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© E. Pain
Député (PS) du Finistère, Jean-Jacques Urvoas (photo) livre dans son essai « Pour l’Assemblée de Bretagne » un manifeste très engagé pour la création d’une collectivité unique sur le territoire armoricain. Gouvernance, rattachement du département de Loire-Atlantique, voies juridique et politique pour y parvenir : le député de Quimper n’élude aucun sujet. Le tout pour mieux contrer les adversaires d’une vieille revendication locale que le gouvernement a - pour le moment ? - choisi d’ignorer…
Alors que s’ouvre à l’Assemblée nationale la discussion du projet de loi délimitant les régions, un texte qui prévoit le statu quo pour la région bretonne, une voix pourrait s’élever au Palais Bourbon pour changer du tout au tout la gouvernance de ce territoire : celle du député du Finistère, Jean-Jacques Urvoas, président de l’influente commission des lois, soucieux de pousser plus avant son projet politique : une Assemblée de Bretagne, collectivité unique qui présiderait alors aux destinées de sa région d’élection.
La cohérence de la Bretagne est clairement régionale et tout autre découpage consacrerait un modèle marqué au sceau d’une désincarnation territoriale qui s’avérerait proprement incompatible avec une saine conception de la démocratie locale. »
Jean-Jacques Urvoas
D’emblée, dans son « manifeste pour une mutation institutionnelle », le parlementaire annonce son leitmotiv : « La cohérence de la Bretagne est clairement régionale » et tout autre découpage consacrerait selon lui « un modèle marqué au sceau d’une désincarnation territoriale qui s’avérerait proprement incompatible avec une saine conception de la démocratie locale ». Selon l’élu de Quimper, une telle collectivité unique sur le territoire constitue la seule à voie à même de répondre aux « 4 défis à relever : la globalisation, la révolution technocratique, le durcissement de la contrainte environnementale et le vieillissement de sa population ».
Haro sur les « mauvais procès » et « grossiers fantasmes »
Pour mieux parer les critiques des « jacobins » qui auraient beau jeu de glisser que la Bretagne n’est pas le seul territoire de France à faire face à ses problématiques, celui-ci énumère les besoins spécifiques du territoire breton : la nécessité d’éviter une « compétition effrénée entre l’Ouest et l’Est breton » et, surtout, un « mouvement en cours de métropolisation en Bretagne » qui « nécessite d’être équilibré, ou tempéré par un nouveau type de pouvoir régional, résolument conforté dans ses mission ».
Ainsi, une Assemblée de Bretagne serait la plus à même d’« assurer une cohérence territoriale entre les espaces ruraux, les petites villes et moyennes, par le truchement de programmes d’action ambitieux en matière d’aménagement, de tourisme, de transports, d’éducation et d’emploi ».
L'Assemblée de Bretagne serait une fusion des collectivités [...], au contraire du projet de conseiller territorial [qui constituait] une fusion des élus."
Mais davantage qu’un catalogue énumérant les raisons pour lesquelles de nombreux Bretons veulent leur collectivité unique, « dont la dimension serait adaptée aux compétences qu’il lui reviendrait de traiter », Jean-Jacques Urvoas s’attache à déminer le terrain, en prenant soin de répondre pied à pied aux « mauvais procès » et « grossiers fantasmes » de ceux qui ne voient pas l’intérêt — ou voient même un danger — à l’instauration de cet objet administratif et politique encore mal identifié.
[L’heure est au] « combat à mener, fruit d’une impatience contre une organisation foncièrement sclérosée, intrinsèquement conservatrice et, in fine, profondément injuste ».
L’assemblée de Bretagne matérialiserait une résurgence de feu le conseiller territorial voulu dans son temps par Nicolas Sarkozy. Elle serait « une fusion des collectivités », au contraire du projet de conseiller territorial qui aurait constitué une « fusion des élus », rétorque-t-il. Un mauvais timing, alors que le projet de loi actuel ne prévoit que des fusions de régions entre elles ? L’heure est, selon lui, au « combat à mener, fruit d’une impatience contre une organisation foncièrement sclérosée, intrinsèquement conservatrice et, in fine, profondément injuste ». La Bretagne n’aurait pas la taille critique pour être collectivité unique ? Celle-ci possède un « territoire plus étendu que celui de la Belgique ».
Faire, si nécessaire, le deuil… de la Loire-Atlantique
Et lorsque le projet du député n’épouse pas tout à fait les annonces du gouvernement qu’il soutient, notamment la suppression des départements prévue pour 2020, Jean-Jacques Urvoas ne se démonte pas. « Je ne sais donc pas si la France doit demain se passer de cette structure, mais je suis convaincu que la Bretagne peut s’en dispenser. Le conseil général est pris en tenaille, par le haut avec la région et, par le bas, avec l’intercommunalité. Il n’existe aucune compétence actuellement exercée par lui qui ne puisse l’être au moins aussi bien soit à l’échelle de la collectivité unique, soit à celle des agglomérations ou des pays », assène l’ancien conseiller régional de Bretagne.
Il vaut mieux une Bretagne tronquée que plus de Bretagne du tout. »
S’agissant de département, il en est d’ailleurs un que le député préférerait dans un premier temps « sacrifier » pour mieux sauver l’idée d’Assemblée de Bretagne : la Loire-Atlantique, territoire pourtant breton à part entière aux yeux de ceux qui réclament une « réunification » historique. Connaissant les difficultés à mener les deux batailles de front — collectivité bretonne unique et rattachement à celle-ci du territoire de Loire-Atlantique — et la probabilité de deux échecs concomitants, le député juge qu’« il vaut mieux une Bretagne tronquée que plus de Bretagne du tout ».
Une manière également d’éviter, selon lui, « le scénario catastrophe » qu’il dénonce avec un autre élu breton, Jean-Yves le Drian : ce « funeste Grand ouest » liant Bretagne et Pays de la Loire. Un « contre-projet » pourtant soutenu aujourd’hui par le conseiller de l’Elysée et ancien maire de Quimper, Bernard Poignant, et tout récemment par 17 parlementaires, dont l’ancien Premier ministre et ancien maire de Nantes, Jean-Marc Ayrault.
Jean-Jacques Urvoas suggère toutefois de modifier le Code général des collectivités territoriales (CGCT) pour faciliter le processus d’adhésion de la Loire-Atlantique à la Bretagne, en ne rendant que consultatif l’avis du conseil régional d’origine - les-Pays-de-la-Loire -, alors que le CGCT impose un avis conforme à ce jour.
« Défricher une voie singulière »
Car s’il est un aspect où le manifeste du président de la commission des lois est le plus abouti, c’est aucun doute le « mode d’emploi » juridique préconisé pour parvenir à l’instauration d’une Assemblée de Bretagne. Réécriture de l’article L4124.1 du CGCT, afin de faciliter la création de la collectivité unique par l’approbation d’une majorité régionale (et non dans chacune des collectivités concernées), type de scrutin, nombre d’élus de la future collectivité… : tout est prévu dans les moindres détails par le maitre en conférences en droit public à l’université de Bretagne occidentale.
Ainsi, « l’assemblée régionale de Bretagne ne résultera pas de l’absorption par l’actuel conseil régional des conseils généraux existants. Il s’agit d’une nouvelle collectivité qui verra le jour par la fusion des différents conseils ». Une fois le principe validé, la Corse est prise en exemple pour sa gouvernance, fondée sur « une « féconde distinction opérée entre pouvoir délibératif et pouvoir exécutif », « propice tant à « un approfondissement de la démocratie territoriale qu’à l’exercice d’une action publique rationalisée ». Au final, « une assemblée délibérante, appelée assemblée de Bretagne, élira un conseil exécutif responsable devant elle », projette-t-il. Un « conseil de territoire » dans chacun des 21 (ou 26 avec Loire-Atlantique) pays de Bretagne serait enfin chargé d’émettre des avis consultatifs.
La question « capitale » contournée
« Osons en finir avec l’organisation prétendument homogène de la France, que les nombreux leviers institutionnels dévolus ces dernières années aux collectivités ultramarines ont, de toute manière, d’ores et déjà singulièrement altérée », s’emporte le député qui décortique d’ailleurs ces multiples exemples de collectivités uniques d’outre-mer, réalisées ou en projet. Sans omettre d’évoquer l’échec au dernier moment, en métropole, du projet alsacien.
Osons en finir avec l’organisation prétendument homogène de la France, que les nombreux leviers institutionnels dévolus ces dernières années aux collectivités ultramarines ont, de toute manière, d’ores et déjà singulièrement altérée. »
C’est donc un livre somme que réalise le député où toutes les questions, les doutes, les obstacles juridiques ou les défis politiques semblent trouver une réponse. Tous ou presque, car quelle capitale faudra-t-il choisir entre Rennes, Nantes et Brest ? « Dans un souci d’équilibre territorial, les sessions [de l’assemblée de Bretagne] pourraient se dérouler dans des métropoles différentes », avance très prudemment l’auteur. Avant d’ajouter que le siège du pouvoir exécutif « pourra être établi dans une agglomération de Bretagne occidentale, la nature des activités n’interdisant pas nécessairement qu’il s’agisse d’une ville petite ou moyenne ».
Bien entendu, toute ressemblance avec le profil de la ville de Quimper ne saurait être que fortuite…
Derrien - 09/07/2014 19h:20
Cet homme est un fédéraliste avant d'être un Breton. Rendez-nous nos Bretons de la Révolution française, qui ont abattu l'Ancien Régime et fondé la République !
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