Hugo Bevord, Directeur des stratégies territoriales au CGET, présente le rapport sur la cohésion des territoires le 21 novembre 2018 au Congrès des maires
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Déserts médicaux, culturels, numériques... face à l’urgence, des communes se mobilisent. Pour autant, le tableau des inégalités territoriales dressé par le commissariat général à l’égalité des territoires (CGET) dépeint une France coupée en deux sur l'emploi, la démographie, le dynamisme global. Car la crise de 2008 a joué le rôle d’accélérateur des fractures. Décryptage.
Un médecin roumain recruté par la maire de Vorey (43), un complexe cinéma qui sort de terre dans le centre de Cahors (46), voulu là encore par le maire : les exemples de territoires qui s’engagent étaient légion lors de cet atelier du 21 novembre au Congrès des maires consacré aux « inégalités d’accès aux services essentiels de proximité : quelles actions ? quels leviers ? » Mais malgré ces actions locales, c’est bien un mouvement de fond de « décrochage » d’une partie de la France que le CGET a dépeint et chiffré. Avec une accélération depuis la crise de 2008.
Le ruissellement fantôme
« La France est en train de vivre une recomposition à long terme » explique Hugo Brévort, directeur des stratégies territoriales au CGET. Le Commissariat a en effet réalisé une étude très poussée sur la question de la cohésion des territoires, parue en juillet. « Qui sait aujourd’hui, poursuit-il, que seules deux régions françaises – Ile-de-France et Auvergne-Rhône-Alpes- se hissent au-dessus de la moyenne européenne en termes de richesses ? Toutes les autres régions restent quant à elles ‘coincées’ en –dessous de la moyenne européenne… Ce n’est pas le cas de certains de nos voisins, comme l’Allemagne, ou encore l’Italie. »
Un déclassement qui s’accompagne d’une sorte de « déménagement à bas bruit de la population française » détaille Hugo Bevort, « vers le Sud, les littoraux et l’Ouest ». Par ailleurs, les chiffres récoltés par le CGET démontrent une « dissociation des territoires », c’est-à-dire un décrochage entre les métropoles – plus riches, plus dynamiques – et les territoires ruraux, plus pauvres. « Mais cette simple lecture ne serait pas forcément complète, ajuste Hugo Bevort, qui note une forte de concentration de richesses et de pauvreté au sein même des métropoles. 70% des populations pauvres vivent dans les métropoles ».
L’étude tord par ailleurs le cou à cette idée « de ruissellement métropolitain » en termes d’emplois. Si certaines métropoles se montrent en effet rayonnantes (Lyon, Rennes, Nantes), on peut constater que d’autres sont au contraire « auto-centrées » (Toulouse, Montpellier, Lille) voire en « régression » comme Rouen ou Nice.
L’armature chancelante des villes moyennes
L’autre constat chiffré et cartographié par le CGET est celui d’une armature chancelante des villes moyennes. « Ce sont elles qui tiennent la France, elles regroupent un quart des emplois, des lycées, des étudiants, elles assurent le maillage et la cohésion des territoires, mais elles sont, pour certaines très fragilisées, avec des effets cumulatifs : vieillissement, perte d’emplois, dévitalisation commerciale…surtout dans le grand quart nord-est » détaille Hugo Bevort.
Résultats : de fortes inégalités territoriales en termes d’accès aux services de soins mais aussi d’accès aux services essentiels de proximité. Avec une aggravation de ces fractures avec la crise de 2008, qui a, selon le CGET, agit « comme un accélérateur ».
Des constats déjà bien établis par nombre d’élus locaux qui ne cessent d’alerter l’État sur ce « décrochage » de leurs territoires et sur le sentiment de « délaissement » ressenti par les populations, dont le mouvement des gilets-jaunes est en partie le reflet.
« Les maires pallient beaucoup l’absence de l’État, et on se débrouille pas si mal, mais jusqu’à quand ? Car les maisons de santé, il faut des financements pour les monter… et c’est de plus en plus compliqué » conclut Florence Portelli maire de Taverny (95).