Jean-Marie Darmian : « Il faut plafonner la participation des collectivités aux équipements destinés au sport professionnel »

Marion Esquerré
Jean-Marie Darmian : « Il faut plafonner la participation des collectivités aux équipements destinés au sport professionnel »

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© CVTC

Le Sénat a ouvert une mission d'information sur les relations entre les collectivités territoriales et le sport professionnel. Jean-Marie Darmian, maire de Créon (Gironde), a été auditionné le 13 novembre dans l'après-midi pour exposer la position de l'Association des maires de France.

La mission commune d'information sénatoriale portant sur les relations entre les collectivités et le sport professionnel a entamé ses audition le 31 octobre 2013.  Son travail doit permettre « de mieux comprendre les relations financières entre les clubs professionnels et les collectivités territoriales (subventions, taxes, redevances des stades, normes) ainsi que l’évolution du modèle économique du sport professionnel et ses conséquences pour les acteurs publics ».

Parmi les nombreuses associations d'élus auditionnées, l'AMF était représentée, le 13 novembre dans l'après-midi, par Jean-Marie Darmian, maire de Créon (Gironde). Il estime qu'il faut bien différencier le sport professionnel, qui vit de son activité, du sport qui dépend des subventions publiques. Selon lui, il n'appartient plus aux collectivités de financer les club issus de la première catégorie.

Courrierdesmaires.fr. Vous avez été auditionné par la mission d'information du Sénat. Quelle position avez-vous défendue ?

Jean-Marie Darmian. Mon intervention consistait à demander la clarification des relations entre les collectivités territoriales et le monde du sport professionnel, en suivant deux axes.

Premièrement, il est nécessaire de bien définir ce qu'est le sport professionnel. On a toujours tendance à assimiler le sport professionnel à deux ou trois disciplines alors qu'il recouvre de nombreuses activités.

Deuxièmement, on réduit un peu trop souvent les relations économiques entre collectivités et sport professionnel aux seules subventions. Or, ces liens  sont multiples et comprennent la communication, le prêt des espaces d'activités, l'entretien des équipements, l'achat de places, etc.

Pour l'instant, rien n'est codifié dans ce domaine-là, d'où l'importance de clarifier tout cela par une loi sur le sport, beaucoup plus précise que celle de 1984.

Comment distinguer sport professionnel et non professionnel ?

J-M. D. Selon moi, une structure de sport professionnel est une entreprise qui vit de l'activité de ses sportifs. Pour être clair, certains clubs, même s'ils ont le statut professionnel au regard des ligues, ne vivront jamais de l'activité de leurs sportifs. Si l'on prend l'exemple du sport féminin, il compte très peu de clubs professionnels, pourtant ils participent à des compétitions professionnelles.

Une structure professionnelle devrait au moins acquérir par son activité de quoi couvrir ses dépenses salariales”

Le critère devrait être celui des ressources. Une structure professionnelle devrait au moins acquérir par son activité de quoi couvrir ses dépenses salariales, par exemple. Ce n'est pas le cas pour de nombreux clubs qui, sans les subventions des collectivités seraient condamnés, d'autant plus qu'ils n'ont pas les revenus de la télévision.

Cette dichotomie entre les clubs de sport devrait-elle guider les subventions des collectivités ?

J-M. D. Oui. Les véritables structures professionnelles n'ont pas besoin des subventions des collectivités. Elles sont réputées vivre de leur activité. Ce n'est pas aux collectivités de les financer.

Pourtant, aujourd'hui, les clubs professionnels reçoivent des subventions publiques…

J-M. D. Non, ils reçoivent des subventions indirectes : pour leurs centres de formation, par l'achat de places, par des contrats publicitaires, par l'entretien des terrains, par des exonérations de taxe sur les spectacles... En fait, ils ne reçoivent pas beaucoup de subventions en volume. On peut parler d'un total d'un milliard d'aides directes et indirectes provenant des collectivités.

Au sujet des équipements sportifs pour lesquels clubs professionnels et ligues ont de plus en plus d'exigences, coûteuses pour les collectivités, quelles sont vos préconisations ?

J-M. D. L'investissement dans les équipements est un gros sujet. Si le sport professionnel souhaite des investissements, il doit en être le maitre d'ouvrage. Il appartient aux clubs et non à la collectivité d'être maîtres d'ouvrages, sauf si l'équipement n'est pas exclusivement réservé au sport professionnel.

La mission sénatoriale ne veut pas interférer avec les élections municipales, elle ne déposera ses conclusions qu'à la rentrée prochaine, en septembre ou octobre”

Par ailleurs, il faut plafonner la participation – sous toutes ses formes – des collectivités aux équipements sportifs destinés à l'exercice d'un sport professionnel. Les sénateurs proposent 50 %. L'AMF prône aussi le plafonnement mais sans position précise sur son niveau.

Qu'attendez-vous de la mission d'information ? Qu'elle nourrisse une proposition de loi ?

J-M. D. Le problème, c'est le contexte actuel. Le ministre des Sports est en train de préparer une loi de refondation du sport. Mais j'ai appris hier que la mission ne voulait pas interférer avec les élections municipales et qu'elle ne déposerait ses conclusions qu'à la rentrée prochaine, en septembre ou octobre.

Ses membres ont réalisé qu'il serait difficile de faire des enquêtes dans les communes sans risquer de mettre en évidence des dysfonctionnements... Tout le monde est échaudé par l'affaire du Mans et du stade Aréna.

Etes-vous pour ou contre la taxation à 75 % des revenus des sportifs professionnels ?

J-M. D. Je suis pour. Je considère que ces contrats ont été signés sur des bases parfois déconnectées de la réalité sociale actuelle. En tant qu'ancien journaliste sportif, je sais bien que les joueurs et les clubs signent des contrats « impôts payés ». Quel salarié peut s'offrir ce luxe ? Je n'en connais pas... Sans compter tous les arrangements qui font que, souvent, les joueurs perçoivent des sommes payées à l'étranger, avec des contrats d'image ou autres.

Je ne crois pas par ailleurs au fait que ce soit vraiment une surprise pour les dirigeants des clubs. Ils savent fort bien que dans la plupart des contrats, les joueurs ne payent pas leurs impôts. Et aucun d'entre eux ne pouvait avoir la certitude qu'une loi de financement n'interviendrait pas pour changer les règles.

Dans le contexte actuel, je ne crois pas que le fait qu'une loi de finances prévoit des changements d'imposition soit une attaque spécifique faite aux footballeurs. Tout le monde est touché par les réformes fiscales.

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