Kamel Hamza, président de l’Aneld : « Aujourd'hui, nous avons l'impression d'un retour aux années 1980 »

Marion Esquerré
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loumi - 02/12/2015 09h:42

Bonjour, avec des diplômes et une motivation pour un retour à l'emploi aucune aide ne m'est proposée pour créer mon entreprise, je viens vers vous dû à mes origines...

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Kamel Hamza, président de l’Aneld : « Aujourd'hui, nous avons l'impression d'un retour aux années 1980 »

Kamel Hamza (Aneld)

© Aneld

Cinq ans après la création de l’Association nationale des élus locaux pour la diversité (Aneld), son président, Kamel Hamza estime que les partis politiques ont abandonné leur action pour la diversité. Et affirme cette conviction : selon lui, ce n'est pas le nombre d'élus qui fera avancer les choses mais le niveau des responsabilités qui leur seront confiées.

L'Association nationale des élus locaux pour la diversité est « née au lendemain de la victoire de Barack Obama aux Etats-Unis » (novembre 2008), explique la notice « Qui sommes-nous ? » de l'association. Elle regroupe des élus locaux de toutes les sensibilités politiques dont l'objectif commun est de faire avancer la diversité dans les collectivités territoriales et plus largement les partis politiques.

Courrierdesmaires. Entre les élections municipales de 2001 et celles de 2008, selon une étude publiée en 2009 par le Haut conseil à l'intégration (instance aujourd'hui en suspens), le nombre d'élus issus de l'immigration a augmenté. Pensez-vous que les prochaines élections s'inscriront dans la continuité ?

Kamel Hamza. Le problème n'est pas tant quantitatif que qualitatif. Si cela consiste à avoir plus conseillers municipaux qui n'auront qu'à lever leur main lors des conseils, cela ne sert pas la diversité.

Ce que nous souhaitons, c'est plus d'élus avec des délégations pour montrer que l'on peut être élu de la diversité, avoir des responsabilités et faire changer les villes. Par ailleurs, un politique ne se « fait » pas en un mandat mais en deux ou trois mandats. Donc, il faut aussi que les élus de la diversité aient le temps de se rendre visibles dans leur ville.

Or, aujourd'hui, nous avons l'impression d'un retour aux années 1980. Pour faire les listes, on prend un Français d'origine indienne, un Français d'origine maghrébine, un Français d'origine comorienne, etc. C'est la diversité « United colors of Benetton ». Mais on ne s'intéresse pas aux compétences.

Cela dit, pensez-vous assister à une amélioration de la représentation de la diversité dans le cadre des prochaines élections ?

K. H. Je pense qu'il y aura plus de maires de la diversité. Mais la question sera plutôt de savoir si, comme c'est le cas avec les députés, les partis politiques s'en contenteront en guise de « caution diversité ».

Quand on parle de parité, on est d'accord pour dire qu'il n'y a pas assez de femmes. Quand on parle de handicap, on est d'accord pour dire qu'il n'y a pas assez de handicapés dans la vie publique et professionnelle. Mais dès que l'on parle de diversité, les partis politiques avancent leurs quelques élus en disant : « Voyez, ils sont X élus à l'Assemblée nationale et Y maires en France ».

Ces quelques élus de la diversité sont les arbres qui cachent la forêt. Dans la forêt, il y a beaucoup de prétendants mais pas forcément beaucoup d'élus...

Vous craignez que finalement, à l'issue des prochaines élections, il y ait moins d'élus de la diversité à des postes importants qu'aujourd'hui ?

K. H. Ce qui m'inquiète, c'est d'entendre que la diversité va se faire naturellement. Cela fait 40 ans que l'on en parle. Et on sait bien que cela ne se fait pas naturellement.

On nous explique que la diversité fait peur, que parler de diversité revient à parler de communautarisme, que la diversité fait monter le Front national”

Tant qu'il n'y aura pas une véritable volonté politique, avec des commissions, des lois, des systèmes de quota, etc. comme on l'a fait pour les femmes, à chaque nouvelle élection, on repartira à zéro.

Selon vous, les partis politiques ont abandonné la question de la diversité ?

K. H. Oui. Ce n'est clairement plus un sujet d'actualité. En 2008, les partis politiques avaient mis en place des secrétaires nationaux à la diversité, des commissions sur le sujet. Ils demandaient à leurs responsables départementaux de mettre plus de diversité.

Aujourd'hui, tout cela est abandonné. On nous explique que la diversité fait peur, que parler de diversité revient à parler de communautarisme, que la diversité fait monter le Front national.

Dans un pays divisé comme l'est la France aujourd'hui, mettre en avant la diversité nous semble pourtant particulièrement nécessaire.

Aneld a-t-elle prévu des actions particulières dans le cadre de la campagne ?

K. H. Tout le monde est en campagne. Donc, nous attendons de voir la situation après les élections pour nous réunir à nouveau et faire en sorte que la diversité revienne au cœur du débat public.

Après les municipales, il y aura les cantonales et les régionales. Ce sont des scrutins où la composition des listes relève vraiment de la volonté des partis. Ce sera à l'Aneld de sensibiliser les présidences des partis et de leur demander ce qu'ils comptent faire pour qu'il y ait plus de conseillers généraux et régionaux de la diversité.

Pourquoi n'avoir pas lancé un tel appel dans le cadre des municipales ?

K. H. En fait, l'affaire du Qatar((L'Aneld est à l'origine de la décision du Qatar d'investir dans l'économie des banlieues françaises. Fin 2011, à la suite d'une visite d'une délégation de l'association au Qatar, l'émirat avait annoncé le déblocage de 50 millions d'euros dans ce projet, ce qui provoqua de nombreuses réactions outrées dans le monde politique hexagonal. Depuis, en septembre 2012, le gouvernement français a annoncé la naissance d'un partenariat avec le Qatar, sous la forme d'une fondation cofinancée, afin de reprendre la main sur le projet.)) a déstabilisé un peu notre association. Nous avons préféré laisser passer cet épisode...

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