Influenza, bis repetita : l’aviculture et ses territoires encore malades

Aurélien Hélias

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Influenza, bis repetita : l’aviculture et ses territoires encore malades

Agriculteurs éleveurs de canards

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Après la découverte d’un premier cas d’influenza aviaire dans un élevage de canards de Benesse-Maremne début décembre 2020, les Landes et les départements voisins ont été fortement touchés par une nouvelle épizootie. Et même si le ministère de l'Agriculture a annoncé le 25 avril passer le niveau de risque d'élevé à modéré dans tout l'Hexagone, la récurrence des épizooties met à mal des secteurs et des territoires entiers.

Plus de trois millions de canards abattus ((A date du 12 février 2021, chiffres du ministère de l’Agriculture.)) et une filière exsangue : après avoir essuyé deux épizooties d’influenza aviaire en 2016-2017 et mis en place des moyens de lutte contre la maladie, les éleveurs pensaient le cauchemar derrière eux. C’était sans compter la virulence de la souche H5N8 en circulation cet hiver. Après la découverte d’un premier foyer le 6 décembre 2020 dans un élevage de canards de Benesse-Maremne, le virus s’est vite étendu à d’autres exploitations, obligeant les autorités à prendre des mesures radicales de dépeuplement. « Nous avons à faire à un virus hautement virulent et pathogène », explique Nicolas Eterradossi, directeur du laboratoire Ploufragan-Plouzané-Niort de l’Anses.

Dérogation coupable ? Or, il n’existe actuellement aucun traitement spécifique utilisable chez les volailles. La lutte passe principalement par « le renforcement des mesures de biosécurité pour éviter la contamination à partir de l’avifaune sauvage ainsi que la surveillance des élevages pour détecter le plus tôt possible les animaux infectés et les euthanasier ».

Dès le mois d’août, l’Anses avait alerté sur la probabilité très élevée d’introduction d’influenza aviaire en France par les voies migratoires. Début novembre, le ministère de l’Agriculture relevait le niveau de risque de « modéré » à « élevé » dans 45 départements appartenant aux deux principaux couloirs de migration, obligeant les éleveurs à claustrer leurs volailles. « Il existe cependant une dérogation pour les élevages de moins de 3 200 animaux », précise Eric Dumas, vice-président du Cifog. De l’avis des scientifiques pourtant, la mise à l’abri de tous les animaux est une nécessité en période à risque. « C’est même un devoir ! » martèle le Cifog tout en réaffirmant néanmoins sa détermination à défendre l’élevage en plein air, véritable identité de la filière foie gras...

Les acteurs

Le Cifog. Organisation interprofessionnelle, le Cifog rassemble les producteurs et les industriels du foie gras. Après avoir adopté des mesures suite à l’épizootie de 2017 (base de données, formation à la biosécurité, etc.) qui ont permis de réagir plus rapidement, l’heure est désormais à l’analyse des facteurs expliquant la propagation du virus. « Le Cifog travaille aujourd’hui en concertation avec tous les acteurs et a initié des groupes de travail sur le sujet avec les pouvoirs publics », confirme Marie-Pierre Pé, directrice.

La préfecture des Landes. Dès les premiers résultats d’analyse du laboratoire départemental des Landes, la préfecture a ordonné le 6 décembre 2020 l’euthanasie de l’ensemble des canards de l’exploitation de Benesse-Maremne. Conformément à la réglementation, une zone de contrôle temporaire a ensuite été mise en place autour de l’élevage avant de céder la place le 7 décembre à une zone de protection (3 km autour du foyer) et à une zone de surveillance (10 km).

Le Laboratoire national de référence influenza aviaire de l’Anses. Outre l’encadrement d’un réseau de laboratoires vétérinaires, le Laboratoire national de référence influenza aviaire (LNR) de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses), installé à Ploufragan (Côtes-d’Armor) est opérationnel en permanence pour effectuer rapidement toutes les analyses nécessaires au diagnostic. Il conduit également des travaux de recherche et contribue à la mise en commun des données concernant la circulation des souches de virus de l’influenza aviaire au niveau international.

La chambre d’agriculture. Dès le début de l’épizootie d’influenza aviaire, la chambre d’agriculture des Landes a informé et recensé les producteurs de volailles ainsi que leurs animaux. « Nous avons essayé d’accompagner du mieux possible les éleveurs, confie Marine Blin, conseillère palmipède. Actuellement, nous les tenons informés de la situation sanitaire et nous répondons à leurs questions sur les indemnisations. »

Ce que dit la loi

En application de l’article 1er de l’arrêté du 4 janvier 2017 dédié aux mesures complémentaires techniques et financières pour la maîtrise de l’épizootie d’influenza aviaire due au virus H5N8, l’arrêté du 11 janvier 2021 définit les zones géographiques dans lesquelles des abattages préventifs de volailles peuvent être ordonnés par le préfet : Gers, Landes, Pyrénées-Atlantiques, Hautes-Pyrénées et certaines communes du Lot-et-Garonne. Les articles 1 à 4 de l’arrêté de 2017 font référence aux mesures techniques et les articles 5 à 9 à la prise en charge financière, l’Etat payant les frais de transport, d’abattage et de destruction des animaux euthanasiés et les opérations exécutées par les vétérinaires.

Les leçons - « L’Etat a réagi trop tard »

Pascal Bernadet, maire de Sort-en-Chalosse (Landes) et éleveur de volailles
Agir plus rapidement « Lorsque nous avons appris qu’il y avait un cas d’influenza aviaire à Sort-en-Chalosse le 20 décembre, cela a été la stupéfaction dans le village. Aussitôt, j’ai rendu visite à l’éleveur pour lui apporter mon soutien. Rapidement, le virus s’est répandu dans les élevages. J’ai appris que mes 2 600 canards allaient être abattus par prévention. Puis mon exploitation de poulets a également été touchée. Nous sommes restés dix jours à attendre que nos 4 500 animaux soient abattus. Dix jours à ramasser chaque matin les cadavres et à les stocker avec les moyens du bord, dans de gros sacs étanches, en attendant que l’équarrissage arrive. Un véritable traumatisme pour mon épouse et moi...
Établir un plan d’action. La filière a tiré des enseignements des deux premières épizooties : investissements dans des bâtiments pour claustrer les animaux, établissement d’une base de données des élevages, protocoles sanitaires, etc. Nous nous sommes remis en question. La biosécurité, tout le monde a travaillé dessus, alors c’est désolant quand on voit que l’État, une nouvelle fois, n’a pas réagi assez vite ! Au plus fort de la crise, les services vétérinaires étaient débordés et nous nous sommes sentis abandonnés. C’est pourquoi il est indispensable, de mettre en place un véritable plan d’action. Il est temps, aussi, de faire confiance aux éleveurs. Si on nous avait donné de quoi réaliser nous-mêmes les analyses, nous aurions gagné du temps et évité que des personnes circulent entre les différentes exploitations au risque - malgré toutes les précautions prises - de disséminer le virus.

Ne pas exclure la vaccination. Je crois qu’aujourd’hui, il ne faut pas exclure la piste de la vaccination. Nous devons y réfléchir, peser le pour et le contre, et trouver un consensus au sein de la filière afin d’éviter que les épizooties de cette importance ne se renouvellent. Je rappelle que nous vaccinons déjà nos animaux contre la pasteurella (choléra des gallinacés). Peut-être qu’on pourrait imaginer une vaccination très ciblée lors des périodes à risque... »

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