Joël Carreiras
© P. Nin
La dépénalisation et la décentralisation du stationnement sur voirie ont été avalisées par la récente loi d’affirmation des métropoles et devraient entrer en vigueur en janvier 2016. Joël Carreiras, vice-président (transports) de Toulouse métropole, attendait de pied ferme cette réforme. Et prépare sa mise en œuvre.
Courrierdesmaires.fr. Que pensez-vous de la dépénalisation et de la décentralisation du stationnement ?
Joël Carreiras. En tant qu’élu du Groupement des autorités organisatrices de transport (Gart), qui a pendant longtemps milité dans ce sens, je vois d’un bon œil cette mesure. Elle entérine l'idée que le stationnement relève d’une politique de mobilité et de gestion de l’espace public.
Actuellement, les collectivités peuvent fixer les tarifs du stationnement, mais elles ne maîtrisent pas la sanction du non-respect. Il s’agit donc de retrouver de la cohérence. Il faut insister sur le double aspect de la dépénalisation d'une part, et de la décentralisation, d'autre part.
La gestion de cette compétence à l'échelle d'un bassin de mobilité est pertinente. Elle pourra être assortie d'un transfert du pouvoir de police de stationnement vers l'intercommunalité ou vers l'autorité organisatrice de la mobilité sur le territoire, également prévu par la loi. Mais à Toulouse, nous n’avons pas encore débattu de ce point avec les maires des communes de la communauté urbaine.
Concrètement, qu’est-ce que ce nouveau système va changer pour les usagers ?
J. C. Ils devront à l’avenir régler une « redevance d’occupation du domaine public » : ce glissement sémantique a son importance… Pour ceux qui n’auront pas payé, ou pas suffisamment, l’amende pénale disparaîtra au profit d’une « redevance de post-stationnement ». Ces sommes n’iront plus dans les caisses de l’Etat mais désormais à 100 % dans celles des autorités organisatrices de transport (AOT), pour le développement des transports en commun locaux.
Il est clair qu’entre Toulouse, qui compte 450 000 habitants, et la plus petite commune de la communauté urbaine, qui compte 200 habitants, les enjeux ne sont pas les mêmes”
Les tarifs à acquitter seront déterminés par la collectivité. Ils pourront être différenciés selon les lieux. Il est clair qu’entre Toulouse, qui compte 450 000 habitants, et la plus petite commune de la CU, qui compte 200 habitants, les enjeux ne sont pas les mêmes.
Les tarifs pourront varier aussi selon les heures de la journée, et même selon les usagers. On peut ainsi imaginer un tarif plus élevé pour les non-résidents d'un quartier, afin de favoriser la rotation et donc la disponibilité des places, et, dans le même temps, un tarif préférentiel pour les résidents.
Les tarifs des « forfaits de post-paiement » devraient eux aussi être modulables : le montant à payer ne sera pas le même si l’usager a dépassé le temps prévu d’un quart d’heure ou de trois heures... Mais toutes ces possibilités relèveront de la décision de la collectivité ; il s’agit bien de décentralisation.
Les automobilistes doivent-ils craindre une augmentation des tarifs du stationnement ?
J. C. Un certain traitement médiatique de la dépénalisation crie à une explosion des tarifs… Certes, ce sera plus cher à certains endroits qu’à d’autres. Mais une régulation est nécessaire. Au final, ce sera une politique plus juste pour tout le monde. Car le système actuel est largement perfectible.
Pour l’instant, le montant des amendes est fixé au niveau national à 17 euros, ce qui n’est guère dissuasif à Paris, mais très cher dans des agglomérations de moindre taille. Et seulement 35 % des redevances d’horodateurs sont spontanément acquittées…
L’enjeu n’est pas d’instaurer une nouvelle ponction fiscale mais de créer un outil de gestion dynamique de l’espace public, pour améliorer la rotation des véhicules et encourager le report modal.
A Toulouse, quelles pistes de mise en œuvre étudiez-vous ?
J. C. Nous envisageons de créer une société publique locale (SPL) pour gérer le stationnement de surface mais aussi celui en ouvrages – parkings souterrains, aériens, parkings relais –, car nous avons d’ores et déjà un grand nombre de places en ouvrages dont la gestion est concédée.
Nous songeons aussi à des conventions avec les bailleurs sociaux pour rendre les places de parkings des immeubles HLM plus accessibles. Bref, nous réfléchissons à une gestion unifiée et cohérente de « l'auto-immobile » en ville.