule, en partie financée par la publicité que celui-ci supporte, constitue un marché public (QE de Jean-Louis Masson, n°2450, JO du Sénat du 10/01/2013)
  • La publicité pour un MAPA peut être réalisée par l’envoi de SMS sous certaines conditions (QE de Pascal Terrasse, n°18838, JO de l’Assemblée nationale du 2/04/2013)
  • Impossibilité de modifier le montant maximum prévu dans un accord-cadre de façon unilatérale (QE de Pascal Terrasse, n°22828, JO de l’Ass. Nat. du 23/04/2013)
  • Un marché complémentaire à un autre marché peut être passé sans commission d’appel d’offres (QE de Pascal Terrasse, n°11924, JO de l’Ass. Nat. du 15/01/2013)
  • Un maire peut être élu comme représentant à la commission d'appel d'offre (CAO) d’un groupement de commandes (QE de Bernard Piras, n°2393, JO du Sénat du 10/01/2013)
  • Le vice lié à la composition d’une CAO peut être régularisé par l’intervention d’une nouvelle décision de la CAO, cette fois correctement composée (Conseil d’Etat, 28/01/2013, req. n°358302)
  • Le président d’un centre communal d'action sociale (CCAS) ne peut pas se voir déléguer les mêmes pouvoirs que le maire en marchés publics (QE de Christian Estrosi, n°17396, JO de l’Ass. Nat. du 19/03/2013)
  • Un comptable public ne peut pas exiger un certificat de mise en concurrence pour le paiement d’un marché à procédure adaptée (QE de Claude Domeizel, n°4483, JO du Sénat du 11/04/2013)
  • Pas de modification de la composition d’un groupement d’entreprises après la remise des candidatures (QE de Edouard Philippe, n°16046, JO de l’Ass. Nat. du 26/03/2013)
  • Une collectivité peut disposer de plein droit des matériaux laissés sur le chantier par le titulaire du marché ayant été résilié à ses frais et risques (Conseil d’Etat, 3/12/2013, req. n°361287 – Matériaux approvisionnés)
  • La collectivité doit s’assurer de façon particulière quand des travaux sont réalisés pour son compte par un agriculteur (cas de prestations de déneigement : QE de Philippe Leroy, n°4028, JO du Sénat du 7/03/2013)

II – Le nouveau droit européen et les futures règles pour vos marchés

Les directives européennes du 31 mars 2004 sont remplacées par une directive générale (marchés de travaux, fournitures ou services) et une directive sectorielle (marchés relevant d’activités de réseaux d’eau, d’énergie, de transport et de services postaux), complétées par une directive concessions (adoption par le Parlement européen le 15 janvier 2014 et par le Conseil de l’Union européenne le 11 février 2014). Ces directives entraîneront des réformes de l’ensemble de notre droit de la commande publique, dont certaines devraient intervenir avant la fin 2014.

Les deux directives sur les marchés publics

Ces textes consacrent :

  1. une obligation de dématérialisation de toutes les candidatures et offres et d’écarter les conflits d’intérêts (1) ;
  2. la possibilité de consultations préalables ;
  3. la procédure des « partenariats d'innovation », visant les achats ne pouvant être satisfaits par des biens existants (2) ;
  4. l’absence d’obligation d’allotissement ;
  5. la possibilité de limiter le nombre de lots pouvant être attribués à un seul soumissionnaire ;
  6. l’utilisation d’un « Document unique de marché européen » (DUME), sorte de déclaration sur l’honneur électronique ;
  7. la mise en place d’un « Registre national des marchés publics » (RNMP) et d’une base de données européennes « e-Certis », où une collectivité pourra vérifier si telle entreprise est habilitée à soumissionner à un marché public ;
  8. l’exclusion d’un candidat qui se serait livré à des « défaillances importantes ou persistantes » dans l’exécution d’un marché antérieur, « lorsque ces défaillances ont donné lieu à la résiliation dudit marché, à des dommages et intérêts ou à une autre sanction comparable » ;
  9. l’exigence éventuelle d’un minimum de chiffre d’affaires annuel, ne pouvant pas être au-delà du double de la valeur estimée du marché ;
  10. la possibilité d’ « exiger » la remise d’une variante ;
  11. ainsi que des délais minimaux d’ouvertures à la concurrence sensiblement réduits : 35 jours en appel d’offres ouvert à compter de la date d’envoi de l’avis, 30 jours (candidature) et 30 jours (offres) en procédure restreinte, idem si procédure concurrentielle avec négociation, et 30 jours (candidatures) si dialogue compétitif.

Ces deux directives « marchés » fixent pour la première fois une limite aux avenants, en interdisant les avenants entraînant un dépassement des seuils européens et/ou une modification de la valeur initiale de plus de 10 % (en services et fournitures) ou 15 % (en travaux). Avec une telle règle, on passe ainsi d’une appréciation subjective des tribunaux à une règle normative figée et d’application systématique.

Nouvelle directive "concessions"

Ce texte

  • définit deux types de concessions : celles de travaux et celles de services ;
  • ne vise pas le secteur de l’eau ;
  • n’impose pas de dématérialisation des plis (contrairement aux directives « marchés ») ;
  • consacre le libre choix du mode de gestion que la collectivité juge le plus adapté ;
  • exige un risque d’exploitation significatif (idem, CJUE, 10 mars 2011, « Privater Rettungsdienst », aff. C-274/09) ;
  • impose une durée maximale des concessions de cinq ans, sauf justification d’investissements importants nécessitant une durée plus longue ;
  • n’impose pas la pondération des critères d’attribution ;
  • admet la conclusion d’un avenant avec un niveau maximum établi à 10 % des termes financiers de la concession initiale et sans dépasser le seuil de 5 186 000 euros HT.

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