« Il serait extravagant de revenir sur le non-cumul des mandats »

Denis Solignac

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Bauville - 16/01/2016 19h:42

Pour faire soi-disant des économies on a créé de nouvelles régions...En fait cela va nous coûter encore plus cher, il va y avoir encore plus de fonctionnaires, tous les employés quelle que soit leur fonction sont augmentés (je ne parle même pas des cumuls de mandats)...Les grands perdants là dedans sont ceux qui payent les impôts et les impôts locaux.

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Rémy PETIOT - 18/01/2016 13h:23

Monsieur LEBEGUE a évidemment raison mais ses propos sont parfaitement lissés pour ne pas dire trop mous. Quand va-t-on enfin reconnaître que la personnalisation et le pouvoir donné par la législation à une seule personne dans toutes les collectivités territoriales est une ineptie, il n'y a pas de démocratie locale. Quant aux actions de la cour des comptes, elles ont trop peu de pouvoir d'injonction et répètent inlassablement, et très poliment, les anomalies de gestion. Par ailleurs, aucune avancée en matière d'infractions relatives au droit des sols n’est envisagée alors qu'il serait très facile d'être efficace en ce domaine, mais je pense que les élus n'en ont pas envie du tout.

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« Il serait extravagant de revenir sur le non-cumul des mandats »

Daniel Lebègue, président de Transparency International France

© Wikimedia-CC-GL

Daniel Lebègue, président de Transparency International France, s’inquiète des velléités de certains politiques de revenir sur le non-cumul des mandats alors que la France s’est engagée sur le chemin d’une amélioration de la « redevabilité » du monde politique vis-à-vis des citoyens. Il estime que les lois récentes et à venir, sur la transparence et la lutte contre la corruption, ont fait faire de grands progrès à la France dans ces domaines.

Courrierdesmaires.fr. Transparency International France, que vous présidez, a publié un communiqué s’inquiétant d’un éventuel retour sur l’interdiction du cumul des mandats. Pourquoi cette inquiétude ?

Nous avons été alertés par des déclarations publiques de Nicolas Sarkozy et par des échos de presse indiquant que certains, au Sénat, préparaient une proposition de loi qui abolirait la loi de 2013 sur le non-cumul.

C’est de la folie. Le premier acte d’un nouveau gouvernement serait de revenir sur le non cumul ? Ce serait extravagant. Cela discréditerait encore plus la classe politique. Nous dirons non, avec tous les moyens d’une ONG, y compris une pétition auprès des Français.

Où en est la France concernant la transparence de la vie publique ?

Il y a eu des progrès. En 2010, nous avons réalisé un benchmarking des règles de pratiques de transparence et d’intégrité de la vie publique en Europe, à la demande de la Commission européenne.

Cette étude a permis de situer la France parmi les 28 Etats membres. Il en ressortait quelques points forts. Par exemple, en matière de contrôle des comptes publics, l’action de la Cour des comptes et des chambres régionales des comptes est de bonne qualité.

Par contre, nous étions en retard sur la transparence, sur les déclarations portant sur la situation des élus locaux, parlementaires, ministres, magistrats, sur leurs intérêts, les revenus de toutes les composantes de leurs activités, sur leur patrimoine et son évolution. La France avait la plus mauvaise note, avec la Slovénie.

L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dit bien que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Ce retard est-il toujours d’actualité ?

Non. Suite aux engagements de François Hollande et à l’affaire Cahuzac, avec la loi de 2013, il y a eu des progrès considérables dans les textes et la mise en œuvre, via la Haute autorité pour la transparence de la vie publique. Son président, Jean-Louis Nadal, fait un très bon travail.

Je rappelle que la « redevabilité », « accountability » en anglais, qui est le fait de rendre compte aux électeurs, a une valeur constitutionnelle. L’article 15 de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen dit bien que « la société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration ».

Dans quels domaines ont eu lieu ces avancées ?

Il y a eu des avancées significatives pour tout ce qui tourne autour de la délinquance financière et économique de la part des acteurs privés et publics et sur les moyens de la rechercher et de la sanctionner.

En 2013, plusieurs lois ont renforcé les moyens d’action de la justice et de la police et durci les sanctions contre la corruption, le trafic d’influence, le favoritisme, le détournement des fonds publics. Cela concerne, les marchés, les permis de construire, le droit de l’environnement, les nominations de fonctionnaires, d’assistants…

Dans ce domaine également, la France était très en retard. D’ailleurs, moins dans la législation que dans l’application qui en est faite. La France est souvent mal classée par l’OCDE, le Conseil de l’Europe ou Transparency. Mais elle évolue dans le bon sens.

Quand un ministre qui vient d’être nommé se rend la semaine suivante dans la région où il était parlementaire et dit « je ne vous oublierais pas », cela ne va pas.

Reste la question du cumul des mandats…

La pratique du cumul des mandats nous singularise au plan mondial. Aucun pays ne connait un cumul aussi systématique. Nous considérons, comme les organisations internationales et comme la majorité des Français, que cette situation est anormale. Elle génère des conflits d’intérêts.

L’intérêt régional ou communal ne se confond pas toujours avec l’intérêt national. Ainsi, quand un ministre qui vient d’être nommé se rend la semaine suivante dans la région où il était parlementaire et dit « je ne vous oublierais pas », cela ne va pas. La Constitution dit qu’il se déterminera au mieux pour la Nation.

Le cumul est aussi source d’absentéisme des parlementaires. Il appelle aussi des critiques en termes de rémunération, avec une voiture de fonction pour la région, des frais de mandat pour la commune, des sièges, parfois rémunérés, dans les établissements publics et les SEM. Cela est cependant moins systématique qu’auparavant.

Avez-vous des données concernant le cumul ?

Transparency International France a réalisé un travail jamais fait auparavant, sur son site Integrity Watch France((Le site d'Integrity Watch France.)), à partir des déclarations d’intérêts des parlementaires.

Il en ressort qu’un tiers des députés et sénateurs n’ont aucune autre activité. Restent deux tiers qui cumulent, dont 70% cumulent un mandat national et un exécutif local.

Un peu moins de la moitié des parlementaires n’est donc pas en règle avec la loi qui va s’appliquer début 2017. 74 parlementaires ont au moins 5 activités connexes, 24 en ont plus de 10 et 4 en ont plus de 20 ! Comment peut-on être député ou sénateur et avoir 10 ou 20 mandats, postes d’administrateur dans des sociétés privées, être membre d’un cabinet d’avocat… ?

Cela choque profondément l’opinion publique et les électeurs élisent de moins en moins de cumulards. Ainsi, trois nouveaux présidents de région ont immédiatement annoncé renoncer à leur mandat de parlementaire. Trois autres abandonneront dans un an.

Reste le cas du ministre Jean-Yves Le Drian. Je suis le premier à dire que dans la situation actuelle, la France ne doit pas se priver d’un grand ministre de la Défense. Il a annoncé qu’il serait ministre à 100%. Ce qui veut dire qu’il n’est président de région que sur papier.

S’il a une sorte de président délégué, les Français comprendront, mais ce n’est pas durable. Que se passera-t-il s’il y a une urgence en région Bretagne pendant que le France frappe quelque part ? Ce n’est pas possible.

Nous proposons un ensemble de règles (…) autour des mots clés de redevabilité sur les contacts avec les groupes d’intérêt, d'égalité d’accès aux décideurs publics, de transparence via un registre des groupes d’intérêt.

La transparence devrait encore progresser grâce à un projet de loi, qui vise, en particulier à encadrer le lobbying ?

Oui. Un projet de loi sur la transparence et la probité des acteurs économiques et financiers destiné à compléter la loi de 2013 a été annoncé au Conseil des ministres du 22 juillet 2015, suite à l’annonce du président de la République, le 20 janvier 2015.

Premier sujet, elle vise à encadrer le lobbying, à établir des règles de bonne conduite entre les groupes d’intérêt et les décideurs publics. En France, ce mot n’apparaît dans aucun texte, il n’a même pas de définition. Nous proposons un ensemble de règles dont la majorité relèverait de la déontologie de l’action publique, autour des mots clés de redevabilité sur les contacts avec les groupes d’intérêt, d'égalité d’accès aux décideurs publics, de transparence via un registre des groupes d’intérêt.

Il est normal d’avoir des contacts, mais il faut les connaître. Par exemple, il faudrait savoir d’où vient tel amendement. Cette démarche devrait être adoptée aussi dans les collectivités locales. Paris, Toulouse, Grenoble ont entrepris des actions intéressantes.

Le deuxième thème du projet de loi est la prévention et la lutte contre la corruption. L’idée du projet est de créer une agence anticorruption à la disposition des entreprises, des administrations, des citoyens, pour conseiller dans la mise en place d’une politique de prévention de la corruption, de signalement des délits, souvent grâce aux lanceurs d’alerte.

Et le troisième thème porte justement sur la protection des lanceurs l’alerte. Cette thématique se développe partout dans le monde, l’OCDE, le G20 s’en saisissent. Comment protéger un lanceur d’alerte qui agit de bonne foi dans le sens de l’intérêt général, pour signaler un crime ou un délit ?

Le projet de loi devrait être prochainement transmis au Conseil d’Etat. Si ces trois points sont traités et si le texte est adopté durant l’année, nous aurons fait beaucoup de chemin sur ces questions durant le quinquennat.

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