Rollon Mouchel-Blaisot
© P. Marais
Président de la Société territoriale de l’Agence France locale (AFL), Rollon Mouchel-Blaisot se réjouit des récentes étapes franchies par le nouveau bras armé financier des collectivités : un agrément de l’autorité de contrôle prudentiel et une notation financière élevée, obtenus en moins de deux mois. Celui qui est également directeur général de l’Association des maires de France explique comment l’AFL ambitionne d’être durablement au service de l’ensemble des collectivités et de leurs besoins de financement, en complément du secteur bancaire.
Courrierdesmaires.fr. Etes-vous satisfait de la notation accordée à l’agence par Moody’s, Aa2, soit un cran en-dessous de celle de l’Etat ?
Rollon Mouchel-Blaisot. Cette notation positionne l’agence au plus haut niveau derrière l’Etat français, noté Aa1 avec perspective négative, avant même son démarrage opérationnel. L’accroissement de la part de marché de l’agence est le critère principal qui lui permettrait de rejoindre la note de l’Etat.
Cette appréciation est une reconnaissance du sérieux du projet que nous avons mis en œuvre, du professionnalisme des équipes et de la pertinence de notre modèle qui a déjà fait ses preuves en Europe. C’est extrêmement encourageant dans la perspective de la première émission de l’agence prévue pour ce 1er trimestre.
Comment l’Agence France locale va-t-elle se démarquer des banques et des autres véhicules de financement existants ?
R. M.-B. Le système de l’agence est très différent de celui du monde bancaire. Nous sommes un nouvel acteur apportant des réponses nouvelles aux besoins de financement des collectivités locales, avec l’objectif à terme de couvrir 25% du marché. Avec un modèle unique d’accès direct aux marchés, les frais de fonctionnement seront optimisés.
Nous ne voulons pas évincer les autres acteurs mais diversifier le marché en nous y insérant et en y créant une saine concurrence. Les collectivités ne veulent pas se retrouver dans une situation ou un acteur est en position dominante, ni connaître à nouveau la situation de 2008 où les banques ne prêtaient plus aux collectivités alors qu’elles ne présentaient aucun risque ! A cette époque, même au plus fort de la crise quand les banques ne se prêtaient même plus entre elles, les agences locales équivalentes en Europe se refinançaient.
Les membres du conseil d’administration ne sont pas rémunérés, la quasi-totalité des bénéfices de l’agence seront réinvestis en fonds propres ; il n’y aura pas de dividendes à verser à qui que ce soit.”
En quoi l’AFL est-elle garante de l’intérêt général que vous mettez en avant ?
R. M.-B. La structure de l’agence assure une certaine éthique, d’abord en termes de gouvernance. Les membres du conseil d’administration ne sont pas rémunérés, la quasi-totalité des bénéfices de l’agence seront réinvestis en fonds propres ; il n’y aura pas de dividendes à verser à qui que ce soit. Le conseil de surveillance est composé en majorité de personnes indépendantes reconnues pour leurs compétences financières.
L’agence n’empruntera pas non plus auprès de paradis fiscaux. Enfin, la structure même de l’agence garantit qu’il n’y aura pas de confusion des rôles entre les élus, chargés de définir les orientations stratégiques, et les professionnels de la filiale qui, seule, pourra décider souverainement si elle prête ou non et à quelles conditions.
Les collectivités n’avaient-elles pas accès aux marchés obligataires avant la création de l’agence ?
R. M.-B. Aujourd’hui, l’accès aux marchés obligataires est réservé aux très grosses collectivités, sans toujours beaucoup de souplesse. Les autres ne présentent pas un besoin de financement suffisant pour intéresser les investisseurs et contenir les coûts d’accès au marché. Là, on crée une sorte de « méga-collectivité » qui empruntera conjointement selon les besoins des collectivités adhérentes.
Après les turbulences de 2008, le crédit très cher de 2011-2012, les dérives infernales des emprunts structurés de Dexia que plus personne ne maîtrisait, les collectivités ont créé, par elles et pour elles, un établissement dont elles sont coresponsables. Ce qui nous oblige à être le plus rigoureux possible.
Les procédures de contrôle, de système d’information ont été vérifiées (…). Notre modèle a été passé au crible et a répondu aux tests, et va bien sûr se consolider dans les mois à venir.”
Vous avez obtenu l’agrément en décembre après l’avoir longtemps espéré pour la mi-2014…
R. M.-B. On espérait avoir l’agrément un peu plus tôt l’automne dernier. Reste que la moyenne pour l’obtenir est d’un an et demi. Nous l’avons obtenu au bout d’un an, en partant de zéro en octobre 2013 : c’est une prouesse remarquable dont beaucoup doutait… !
Ce qui a un peu prolongé la procédure, c’est le feu vert écrit des autorités européennes nous assurant de la compatibilité avec le droit de la concurrence. Les procédures de contrôle, de système d’information ont été vérifiées et pas uniquement sur le papier, avec une équipe de professionnels très opérationnelle. Notre modèle a été passé au crible et a répondu aux tests, et va bien sûr se consolider dans les mois à venir. Depuis l’automne dernier, l’agence est installée à Lyon dans les meilleures conditions possibles
Combien de collectivités ont déjà adhéré et selon quel processus de sélection ?
R. M.-B. Un conseil d’administration a eu lieu le 22 janvier. 88 collectivités pionnières sont déjà membres juridiquement : régions, départements, agglomérations, villes, villages… et nous serons très vite une centaine, avec plus de 100 millions d’euros de capital.
Le processus continue. Nous conseillons d’ailleurs aux collectivités souhaitant adhérer de nous contacter en amont : cela nous permet de leur donner les méthodes de calcul des ratios financiers que nous appliquerons pour valider leur entrée. La très grande majorité des collectivités de notre pays ont le potentiel financier pour adhérer, elles sont les bienvenues.
Toutes les collectivités dont la note dépasse 6 sont refusées. Cela représente aujourd’hui environ 4% des collectivités.”
Sur quels critères l’adhésion d’une collectivité pourrait-elle être refusée ?
R. M.-B. L’Agence France locale s’est dotée de son propre système de notation lui permettant d’attribuer à chaque collectivité qui en fait la demande une note allant de 1 (excellente santé financière) à 7. Toutes les collectivités dont la note dépasse 6 sont refusées. Cela représente aujourd’hui environ 4% des collectivités.
Tous les ratios impératifs pour bénéficier de l’agence sont connus, rien ne se fera « à la tête du client », les règles du jeu sont présentées à l’avance. C’est une incitation à la vertu, qui fait aussi partie de la forte crédibilité de l’agence.
Quel est le coût d’accès à l’Agence France locale ?
R. M.-B. Le montant de l’adhésion au capital est de 0,8% de l’encours des emprunts de la collectivité en année N-2. De manière générale, si la collectivité n’emprunte pas ou peu, elle n’a pas intérêt à adhérer. L’agence est faite pour les collectivités qui ont structurellement des besoins de financer leurs investissements.
Les communes modestes auront-elles vraiment accès dans les faits à l’AFL ? Pour quel intérêt ?
R. M.-B. Les collectivités sont propriétaires de l’agence et au service des collectivités, sans aucun autre donneur d’ordre ni intérêt. Les produits sont sûrs et simples. C’est un dispositif très rassurant et transparent pour toutes les collectivités qui, quelle que soit leur taille, pourront donc recourir à l’agence.
Un nouveau département vient d’adhérer : l’Ariège. La Savoie, l’Essonne et l’Aisne, membres fondateurs, attendent la première émission. La région Pays de la Loire est également membre fondateur…”
Comment s’explique le peu de régions et surtout de départements adhérents ?
R. M.-B. Les collectivités locales sont le premier investisseur public du pays, les communes représentant les deux tiers de cet effort d’investissement local. C’est donc logique que l’initiative de l’agence ait d’abord été portée par le bloc communal, avec à sa tête Jacques Pélissard, Gérard Collomb et Michel Destot, et que les communes et intercommunalités soient les plus en avance dans l’adhésion à l’agence.
Les départements ont été légitimement préoccupés par leurs contraintes en matière de dépenses sociales et l’incertitude qui planait sur leur avenir a aujourd’hui été levée. Un nouveau département vient d’ailleurs d’adhérer : l’Ariège. La Savoie, l’Essonne et l’Aisne, membres fondateurs, attendent la première émission. La région Pays de la Loire est également membre fondateur de l’agence et nous espérons que d’autres régions, lorsque leur nouvelle configuration sera stabilisée, nous rejoindront.
Quelles sont les prochaines étapes ?
R. M.-B. La première émission, très importante, aura lieu entre février et mars. Les équipes financières choisiront la période la plus favorable en termes de stabilité des marchés pour émettre entre 500 millions et un milliard. Et les premiers prêts se feront à partir de mars.
L’agence n’est pas là pour dire « investissez dans tel ou tel projet », car elle n’est pas là pour orienter les politiques publiques des collectivités mais soutenir leur effort d’investissement.”
Compte tenu des faibles taux en ce moment sur le marché, l’AFL reste-t-elle intéressante pour les collectivités ?
R. M.-B. Les taux très bas seront aussi ceux de l’agence et ceux des marchés auxquels elle aura accès ! Notre modèle d’accès direct à ces marchés et avec des frais fixes maîtrisés fait que nous pensons offrir structurellement des conditions au moins égales, voire plutôt meilleures que celles des concurrents.
Cela créera en tout cas une situation de saine concurrence par les prix et par les produits mais pas de concurrence débridée car l’agence agira en totale responsabilité. Nous serons attractifs surtout de manière durable : on pourra toujours trouver un produit de la concurrence plus intéressant à un temps T mais nous voulons, pour notre part, être structurellement concurrentiels sur la distance.
Votre objectif est-il de faire faire des économies aux collectivités ?
R. M.-B. Oui, les collectivités pourront faire des économies grâce à l’agence, un exemple récent le prouve. Si celle-ci avait été créée dès 2012, ce sont des centaines de millions d’euros qui auraient été économisés : il n’y a qu’à se rappeler les prêts à hauteur de 320 points de base qu’accordait alors la Caisse des dépôts sur injonction de l’Etat. L’agence sera performante sur la durée, elle a été conçue pour cela, pas pour un simple problème conjoncturel.
Dans quelle mesure le surplus de liquidités apportées par l’agence va-t-il permettre de relancer l’investissement local ?
R. M.-B. L’accès sécurisé et à un coût maîtrisé aux liquidités ne suffira pas à compenser la baisse des dotations. Si les collectivités doivent continuer à recourir à l’emprunt, c’est pour continuer à investir et non pas compenser de moindres dotations.
Cependant, dans un contexte budgétaire difficile, tout compte, à commencer par réduire le coût de son endettement. Il est aussi très important pour une collectivité de savoir que cet accès aux liquidités ne s’arrêtera pas selon le bon vouloir des prêteurs. Reste que l’agence n’est pas là pour dire « investissez dans tel ou tel projet », car elle n’est pas là pour orienter les politiques publiques des collectivités mais soutenir leur effort d’investissement.
Il n’y aura jamais de notre part de jugement d’opportunité. Les collectivités sont majeures aujourd’hui, il serait temps de les reconnaître comme des vraies partenaires de l’action publique.
louis Chasson - 11/02/2015 10h:55
Il s'agit seulement de créer une autre source de dettes pour des élus souvent dépensiers et incompétents au sens du principe de PETER. La réalité est qu'à ce jour les collectivités dépensent les ressources dont elles ne devraient disposer que dans les décades à venir. A quand une agence pour les économies dans les collectivités locales et dans l'ETAT? De toute façon la capacité de remboursement se réduit et on ne fera pas boire un âne qui a le ventre plein sans risque.
Répondre au commentaire | Signaler un abus