Gilles Pargneaux : « Nous devons réfléchir à de nouveaux moyens d'associer les jeunes aux politiques »

Marion Esquerré

L'Association nationale des conseils d'enfants et de jeunes (Anacej) organise le 26 juin 2013 à Nancy son assemblée générale ainsi que ses 8èmes rencontres des élus en charge de la jeunesse. A moins d'un an des prochaines échéances électorales locales, cette journée fera le bilan des politiques municipales consacrées à la jeunesse. Président de l'Anacej, Gilles Pargneaux revient sur le rôle de l'association et sur la place des jeunes dans la Cité.

 Le Courrier : Pouvez-vous nous présenter l'Anacej ?

[caption id="attachment_17448" align="alignleft" width="296"] Gilles Pargneaux (PS) est député européen, vice-président de Lille Métropole, ancien maire de Hellemmes (59). Il préside l'Anacej.[/caption]

Gilles Pargneaux : C’est une association originale à plusieurs titres. D'abord, elle regroupe les collectivités, toutes sensibilités politiques confondues, qui ont créé des conseils de jeunes et d'enfants et qui recherchent un lieu de réflexion commun sur les politiques jeunesse. Ensuite, elle accueille en son sein des fédérations d'éducation populaire et de jeunesse, comme la Ligue de l'enseignement, les Francas, la Fédération nationale Léo Lagrange. L'Anacej est donc aussi un lieu de confrontation et de dialogue entre des collectivités et ces structures associatives qui, elles-mêmes, mettent en place des actions à l'attention de la jeunesse.

Quel est son objectif  ?

G.P. : Je dirais : réconcilier la jeunesse avec l'ensemble de la population mais aussi avec les décideurs politiques. Je crois que, dans un cas comme dans l'autre, le fossé s’est encore creusé ces dernières années, souvent par manque d'ambition de la part de nos gouvernants.

Cette situation se dégrade d'autant plus vite que les jeunes de moins de 25 ans sont les premiers à souffrir de la crise. Or, la crise crée de l'exclusion. C'est la raison pour laquelle nous soutenons tous les dispositifs propres à limiter les dégâts : hier les contrats de services civiques, aujourd'hui les emplois d'avenir et contrats de génération et, demain, nous l'espérons, des dispositifs comme la « Garantie jeunes » (ndlr : forme de contrat d'insertion d'un an renouvelable qui donnera accès à des ressources équivalant le RSA).

Cependant, nous avons pour objet de réfléchir à des politiques jeunesse qui dépassent ces politiques nationales. Comment faire une meilleure place à la jeunesse dans la société française à l'échelle de nos territoires ?

D'une part, il faut continuer à améliorer l'accès aux activités sportives, culturelles et artistiques car des jeunes en sont toujours exclus. D'autre part, pour que le jeune soit un citoyen à part entière, qu'il se sente bien dans sa société locale, il faut lui donner la parole, faire en sorte qu'il soit pleinement partie prenante de structures de médiation telles que les associations, les organisations politiques mais aussi les instances participatives que nous promouvons.

L'insertion des jeunes dans la société locale est loin d'être satisfaisante”

Personnellement, quel bilan tirez-vous des politiques municipales jeunesse ?

G.P. : De plus en plus de collectivités ont des conseils d'enfants et de jeunes. De ce point de vue, nous avons bien avancé dans l'objectif que l'association s'est fixé à sa création, en 1991. A savoir, la diffusion des pratiques de participation des jeunes. Mais ce n'est pas suffisant. Nous avions pensé ces dispositifs participatifs comme un moyen d'améliorer la place des jeunes dans la société. Or, l'insertion des jeunes dans la société locale est encore loin d'être satisfaisante.

Donc il va nous falloir trouver d'autres options. L'assemblée générale du 26 juin va être l'occasion de réfléchir à de nouveaux moyens d'associer les jeunes aux politiques qui les concernent. Non plus seulement dans le cadre de structures permanentes telles que les conseils mais aussi sur des temps plus courts, consacrés à des thèmes précis.

Un cadre plus souple est aussi un cadre qui donne l'initiative aux jeunes dans les domaines des loisirs, de leurs activités sportives, culturelles et artistiques. Quand, pour la première fois à Hellemmes, il y a dix ans, à l'initiative du conseil d'enfants, j'ai mis à la disposition de jeunes non organisés deux salles de sports inoccupées le week-end, j'ai tout entendu à ce sujet, notamment qu'ils détruiraient tout. Or, cela continue aujourd'hui et fonctionne bien.

Nous en sommes donc toujours à apprendre à faire confiance aux jeunes ?

G.P. : Oui, et c'est pour cela que nous sommes là. Nous sommes une boîte à outils, une structure d'aide à la décision des maires qui parfois se sentent  seuls lorsqu'ils souhaitent innover en faveur de l'autonomie des jeunes.

Dans le même temps, nous essayons à la fois de valoriser les actions menées par les jeunes et, avec notre campagne « Stop aux clichés », de changer l'image négative que les médias véhiculent souvent à leur sujet.

Nous allons lancer une campagne auprès des élus locaux pour les encourager à associer les jeunes de moins de 25 ans à leurs équipes”

Les conseils sont un outil de participation et d'apprentissage de la citoyenneté. Une réelle insertion ne consisterait-elle pas à leur donner des responsabilités dans les partis et sur les listes électorales ?

G.P. : L'an dernier, avant les élections présidentielle et législatives, l'Anacej avait mené une campagne de sensibilisation en faveur du vote. Je pense que cette année, en vue des élections municipales, nous allons plutôt lancer une campagne auprès des élus locaux pour les encourager à associer les jeunes de moins de 25 ans à leurs équipes. Ça leur fera du bien !

Mais attention, ce n'est pas simple. Pour prendre un exemple très proche, j'ai dans ma famille une jeune fille qui a été benjamine d'un conseil municipal en 2008, dans le département du Pas-de-Calais. Compte tenu de ses études, elle n'a pas pu pleinement assurer son engagement. Il faut donc faire attention à ce que le fait d'avoir un jeune sur sa liste ne devienne pas un gadget. Rien de sert de tenir de beaux discours pour finalement avoir dans son équipe un élu qui a d'autres priorités.

D'où, encore une fois, la nécessité de trouver de nouvelles modalités d'association des jeunes plus adaptées à leurs réalités quotidiennes et à leur fonctionnement.

Le 21 février 2013, un comité interministériel de la jeunesse a été organisé. Le plan Priorité Jeunesse qui en est sorti vous semblent-il aller dans le bon sens ?

G.P. : Que ce soit l'Anacej ou les fédérations d'éducation populaire, nous sommes globalement d'accord pour dire que ces mesures sont positives. En tous les cas, elles offrent un contraste important par rapport aux  dix dernières années de politique jeunesse. Cependant, pour aller au-delà des bonnes intentions, il faut désormais les mettre en œuvre. Nous serons là pour assurer les piqûres de rappel.

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