Gérard Larcher, héraut proclamé des collectivités (non métropolitaines)

Aurélien Hélias
Gérard Larcher, héraut proclamé des collectivités (non métropolitaines)

Le président du Sénat Gérard Larcher s'adresse aux maires le 22 novembre 2017

© Fabien Calcavechia

Réception de plusieurs milliers de maires au Sénat, discours enflammé le lendemain pour la défense de la libre administration des collectivités et de l’échelon communal, le président du Sénat se veut être le leader de la France non métropolitaine. Et se targue d’avoir l’oreille du chef de l’Etat qui veut gommer son image de président des métropoles et obtenir la bienveillance sénatoriale sur les prochaines réformes constitutionnelles.

Cela a toujours été une des lignes de conduite du président du Sénat mais celle-ci s’est largement renforcée depuis l’élection d’Emmanuel Macron à la tête de l’Etat : Gérard Larcher se veut plus que jamais le héraut des collectivités locales, et plus encore le héros des collectivités non métropolitaines. Mardi 21, le Palais du Luxembourg recevait près de 7000 maires en même temps que s’ouvrait leur congrès Porte de Versailles. Un « mini-congrès » sur lequel Gérard Larcher n’a pas manqué de largement communiquer avant de prendre la parole dès le lendemain matin au Congrès, le « vrai ».

Celui qui a « sévi pendant 31 comme maire de Rambouillet » comme il aime se présenter a repris plusieurs de ses antiennes, et notamment la nécessaire « recherche d’un nouvelle équilibre entre métropole et ce qui est hors métropole », villes moyennes, bourgs-centres, communes rurales et périphériques. « La France n’est pas faite que de métropoles et de grands centres urbains dynamiques. Je ne me satisfais pas d’une France qui se sent à côté, oubliée, délaissée ! » a lancé le président du Sénat s’attirant des applaudissements nourris.

1,9 % de limitation des dépenses locales plutôt que 1,2% ?

Autres leitmotivs du sénateur LR des Yvelines : la charge contre « les changements incessants de périmètre voire de compétence qu’aucun autre décideur public n’a eu à supporter », contre l’Etat qui « doit cesser de considérer les élus comme de simples curseurs » ou encore sa demande que ce même Etat « s’applique donc à lui-même la règle d’or qu’il a imposé aux collectivités locales ! On ne peut compter en degrés Celsius quand il s’agit de l’Etat et en degrés Fahrenheit quand il s’agit des collectivités ! » Applaudissements là-aussi garantis.

L’occasion pour Gérard Larcher de souligner que le Sénat, examinant le projet de loi de programmation des finances publiques 2018-2022, a fait passer l’objectif de limitation annuelle des dépenses de fonctionnement des collectivités de 1,2 à 1,9%. « Sinon, cela n’aurait pas été 13 milliards d’économies, mais 21 milliards d’euros ! », a-t-il dénoncé, même si la Commission mixte paritaire Assemblée-Sénat devrait revenir au taux initial…

La future taxe d’habitation, « inéquitable » voire anticonsitutionnelle

Depuis plusieurs semaines, le patron de la Haute chambre a l’oreille du chef de l’Etat – plusieurs entretiens bilatéraux -, d’autant qu’Emmanuel Macron a besoin du Sénat pour faire passer ses réformes constitutionnelles. Et Gérard Larcher le fait savoir, arguant qu’il plaide auprès du président de la République pour le « respect des principes de libre administration et d’autonomie financière », une « ligne rouge » pour la Haute chambre. Ainsi, « le Sénat sera très vigilant dans la mise en œuvre de cette contractualisation » qui, si elle s’avérait trop « équivoque, c’est l’esprit même de la décentralisation qui serait atteint ». Une façon de prévenir l’exécutif contre toute tentation d’une « recentralisation rampante », même si le Premier ministre s’en était défendu la veille.

Même appel à la prudence s’agissant de la réforme de la taxe d’habitation alors que « le Gouvernement envisage un mécanisme de limitation des hausses de taux décidées ultérieurement par les collectivités. Et le dégrèvement, c’est une manière pour l’Etat de reprendre la main, donc de limiter davantage l’autonomie financière des communes ! » Et l’ancien édile de Rambouillet de mettre en garde contre l’iniquité voire l’inconstitutionnalité d’une taxe d’habitation « qui ne sera plus payée que par une poignée de contribuables. Dans près de 8 000 communes, on comptera moins de dix contribuables, et dans plus de 3 000 communes, moins de cinq. Cet impôt serait-il moins inéquitable car il ne reposerait plus que sur 20% des habitants ? », feint-il de s’interroger.

Souplesse et « pragmatisme » réclamés

Reprenant à son compte les objectifs d’efficacité et de souplesse proclamés par le Gouvernement pour l’organisation territoriale, Gérard Larcher se permet même de « défier » l’exécutif sur son terrain : « Il ne sert à rien de promettre des modifications constitutionnelles pour révolutionner le droit à l’expérimentation et envisager des différentiations territoriales si l’on n’est pas capable, à une bien plus modeste échelle, d’apporter des assouplissements pragmatiques très concrets ! »

Un plaidoyer pour que l’exécutif comme la majorité à l’Assemblée soient plus ouverts aux propositions du Sénat d’assouplissement, sur la loi Notre, sur l’intercommunalité, ou encore sur les compétences eau et assainissement. « En proposant le maintien du caractère optionnel de ces compétences au sein des communautés de communes et d’agglomération, le Sénat avait ouvert en février la voie à l’Assemblée nationale, et de manière unanime. Vérité en février, erreur en octobre, vérité en novembre… » a quelque peu « charrié » le président du Sénat, après que le Premier ministre a accédé la veille au lobbying des associations d’élus pour revenir sur le caractère obligatoire du transfert de ces compétences aux intercos au 1er janvier.

Non à la limitation du cumul dans le temps

Enfin, sans surprise, le président du Sénat ne pouvait intervenir devant les milliers de maires réunis dans le grand auditorium sans évoquer la nécessaire « revitalisation communale ». Au-delà de sa volonté de réimpliquer les conseillers municipaux dans l’action du bloc commune-communauté, le président du Sénat a rappelé que la mission sénatoriale de contrôle et d’évaluation des réformes territoriales a annoncé la veille « son premier chantier: ce sera la revitalisation de l’échelon communal, au travers de trois thèmes : la place des communes dans l’intercommunalité, l’avenir des communes nouvelles et la recherche d’un meilleur équilibre entre les métropoles et le monde rural ».

Dans la même veine, Gérard Larcher, interrogé sur l’actualité du projet présidentiel de limiter le cumul dans le temps des élus, quitte à en absoudre les communes sous un certain seuil d’habitants a clairement tranché : « Pour moi, c’est non. », a-t-il repoussé l’idée en bloc. Les priorités du Sénat et de son président sont claires, et l’exécutif en est prévenu.

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