Julia Mouzon, Elueslocales.fr : « lutter contre le sentiment d’illégitimité des femmes élues »

Aurélien Hélias

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MARLIN - 08/03/2018 19h:08

Choisir une polytechnicienne comme témoin pour parler des inégalités, c'est peu banal... la place des femmes en politique, c'est un problème, mais ce qui me dérange, c'est sous représentation des classes populaires... vous n'aviez rien d'autres sous la main ? c'est drôle, on se demande comment on les recrute...

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Julia Mouzon, Elueslocales.fr : « lutter contre le sentiment d’illégitimité des femmes élues »

Julia Mouzon, présidente d'EluesLocales.fr

À la veille de la journée des droits des femmes, Julia Mouzon, fondatrice de la start-up Elueslocales.fr, revient sur la place des femmes en politique. Pointant du doigt un mouvement inachevé, elle se réjouit toutefois de l’« universalisation » de la lutte en faveur des droits des femmes.

Jeudi 8 mars se tiendra la journée internationale des droits des femmes. L’occasion pour le Sénat d’organiser une rencontre au Palais du Luxembourg avec élues locales autour des thématiques de la mise en œuvre des politiques d'égalité dans les territoires et de la formation des élues. Intervenante du colloque sénatorial, Julia Mouzon, polytechnicienne à la tête d'Elueslocales.fr, revient pour le Courrier des maires sur les enjeux de l'accès des femmes aux mandats politiques locaux.

Courrierdesmaires.fr : quel bilan peut-on dresser de l’accès des femmes à la politique ces dernières années ?

Julia Mouzon : Nous sommes au coeur d’un processus qui, évidemment est loin d’être achevé ! Les lois sur la parité mais aussi celle sur les quotas dans les exécutifs locaux ont réellement permis aux femmes d’entrer dans la vie politique. Sans les quotas, nous serions sans doute aux alentours de 15% de femmes dans les conseils municipaux, alors qu’aujourd’hui la moitié des exécutifs sont paritaires.

Ce processus « forcé » par la loi est intéressant. Car, en politique, on se repose moins qu’ailleurs sur des compétences objectivées et identifiables. La loi sur la parité permet donc, dans un monde qui fonctionne beaucoup sur la cooptation, le réseau, le mentorat ou le soutien, aux femmes d’y arriver, et ce alors qu’elles n’ont pas tout cela, ou en tout cas dans des proportions moindres que les hommes qui se lancent…

Nous avons donc désormais des figures emblématiques de femmes qui émergent au niveau local, à Paris avec Anne Hidalgo, à Rennes avec Nathalie Appéré, à Nantes  avec Johanna Rolland ou à Calais avec Natacha Bouchart. C’est également le cas aussi au niveau national, même si c’est plus compliqué.

L’affaire Weinstein aux Etats-Unis et le mouvement #MeToo ont-il eu une résonance dans le milieu politique en libérant la parole de femmes élues ?

Ce sont des sujets qui restent très peu évoqués. Car porter publiquement cette parole de victime et assumer que l’on change de camp, comme Sandrine Rousseau d’EELV a pu le faire, demeure très compliqué pour les femmes en général mais évidemment aussi pour les femmes politiques. Mais je remarque que ce mouvement de société a facilité le fait pour les femmes politiques de porter ces sujets liés aux femmes. Il y a comme un système de vase communicant avec une parole qui se libère d’un côté et du coup un sujet qui va être porté au niveau politique ! Lorsque l’on a commencé à créer cette communauté des femmes élues en 2012, les députées, les sénatrices qui s’engageaient à l’époque, étaient principalement de gauche ou du centre. Aujourd’hui, on voit des femmes de droite qui s’emparent du sujet des violences faites aux femmes. C’est une réelle avancée : le sujet devient un sujet de société, au même titre que la lutte contre changement climatique ou la pauvreté… On assiste à une universalisation pour la lutte des droits des femmes et pour leurs applications.

Le renouvellement des générations avec des élus plus jeunes qui arrivent au pouvoir est-il positif pour l’accès des femmes à la politique ?

Nous restons très vigilantes sur ces questions. Car il y a une différence entre ne pas avoir de mauvaises habitudes et être réellement « conscientisé » sur cette problématique !

Identifiez-vous des besoins de formations spécifiques pour les femmes élues, notamment au niveau local ?

Je ne parle pas de « besoin de formation » qui induit que les élues n’y connaissent rien ! En revanche, sous l’angle de l’apprentissage et de la curiosité, nous accompagnons les femmes élues pour qu’elles gagnent en efficacité en travaillant par exemple sur l’assertivité, afin qu’elles ne passent pas trois heures à se justifier et s’excuser après une décision. Il y a aussi la défense de la vision politique, mais aussi la question de la créativité pour faire émerger de nouvelles idées

Avec les quotas, les femmes arrivent en politique non pas parce qu’elles sont dans une démarche pro-active de création d’une liste ou d’un parti politique mais parce qu’on vient les chercher. Il y a donc également un sentiment d’illégitimité qui s’ajoute chez ces femmes élues à une éducation qui les a rarement poussées à devenir la « numéro 1 ». Donc nous travaillons aussi sur les codes, le réseau afin qu’elles puissent faire fonctionner l’écosystème dans leur commune et faire avancer leurs idées.

Promotion des élues dans les exécutifs locaux : nouveau groupe de travail à l'AMF

L'Association de maires de France a annoncé le 7 mars la création d'un groupe de travail pour la promotion des femmes dans les exécutifs locaux, coprésidé par Cécile Gallien, maire (La République en marche) de Vorey (Haute-Loire) et vice-présidente de l’AMF, et Edith Gueugneau, maire (Divers gauche) de Bourbon-Lancy (Saône-et-Loire). « Même si la loi sur la parité est une avancée certaine, les femmes ne représentent aujourd'hui que 16 % des maires et 8 % des présidents d’intercommunalités. [...] il y a donc urgence à promouvoir le rôle, la place et les responsabilités des femmes dans la société en général et en particulier dans l’exercice de fonctions électives », avance l’association d'élus. Le groupe de travail se fixe un objectif d'observation - recenser les blocages, partager les expériences - mais veut aussi être force de propositions face aux "différents plafonds de verre" dans les communes et intercos, en préconisant les meilleures "bonnes pratiques : formations, échanges d’expérience, mise en place de parrainages", énumère-t-elle.

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