L’AdCF « en a assez du ‘politique bashing’ vis-à-vis des collectivités locales »

Aurélien Hélias
L’AdCF « en a assez du ‘politique bashing’ vis-à-vis des collectivités locales »

Charles-Eric Lemaignen lors du congrès de l'AdCF à Strasbourg en 2016

© Lionel pagès / AdCF

A moins de trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, Charles-Eric Lemaignen, président de l’Assemblée des Communautés de France, revient sur les attentes de l’association pour la prochaine mandature, s’agaçant au passage des discours déclinistes servis par certains candidats... et de leurs flèches répétées sur l’intercommunalité.

Vous avez rédigé un manifeste dans lequel vous exposez vos attentes et vos besoins aux candidats, quels sont les points-clés de ce texte ?

Charles-Eric Lemaignen : D’abord notre souhait qu’il y ait une pause dans les réformes institutionnelles. Qu’on laisse des possibilités d’évolution à la marge pour expérimenter, oui, mais que l’on ne revienne pas sans arrêt sur les réformes faites précédemment.

Le second point est notre besoin de dialogue avec l’Etat, dont nous sommes privés actuellement.

Enfin, il y  a la question financière. Autant nous demandons une pause sur les réformes institutionnelles, autant nous attendons des réformes en matière financière. Déjà celle sur les valeurs locatives qui assurerait une égalité entre les citoyens – nous aimerions que les candidats se prononcent sur ce point – et puis évidemment la réforme de la DGF afin d’obtenir une meilleure péréquation entre les collectivités locales. En clair, nous espérons une fiscalité plus simple, plus lisible et plus juste…

La question de la baisse des dotations vous inquiète ?

C-E L. : Il faut comprendre que l’investissement local est un facteur-clé de l’attractivité du site France et l’effondrement des dotations fait qu’il n’est plus au rendez-vous. À l’AdCF nous avons un baromètre et en 2016, il y a eu une baisse de 4,5 milliards d’euros de la commande publique, et si cela continue cela peut être dramatique pour l’ensemble du pays. Il faut que les candidats se prononcent sur la stabilité des dotations, et qu’un pacte fiscal avec l’Etat nous permette d’avoir la lisibilité sur la mandature à venir, point essentiel pour que les collectivités investissent de nouveau.

Que pensez-vous des programmes des candidats concernant les collectivités locales et les EPCI ? Ils se sont exprimés notamment devant l’AMF…

C-E L. : Il y a quelques discours absolus qui évidemment sont pour nous dérisoires. Certains candidats proposent ainsi de revenir sur la loi NOTRe [ndlr : Jacques Cheminade ou Nicolas Dupont-Aignan], pire, on a également entendu qu’une candidate voulait supprimer les régions et les intercommunalités [ndlr : Marine Le Pen]. Je ne peux évidemment pas partager ce point de vue. Mais on se pose aussi des questions lorsque l’on entend un candidat remettre en cause l’autonomie fiscale des collectivités locales [ndlr : Emmanuel Macron a promis la suppression de la taxe d’habitation qui sera compensée par l’Etat]. On le sait désormais, lorsque vous supprimez un impôt pour les collectivités locales, au départ il est toujours compensé… mais au bout de 3, 5, 10 ans, la compensation est supprimée. Ce n’est pas raisonnable.

Et puis, à l’origine de la démocratie, il y a le consentement à l’impôt… je n’ose pas imaginer des élections locales où la plupart des électeurs ne seraient pas contribuables, il y aurait à craindre un assaut de démagogie… forcément éhontée.

Plus largement, on sent que les intercommunalités sont un peu les mal-aimées des prétendants à l’Elysée…

C-E L. : Oui, l’air du temps est calamiteux… J’en ai vraiment assez du discours décliniste sur les collectivités territoriales, et ce politique bashing que nous subissons. Ces critiques  que nous entendons « les collectivités ne savent pas gérer » ou « le millefeuille c’est un scandale » : cela suffit ! Quand Mathieu Pigasse moque les investissements des collectivités locales [ndlr : le financier a écrit un texte dans lequel il dénonce le triomphe la France des ronds-points], c’est pour nous insupportable. Nous souhaiterions donc que les politiques mènent un travail pédagogique afin de valoriser le travail et le dévouement qui existent dans les collectivités… Car si la France peut se bouger, c’est essentiellement grâce aux expérimentations menées dans les collectivités locales, donc qu’on arrête de tout attendre du haut et qu’on valorise ce qui est fait en bas !

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