Abstention
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Avec 38,72 % l’abstention aux élections municipales progresse. Lors du 1er tour des municipales de 2008, elle était de 33,5 %. Comment expliquer cette désaffection alors que le maire est l’élu auquel on accorde le plus de confiance ?
Plus on est jeune, plus on s’abstient. Entre 18 et 24 ans, ils sont 59 % à ne pas voter. Entre 25 et 34 ans, ils sont 53 %, de 35 à 59 ans, ils sont 39 %.
Les 60 ans et plus ne sont plus que 24 % à s’abstenir, selon Ipsos ((Sondage Ipsos, réalisé du 20 au 22 mars 2014)). Le différentiel est moindre lorsque l’on regarde les professions. Les ouvriers s’abstiennent à 51 %, les cadres supérieurs à 35 %, les retraités à 25 %.
Le sondage Ifop « Jour du vote » donne un éclairage global sur l’abstention, qui ne suffit pas à expliquer le bon score du Front national et celui, mauvais, du PS, par le différentiel de participation.
En effet, selon l’Ifop, 32 % des sympathisants PS se seraient abstenus, contre 36 % des sympathisants frontistes. Le FN n’ayant pas présenté de liste dans toutes les communes, ceci explique peut-être ce taux relativement élevé. D’autant plus que la participation a été plutôt meilleure là où le FN a réalisé de bons scores. Ainsi, à Forbach, la participation a été de 56 %, en hausse de 5 points par rapport à 2008.
Pessimisme et désenchantement
Comment expliquer la montée constante de l’abstention lors de l’élection censée être la plus chère aux Français ?
Le pessimisme concernant la situation économique de la France pèse peu sur l’abstention. 81 % des votants sont « plutôt pessimistes » de même que 84 % des abstentionnistes.
Alors, pourquoi faire le choix de l’abstention ? Par désenchantement. 44 % des électeurs certains de ne pas aller voter au premier tour pensent que ces élections ne changeront rien à leur vie quotidienne. Ils sont ensuite 39 % à ne pas voter pour manifester leur mécontentement à l’égard des hommes politiques en général.
L’abstention est donc, dans certains cas, le résultat d’un comportement paradoxal : ne pas s’exprimer par le biais du vote pour exprimer son mécontentement.
Considérations personnelles
Luc Rouban, directeur de recherche au CNRS, explique, dans une étude d’octobre 2013((Du vote de classe au vote privatif )) (qui ne porte pas sur l’abstention), que « les électeurs se décident de plus en plus sur la base de considérations personnelles et de moins en moins à partir d’une position de classe, d’un groupe de référence voire d’une situation professionnelle ».
L’abstention, comme le vote blanc qui sera reconnu lors des prochaines élections européennes, serait un instrument à la disposition de l’électeur pour montrer que le candidat qui lui correspond le mieux n’existe pas.
Anne Muxel, chercheuse au CNRS, le souligne dans un entretien à Francetv info : les critères habituels, jeunesse, chômage, faible niveau d’instruction n’expliquent plus la totalité de l’abstention. Celle-ci se renforce alors même que le niveau d’instruction général dans la société augmente. Elle distingue « plusieurs visages » à l’abstention.
Ainsi 12 % de personnes qui ne votent jamais, par déficit d’insertion. D’autres personnes ne peuvent voter pour des raisons pratiques, car absentes, n’ayant fait de procuration…
Geste politique
Reste, selon Anne Muxel, « une abstention de nature politique » qui trouve son origine dans la volonté de pénaliser une équipe ou dans le fait de ne pas se reconnaître dans l’offre électorale. Cela signifie-t-il un retrait de la vie politique active ? Pas nécessairement, car ces personnes alternent vote et non-vote. Elles sont de plus en plus nombreuses à le faire. Et certains participent différemment à la vie politique, par le biais de l’engagement associatif, ou par « des mobilisations plus directes comme des manifestations ou des mouvements de rue ».
Quelles que soient les explications conjoncturelles, l’abstention aux élections municipales progresse en réalité depuis 1959, lorsqu’elle ne représentait que 25,2 % des électeurs.