Gilets jaunes
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Après trois semaines de manifestations et blocages, et un week-end marqué par des violences à Paris mais aussi dans certaines villes de province, le Premier ministre est sorti de son silence pour tenter de calmer les tensions. Il a annoncé - entre autres - un moratoire de 6 mois sur la hausse du carburant, ainsi que le lancement d’une vaste consultation « dans les territoires, au plus près des Français ». Pas suffisant expliquent les élus qui appellent désormais à « une co-construction » de la sortie de crise.
Suspension des taxes sur le carburant, suspension de la réforme du contrôle technique et stagnation des tarifs de l’électricité et du gaz… Après plusieurs semaines d’une crise sociale inédite, Édouard Philippe a pris la parole, mardi 4 décembre, pour tenter de faire redescendre la pression dans le pays.
Des mesures immédiates assorties d’une promesse, celle de mieux écouter les Français en organisant, dans les mois à venir une vaste consultation « sur tous les territoires, dans leur diversité ». « Cette concertation ne doit ressembler à aucune autre […] nous travaillons pour trouver une organisation appropriée […] en mobilisant les institutions, les organisations syndicales et patronales, les ONG, les collectivités locales, les maires, les parlementaires… » a ainsi déclaré le Premier ministre.
#MairiesOuvertes
Une « territorialisation » de la sortie de crise qui est apparue – dans la bouche des membres du gouvernement et de la majorité - dès le lendemain des saccages, avant son officialisation par Édouard Philippe. Le tout avec une attention particulière portée aux ruraltiés: " il nous faudra débattre du juste niveau du service public dans les territoires, et notamment les territoires ruraux. Car ce que nous avons entendu, c’est aussi une demande de plus de service public", ajoutait l'ex-maire du Havre.
Mais le temps presse, et face à la nouvelle mobilisation d’ores et déjà prévue ce week-end par les gilets jaunes, deux associations d’élus, l’Association des maires ruraux de France (AMRF) et l’Association des Petites Villes de France (APVF) ont décidé de prendre les devants et d’ouvrir leurs mairies ce samedi 8 décembre avec ce hashtag #MairiesOuvertes : « Les maires sont des interlocuteurs de confiance de nos concitoyens. Lors de cette journée, le rôle du maire et du conseil municipal sera d’écouter, d’enregistrer et de faire remonter l’information, sans prendre parti, sans juger, sans contredire… Charge ensuite à l’État de récolter, d’écouter et de synthétiser les remontées » peut-on lire dans le communiqué commun des deux associations.
Un Grenelle avec les territoires
Pour autant, selon Jean-François Debat, maire socialiste de Bourg-en-Bresse et président délégué de Villes de France, la méthode de consultation retenue par le gouvernement « ne marchera pas. C’est bâti sur le principe du cahier de doléances. On envoie tout ça au ‘château’ et on attend la fumée blanche ? L’exécutif de son côté va retenir tel ou tel point, ce qui mécontentera encore plus les citoyens » prédit ainsi l’élu.
Et c’est bien pour « faire autrement » que l’association Villes de France, et sa présidente Caroline Cayeux, maire Divers Droite de Beauvais, ont plaidé en faveur « d’un Grenelle du pouvoir d’achat et de la transition écologique ». Dans une tribune publiée sur le site de l’Opinion, elle interpelle ainsi l’exécutif : « Je préside l’association Villes de France qui réunit ces villes ‘moyennes’, éloignées des grandes agglomérations ; ces villes qui sont en réalité la France des Gilets jaunes […] M. le Président, les maires peuvent (vraiment) vous aider avec les Gilets jaunes ! ». « Après cette phase de consultation et d’expression - nécessaire, décrypte Jean-François Debat, il faut qu’il y ait un temps politique avec les représentants des citoyens, les ONG, les organisations professionnelles, les élus locaux pour que nous trouvions ensemble des solutions co-partagées. Il faut que le gouvernement travaille avec nous, car la délégitimation des corps intermédiaires - menée depuis le début du quinquennat - trouve ici ses limites ».
Mobilités, habitat, fracture numérique…
« Nous pouvons être forces de proposition sur les politiques publiques que nous construisons au quotidien dans nos villes » poursuit Jean-François Debat, « comme les mobilités, la rénovation de l’habitat, la fracture numérique ». Un constat partagé par Sébastien Miossec, maire PS de Riec-sur-Bélon, président de Quimperlé Communauté et élu de l’Assemblée des Communautés de France (AdCF). « Au cours de cette crise, on parle beaucoup de transport, mais construire les mobilités de demain et trouver des chaînons manquants entre le transport individuel et le transport collectif, ce ne peut pas être inventé de Paris. Il faut pousser le co-voiturage, les transports à la demande, cela fait déjà des mois que nous avions pointé ces sujets… » plaide celui qui se définit volontiers « comme un fervent décentralisateur ».
D’ailleurs, pour l'élu breton, ce « centralisme » à la française est certainement un des ressorts de la crise sociale que nous traversons. « Cette décentralisation non aboutie est une des causes du manque de confiance de nos concitoyens envers les élus. Ils ne comprennent pas comment les décisions se prennent et se disent : ‘que font-ils avec nos impôts ?’ » détaille-t-il. Même si le maire de Riec-sur-Belon reconnaît que ce travail de re-tricotage de la confiance sera long et que cette solution n’est sans doute pas tout de suite audible par les « gens désemparés qui bloquent les rond-points ».
Ecoute et coups de pouce locaux
Sur le terrain, les maires multiplient les démarches mêlant écoute et pédagogie. « J’observe, je fais remonter au président, au Premier ministre, ce que je vois. Nevers n’est pas la plus affectée, même si les Gilets jaunes sont présents, relate le maire LREM de Nevers, Denis Thuriot. Ils voulaient être présents au dernier conseil municipal, je les y ai invités et j’ai évoqué leur mouvement, leurs actions et leurs revendications. Mais sans leur donner la parole durant le conseil sinon les séances sont interminables", raconte celui préside également l'agglo de Nevers. Et face aux revendications très concrètes, le maire n'est-il pas démuni ? "Je leur explique qu’on fait déjà des choses pour eux, pour aider les plus fragiles : notre CCAS, par exemple, peut ainsi distribuer des bons d’achat d’essence", ajoute Denis Thuriot.
Sans aller jusqu'à parler de décentralisation inaboutie, l'élu LREM appelle lui aussi à davantage de libertés d'organisation sur le terrain et aux conséquences de chaque norme, règle nationale selon les territoires. "Il est clair qu’on ne peut considérer de la même manière des gens qui font 80 km par jour pour rejoindre leur travail et des franciliens qui utilisent leur voiture quatre fois par an… Il faut faire attention à l’impact de chaque mesure, surtout quand celle-ci touche des ménages modestes, au parc automobile ancien. Il y a clairement un besoin de différenciation territoriale », assène l'élu de la Nièvre.
Face à cette crise inédite dans sa forme, ces élus de terrain demeurent certains que la solution se construira au local avec tous les acteurs des territoires. « Nous sommes une partie de la solution, mais il faut maintenant que le gouvernement nous fasse une place » estime Jean-François Debat. D'aucuns jugent d'ailleurs qu'Emmanuel Macron a raté l'occasion d'aller dans ce sens en annulant la veille la réunion de travail qui était prévue mardi entre l'Elysée, Matignon, le trio ministériel dédiée aux collectivités locales et les associations d'élus locaux. D'autant que le rendez-vous serait repoussé à... 2019, en janvier.
cel - 06/12/2018 08h:27
Bonjour, Pour ma part à la base je pense que les maires ne devraient pas présenter d'étiquette politique. Un maire doit être proche de ses citoyens mais ce qu'il se passe, c'est une aide, un favoritisme à certains et d'autres non. Tout cela sans justifications précises. Certains quartiers sur une même commune sont "oubliés" et cela créé un sentiment d'injustice entre les habitants. J'évoquerai aussi les privilèges que s’octroient nos élus ou employers de mairie en faisant des travaux et des aménagements près de chez eux. Là où j'habite, l'intermarché n'a pas de concurrence, car lorsqu'un magasin discount a demandé à s'installer sur la commune (au grand bonheur de tous) le patron a demandé un agrandissement de sa surface (selon le cadre légal) ce qui a fait barrage à tout autre installation d'un commerce. Puis ce dernier vend des fruits et légumes avariés avec une arrogance sur les prix et la qualité qui en dit long (surtout pour un ancien agriculteur). Le centre de tri postal près de chez nous a été fermé, nous devons sans cesse parcourir des distances + longues pour un service de base, mais nos IMPOTS ne baissent pas. A ce propos je paye la même TH que l'an dernier je ne sais pas qui a eu droit à une réduction ? Les budgets alloués aux communes sont dépensés parfois, souvent n'importe comment et on ne peut JAMAIS s'y opposer sans la radicalité d'un mouvement de colère et de blocage Est ce normal ? ON N'Y CROIT PLUS
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