Accessibilité des personnes en fauteuil
© M. Kis
Bons élèves de l'accessibilité… Les « premiers de la classe », dont les ERP sont accessibles au 31 décembre 2014, y compris par dérogation, doivent transmettre avant le 28 février 2015 une attestation sur l’honneur à la préfecture, éventuellement accompagnée de pièces justificatives (attestation de bureau de contrôle, arrêté d’ouverture…). Zoom sur quelques maires exemplaires.
Francis Gouraud, maire de Montigny-en-Cambrésis (593 hab., Nord), va pouvoir adresser d’ici le 28 février une attestation d’accessibilité de tous ses établissements recevant du public (ERP). Huit en tout, sept classés en 5e catégorie et un en 4e.
« Je serais incapable de chiffrer ce qu’a coûté leur mise en accessibilité, car la commune a profité de la réalisation de travaux de rénovation et d’aménagement », reconnaît-il à la tribune de l’atelier organisé le 26 novembre dernier sur le thème « Accessibilité : de nouvelles échéances pour les communes », à l’occasion du 97e Congrès des maires.
Choix du pavement
Dans la salle, il a été un peu vite renvoyé dans la cour des petits, avec une pointe de dédain, par une représentante d’une grande ville où les ERP à mettre aux normes se comptent par centaines. Pourtant Montigny-en-Cambrésis est bien emblématique de ce qu’une petite commune volontariste peut faire.
Ainsi, pour conserver la tradition du Nord, une rosace en pavés a-t-elle été incrustée dans le sol pour décorer une petite place… mais avec précaution dans le choix des pavés pour épargner les roues d’un fauteuil roulant ! Montigny fait aussi partie de la minorité des communes du département à s’être dotée d’un plan de mise en accessibilité de la voirie et des espaces publics (Pave). Bref, en matière d’accessibilité, elle a tout d’une grande !
Les bons élèves ont donc jusqu’au 28 février pour adresser une attestation d’accessibilité de leur ERP, sur l’honneur pour ceux de 5e catégorie, accompagnée de justificatifs pour les autres et ce, même si l’établissement a bénéficié de dérogation.
Une situation transitoire est prise en compte : l’ERP est en cours de travaux et deviendra cette année conforme aux règles d’accessibilité applicables à la date à laquelle l’autorisation de travaux a été obtenue. En ce cas, il adressera au préfet, au plus tard le 27 septembre 2015, un document spécifique qui tiendra lieu de dépôt d’un Ad’Ap. Le changement de normes ne peut évidemment pas être rétroactif.
Changement de paradigme
En revanche, le paradigme de la nouvelle accessibilité repose sur la notion de qualité d’usage et de possibilité de solutions de substitution, ce qui pourrait avoir un effet étonnant : rendre d’ores et déjà accessibles un certain nombre d’ERP qui s’étaient engagés dans une démarche originale sans être accessibles au sens strict de la précédente réglementation. Déjà, du fait même de l’existence désormais de règles dédiées au bâti existant.
Ainsi, le nouvel article R.111-19-7 du Code de la construction et de l’habitation dispose qu’« est considéré comme accessible aux personnes handicapées un ERP existant ou créé dans un cadre bâti existant permettant, dans des conditions normales de fonctionnement, à des personnes handicapées, avec la plus grande autonomie possible, de circuler, d’accéder aux locaux et équipements, d’utiliser les équipements, de se repérer, de communiquer et de bénéficier des prestations en vue desquelles cet établissement ou cette installation a été conçu (ndlr, cette précision n’existait pas dans le décret du 17 mai 2006). Les conditions d’accès des personnes handicapées doivent être les mêmes que celles des personnes valides ou, à défaut, présenter une qualité d’usage équivalente ».
Un exemple : auparavant, l’entrée principale devait être accessible, point. Désormais, une entrée « dissociée » peut s’y substituer, si elle est « ouverte à tous » pendant les heures d’ouverture.
Egal accès
C’est en anticipant cette nouvelle grille de lecture, que le "Guide du défenseur des droits pour l’accessibilité des ERP", à destination des collectivités territoriales, présenté le 6 février 2014, se focalise sur la question de l’égal accès à la prestation et aux services publics.
Il préconise des mesures organisationnelles, des mesures d’accompagnement humain, des mesures d’adaptation de l’offre de service. Et propose, à cette aune, de nombreux exemples concrets de réalisations dans les territoires, synthétisés sous forme de fiches avec présentation du contexte et enseignements à en tirer. « Il ne s’agit pas de faux-fuyants devant les obligations réglementaires, mais les ERP doivent sortir du tout ou rien sur le bâti », expliquait Maryvonne Lyasid, alors adjointe de Dominique Baudis, Défenseur des droits, chargée de la lutte contre les discriminations et de la promotion de l’égalité. Et d'ajouter : « Raisonner en termes d’accès aux prestations fait appel à la créativité, et de nombreuses collectivités font preuve de créativité ».
La créativité
Un exemple : dans une commune de la région Rhône-Alpes, les matchs sont retransmis à la radio locale. L’agglomération a pris l’initiative de proposer aux personnes malvoyantes ou aveugles de profiter de cette « audiodescription » du match tout en étant au milieu des autres spectateurs, grâce à des casques audio sans fil.
Deuxième exemple : dans le cadre des travaux d’agrandissement de sa salle des fêtes, une commune rurale a aménagé une estrade fixe, remplaçant ainsi l’ancienne estrade mobile. Pour la rendre accessible, la commune rurale a proposé l’utilisation d’un élévateur mobile. Ce dernier, financé par la communauté de communes, est de plus à disposition des communes voisines…
Lesparre-Médoc (33) 5 700 habitants
Carton plein pour les bâtiments communaux
[caption id="attachment_46468" align="alignleft" width="333"] Jean-Luc Laporte, adjoint au maire de Lesparre-Médoc (33), chargé de la jeunesse, du sport et de l'accessibilité.[/caption]
« Tous les maires devraient avoir une personne en fauteuil roulant dans leur équipe municipale, ils comprendraient mieux ! Je partage la colère des associations devant le recul de l’échéance de 2015 » : lui-même en fauteuil roulant, Jean-Luc Laporte est adjoint au maire de Lesparre-Médoc, petite sous-préfecture du nord de la Gironde. Chargé de la jeunesse, du sport et de l’accessibilité, cet ancien sportif international handisport de basket-ball est un fonceur. Il a su convaincre le maire, Bernard Guiraud, l’ensemble des élus mais aussi des agents territoriaux de mener tambour battant le chantier de l’accessibilité.
En régie
Pierre angulaire : le travail en étroit tandem avec le directeur des services techniques. Il s’est agi, d’abord, d’atténuer drastiquement la note, salée, chiffrée en 2009 par le bureau d’études chargé du diagnostic – ainsi les listes de préconisations peuvent-elles « créer une barrière mentale » chez les élus locaux, constate-t-on ici… Puis, quand cela a été possible, tous les travaux ont été réalisés en régie, et une vigilance toute particulière a été apportée aux coûts d’entretien des équipements.
Aujourd’hui, carton plein : tous les bâtiments communaux sont accessibles. A commencer par la mairie où deux ascenseurs, extérieur et intérieur, permettent l’accès à tous les publics, personnes handicapées et âgées comprises – « il s’agissait de montrer l’exemple » dit Jean-Luc Laporte. Accessibles aussi : les écoles, l’espace socioculturel François Mitterrand, la salle des fêtes du quartier de Saint-Trélody, le cinéma Le Molière, la Tour de l’Honneur, donjon médiéval qui fait la fierté de Lesparre-Médoc, sans parler des équipements sportifs.
Dernière réalisation en date : le nouveau centre d’animations, qui a ouvert ses portes en septembre 2014 dans l’ancien tribunal, fermé en 2008. Architecture typique du XIXe siècle, escalier imposant, le bâtiment (non classé) a été réhabilité en intégrant l’accessibilité avec l’élégance ; 800 000 euros de travaux financés par la commune avec une participation de 140 000 euros de la communauté de communes Cœur Médoc.
Saint-Méloir-des-Ondes (35)
« Après des décennies d’immobilisme, le centre-bourg a été bouleversé »
[caption id="attachment_46469" align="alignleft" width="332"] René Bernard, maire de Saint-Méloir-des-Ondes (35).[/caption]
« Nous n’aurons pas besoin d’agenda, la commune est entièrement accessible. Après des décennies d’immobilisme, le centre bourg a été bouleversé. Le chantier de 3,5 millions d’euros a valu à Saint-Méloir de figurer dans le Recueil 2013-2014 des belles pratiques de la délégation ministérielle à l’accessibilité, ce dont je suis fier. La circulation a été mise en sens unique pour permettre l’aménagement de trottoirs, inexistants. La salle des fêtes, la mairie, l’église, la poste ont été rendus accessibles aux fauteuils roulants et, j’ajoute, aux poussettes – la presse locale a dit de moi que j’étais atteint du syndrome de la poussette” !
La voirie a été rehaussée de dix centimètres pour supprimer la marche d’entrée de la vingtaine de petits commerces du centre-bourg : à notre charge, je le précise, ce n’est que de l’enrobé et ils ont perdu de 20 à 30 % de leur chiffre d’affaires pendant les 20 mois qu’a duré le chantier. Enfin deux sanitaires publics ont été adaptés, des bandes podotactiles installées et les arrêts de bus aménagés. Même le monument aux morts, trop proche de la route, a été déplacé ! Et aujourd’hui, les poubelles ont disparu de nos trottoirs car l’accessibilité doit s’entretenir : avec civilité, les 180 foyers concernés les portent désormais aux trois points d’apport volontaire du centre-ville. »