La création d'établissements publics de coopération intercommunale (EPCI) aux périmètres modifiés suscite des défis d'organisation interne.
1. Le devenir des personnels
- "Derrière les intercommunalités, il y a des équipes en place : où va-t-on les envoyer ?
- Leur périmètre de compétences sera-t-il élargi ?
- Leur métier sera-t-il remis en cause si on recule sur les compétences de l'intercommunalité ? " s'interroge le député du Lot Jean Launay.
L'Assemblée des communautés de France (AdCF) est consciente de la diversité des enjeux :
"Il va falloir aussi intégrer des agents municipaux, des cultures différentes vont se croiser. La question de l'harmonisation des régimes indemnitaires se posera. Et dans un contexte financier plus tendu, il sera difficile d'harmoniser par le haut", souligne Floriane Boulay, chargée de mission aux affaires juridiques.
Anticiper
Déjà, les communautés sont à l'œuvre pour anticiper au mieux ces mouvements:
"Notre service juridique interroge les agents des communes intégrées:
- soit on a besoin de quelqu'un et on leur demande s'ils souhaitent "monter" dans la communauté ;
- soit on leur trouve un autre intérêt personnel que leur poste actuel", témoigne Dominique Braye, président de la communauté d'agglomération de Mantes-en-Yvelines.
Certains élus regrettent que les conséquences sur les ressources humaines ne soient pas suffisamment prises en compte dans les CDCI.
"Dans mon département, deux communes avaient créé un syndicat pour partager une secrétaire de mairie. Le préfet veut supprimer le syndicat mais ne dit pas qui va licencier", déplore Vanik Berberian, maire de Gargilesse-Dampierre (36) et président de l'Association des maires ruraux de France (AMRF).
C'est le plafonnement du nombre de conseillers communautaires et de vice-présidents qui pourrait provoquer "des difficultés relationnelles", selon l'Association des maires de France.
L'association a donc réclamé de reporter le "couperet de 15 vice-présidents" au prochain renouvellement intercommunal, en 2014. Cette revendication qui a porté ses fruits : la loi Pélissard du 29 février 2012 assouplissant les modalités de la recomposition des périmètres, prévoit ce report.
Ailleurs, on s'inquiète de la future sous-représentation des élus ruraux dans des EPCI où les villes-centres "rafleraient" la quasi-totalité des sièges...
2. Le devenir du patrimoine
La répartition du patrimoine pourrait s'effectuer au travers de "conventions entre les communes et avec celles quittant leur intercommunalité.
On devrait assister aussi à un phénomène d'harmonisation pour avoir une gestion unifiée à l'échelle de l'agglomération", prévoit-on à l'AdCF.
Principal défi, "les services publics au mode de gestion différent".
3. Les ressources financières
Les simulations fiscales basées sur les nouveaux périmètres envisagés se font rares.
Or, de nombreux schémas "marient" des intercommunalités qui n'ont pas le même système fiscal. Et les élus locaux s'inquiètent d'une baisse mécanique des dotations aux communes: avec un gel de l'enveloppe globale des dotations aux collectivités jusqu'en 2014 et une part qui va augmenter pour l'intercommunalité du fait de la création d'une vingtaine de communautés d'agglomération, ce sont les communes qui risquent de subir le contrecoup financier. L'Association des maires de France réclame déjà un abondement de la dotation globale de fonctionnement.
PROJECTEUR
Olivier DUSSOPT, député-maire (PS) d'Annonay (07), vice-président de l'APVF : "Un manque de lisibilité sur les compétences"
C'est peu dire que le projet de réforme présenté par le préfet ne fait pas l'unanimité en Ardèche: seules huit intercommunalités sur les 36 du département y seraient favorables. "Le calendrier est le principal reproche des élus: la plupart sont d'accord pour évoluer, voire sont favorables au projet, mais uniquement pour 2014", décrypte Olivier Dussopt, député-maire d'Annonay, commune la plus peuplée du département.
Seconde critique, fréquente: "La structure est privilégiée sur le projet: on se met ensemble mais on ne sait pas pourquoi faire!" Derrière ces deux réserves des élus locaux, c'est surtout le manque de lisibilité qui se fait jour, à l'image des simulations financières réceptionnées..., après que les élus communaux eurent rendu leurs avis.
Le gel des dotations accentue l'inquiétude dans les petites communes, très nombreuses en Ardèche: "Plus on donnera aux communautés de communes, moins il y en aura pour les communes", souligne le parlementaire.
De fait, la prévisible montée en compétences de plusieurs communautés avec leur fusion ou leur agrandissement ne garantit pas, selon le député, des économies d'échelle, au vu de la disparité des missions assurées par chacun des EPCI. Le devenir des compétences reste la clé de voûte de la réussite de la réforme: "Que faire lorsqu'une commune avec un projet tourné vers le scolaire et la petite enfance doit intégrer une communauté assurant cette compétence ? La commune ne voudra pas lâcher", prévient le maire.
Mutualisation : le blanc-seing de l'Union européenne
L'épée de Damoclès est levée. Elle pesait sur les EPCI et les communes engagées dans un processus de mutualisation de leurs services. Mais la procédure d'infraction engagée en 2007 par la Commission européenne à l'égard de la France sera abandonnée, le dossier devant être prochainement classé par Bruxelles. Un épilogue attendu de longue date par les communautés et rendu possible par les nouvelles dispositions de la loi de réforme territoriale . Cette dernière prévoit l'élaboration systématique de schémas de mutualisation des services en début de mandat entre communes et EPCI, de quoi répondre aux exigences des règles du marché intérieur de l'Union en matière de respect du droit de la concurrence et de la commande publique.
Aurélien Hélias