Jean-Paul Delevoye, président du Cese, dénonce le démantèlement du campement rom de La Courneuve

Martine Kis

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Jean-Paul Delevoye, président du Cese, dénonce le démantèlement du campement rom de La Courneuve

Jean-Paul Delevoye, président du CESE

© Flickr-CC-EtalabOpen&Data

Le président du Conseil social, économique et environnemental (Cese), Jean-Paul Delevoye, ancien président de l’Association des maires de France, a fustigé vendredi 28 août, un « choc des égoïsmes » après le démantèlement d'un campement rom à La Courneuve (Seine-Saint-Denis), appelant à ne pas laisser les communes gérer seules les flux migratoires.

"A partir du moment où on évacue, on ne règle pas le problème, on déplace le problème", a dénoncé M. Delevoye sur Europe 1. "On est en train de rompre, en réalité, toute une série de liens sociaux qui se sont tissés grâce aux associations, à celles et ceux qui accompagnaient par une méthode de sédentarisation". Il s'exprimait à l'occasion de l'évacuation, par les forces de l'ordre, du Samaritain, l'un des plus anciens bidonvilles roms de France, qui abritait quelque 300 personnes.

"Nous sommes dans un état d'indignation quand on regarde La Courneuve, on réagit à l'actualité, mais en fin de compte, on a accepté pendant huit ans de voir des hommes et des femmes être logés dans des conditions que nous n'aurions plus accepté", a poursuivi l'ancien médiateur de la République.

"Le choc des égoïsmes"

"Ce à quoi nous assistons, c'est quoi ? C'est le choc des égoïsmes. (...) Les peuples sont en train de se crisper sur le rejet de l'autre", s'est alarmé celui qui fut président de l'Association des maires de France (AMF) de 1992 à 2002.

En outre, concernant les réfugiés qui affluent sur les côtes européennes, "c'est au niveau continental que l'Europe doit développer des centres d'accueil de grande qualité, de grande humanité. Ça ne peut se faire qu'à ce niveau-là.

Pluie de critiques

L'intervention de l'évêque, la présence d'enfants scolarisés et la mobilisation citoyenne n'y ont rien changé : le Samaritain, l'un des plus anciens bidonvilles roms de France, a été évacué le 27 août, une décision qui a suscité une pluie de critiques.

Le démantèlement du campement - le 46e depuis janvier - qui abritait quelque 300 personnes a débuté peu après 13 heures à La Courneuve, une commune populaire au nord de Paris.

Poussant des caddies, tirant des cabas, chargés de sacs, les habitants, dont certains d'entre eux vivaient là depuis sept ans, sortaient un à un du camp, coincé entre l'autoroute A86 et les voies du RER B, et dont un cordon de CRS fermait l'accès.

Après s'être massés sur le trottoir, serrés sous des parapluies ou sous l'auvent d'une buvette, ils avaient tous quitté les lieux vers 15h30, les plus "chanceux" pour des hôtels, a constaté une journaliste de l'AFP. La voie était libre pour les pelleteuses, suivies des camions-benne.

Jeudi soir, quatorze familles avaient accepté les hébergements à l'hôtel proposés par la préfecture de la Seine-Saint-Denis, a annoncé cette dernière.

"Ils ont dit à ma famille d'aller dans un hébergement à Poissy (dans les Yvelines, ndlr), mais moi je vais au lycée à La Courneuve et la rentrée, c'est mardi", disait cependant Gyongyi Cogocaru, 17 ans. "En plus, le logement c'est pour une semaine et après, on fait quoi?", interrogeait la jeune fille, au bord des larmes.

Un village « modèle »

A l'instar de Gyongyi, beaucoup semblaient surpris que la décision d'expulsion ait finalement été exécutée au vu de la forte mobilisation qu'avait suscitée le sort du Samaritain, érigé en village "modèle" par les associations tant la volonté de ses habitants de s'en sortir semblait forte.

En outre, en raison de sa longévité, il faisait figure de miraculé. Les campements et bidonvilles roms, très nombreux en Seine-Saint-Denis, sont généralement expulsés au bout de quelques semaines ou de quelques mois.

La communauté de 80 familles roumaines, soudée autour de son pasteur, avait même reçu le soutien de l'évêque du diocèse de Saint-Denis, Mgr Pascal Delannoy.

Une pétition à l'initiative de Jozef Farkas, un jeune du Samaritain, avait réuni 38 800 signatures sur le site change.org.

Appel à la solidarité nationale

Sous le feu des critiques, le maire PCF de La Courneuve, qui a signé l'arrêté d'expulsion, a expliqué dans un communiqué qu'il n'avait pas le choix. "Aucune réponse n'est apportée à notre ville et à ses habitants qui depuis des années sont confrontés à une situation tout à fait exceptionnelle", a fait valoir Gilles Poux.

"La solidarité nationale dans une République égale et fraternelle doit s'exercer", a ajouté l'édile, appelant à une meilleure répartition de l'effort de solidarité sur l'ensemble de l'Ile-de-France et du territoire.

Le groupe des élus socialistes, écologistes et citoyens de La Courneuve lui a apporté un soutien sans faille jeudi soir : "Alors que le nombre de demandeurs de logements ne cesse d'augmenter et que les difficultés sociales demeurent très fortes dans notre ville, il est inacceptable de demander à La Courneuve de régler seule la question de l'insertion des populations de ce bidonville".

"Pérenniser" ce bidonville revient à "demander encore une fois aux plus défavorisés d'être responsables de plus pauvres qu'eux encore", ont-ils ajouté.

Décision "incohérente"

Au contraire, Médecins du monde (MDM) et la Fondation Abbé Pierre, qui avaient proposé un projet de résorption progressive du bidonville, ont fustigé une décision "incohérente", ne faisant que "déplacer le problème sans chercher de solutions de fond".

L'Unicef France, relayant les inquiétudes exprimées par le Défenseur des droits le 18 août, a appelé les "autorités, locales comme nationales, à assurer l'accompagnement social, sanitaire et scolaire des enfants et des familles concernés par ce nouveau démantèlement, conformément à la circulaire du 26 août 2012".

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