« L’aménagement du territoire est aujourd’hui loin d’être une priorité de l’Etat »

« L’aménagement du territoire est aujourd’hui loin d’être une priorité de l’Etat »

Hervé Maurey, sénateur (UC) de l'Eure, président de la commission de l'aménagement du territoire et du développement durable

© capture écran sénat.fr

Alors que le projet d’Agence de cohésion des territoires patine, le sénateur centriste Hervé Maurey fait part de ses doutes sur la nécessité d’une telle création. Le président de la commission sénatoriale de l'aménagement du territoire appelle l’exécutif a davantage de volontarisme, et en profite pour louer le rôle du binôme régions-EPCI.

Courrierdesmaires.fr : Comment accueillez-vous le projet de création d’une Agence de cohésion des territoires, qui en reste au simple stade de la préfiguration ?

Hervé Maurey : Le flou règne, on en est encore au stade des effets d’annonce. Du côté du gouvernement, les choses ne sont pas calées. Et, au fond, peu importe tant qu’on donne à l’aménagement du territoire les moyens et les outils pour atteindre les objectifs. L’aménagement du territoire est le parent pauvre des politiques publiques alors qu’il devrait être un critère central d’action publique sur la santé, le numérique… Si la future agence peut améliorer les choses, regrouper un certain nombre de structures, mener des politiques concrètes, très bien, mais elle n’aura de sens que si elle a un véritable pouvoir transversal car beaucoup de sujets sont liés. On le voit avec les déserts médicaux qui ne sont pas traités par le ministère de la Cohésion des territoires, mais par celui de la Santé.

La transversalité n’était-elle pas au cœur de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires ?

Le CGET est davantage un spectateur qu’un acteur… Lors de l’audition, par la mission d’information que je menais avec Louis-Jean de Nicolaÿ, du directeur général du CGET, lui-même nous avouait se considérer davantage comme un « facilitateur » qu’un acteur de l’aménagement du territoire.

Faut-il faire renaître la Datar à laquelle avait succédé le CGET en 2014 sous le gouvernement Ayrault ?

Cela va au-delà d’un problème de changement de nom : il n’est pas question d’avoir la nostalgie de la planification d’Etat et de la Datar des années 60 mais plutôt de faire pleinement fonctionner en matière d’aménagement le couple région-intercommunalité. L’Etat doit certes jouer un rôle de régulation, fixer les grands objectifs. Il existe à ce titre un Conseil d’orientation des infrastructures au sein duquel je siège et où je n’ai de cesse, à chaque réunion, de demander que l’on prenne systématiquement en compte l’aménagement du territoire qui aujourd’hui est loin d’être une priorité d’Etat. Mais c’est une notion qui a régressé sur les infrastructures. Il faut espérer que nous seront davantage entendus sur celles du ferroviaire…

La future agence doit-elle être une « Anru des campagnes » comme le plaide François Baroin à la tête de l’AMF ?

C’était l’idée initiale, et pourquoi pas d’ailleurs. Mais si l’on parle de financement des territoires, il faudra plus de transparence qu’aujourd’hui : les dotations sont à ce jour bien supérieures par habitant pour les communautés d’agglomération que pour les communautés de communes. Il faut un outil global, redonnant du souffle à l’action publique.

Est-ce aussi d’ingénierie dont ont besoin les territoires, ingénierie que pourrait apporter l’Agence ?

Le besoin est indéniable, surtout avec ce système d’appels à projets et autres dispositifs complexes d’aides européennes. Les petites collectivités n’ont pas les moyens de faire appel pour l’occasion à des cabinets extérieurs. Ce besoin peut être en partie traité à l’échelle des EPCI, mais cela a tout de même un coût !

Vous défendez le couple région-interco alors que vous siégez dans une assemblée, le Sénat, davantage tournée vers le binôme commune-département…

La région est un acteur majeur de l’aménagement du territoire et le sera encore plus dans les années qui viennent. Avec l’élargissement de leur périmètre, de leurs compétences économiques, elles ont vocation à porter des projets structurants pour leurs territoires. Beaucoup de régions contractualisent en ce sens avec les EPCI via des contrats de territoire ou autres outils, notamment sur la fibre optique. Nous sommes obligés d’avancer avec ce couple car la création des grands EPCI change la donne.

J’ajoute que notre rapport actant le rôle primordial de ce couple région-interco n’a pas fait de vagues au Sénat, le département conservant un rôle dans les départements les plus ruraux, sans ville forte pour structurer les territoires.

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