Inondation à Pornichet (Loire-Atlantique)
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Départements et régions se veulent rassurants sur leur rôle dans la mise en place de la Gemapi. Et ce alors que les communes craignent que certains ne quittent le navire, à un an du transfert de cette compétence, liant gestion des milieux aquatiques et prévention des inondations, au bloc local.
La Gemapi fait peur, pose questions, car cette « Gemapi » reste floue dans les responsabilités qu’elle implique et les frais qu’elle engendrera. A un an de la prise de compétence de la gestion des milieux aquatique et de prévention des inondations par les communes et EPCI, sa mise en place se fait à tâtons, dans un flou quelque peu chaotique.
Pour tenter d’éclaircir l’horizon et notamment se rassurer sur les solidarités territoriales et financières, les associations d’élus ont organisé la première rencontre de l’IPANCT (Initiative partenariale d’associations nationales de collectivités territoriales pour une gestion équilibrée, durable et intégrée de l’eau par bassin versant) mardi 13 décembre, à l’AMF, à Paris.
Inventer une gouvernance par bassin
« Sommes-nous capables d’écrire l’ensemble des outils de ce qui devrait être l’aménagement durable des territoires urbains et ruraux ? » questionne André Flajolet, président de la commission développement durable de l’AMF, qui se désespère de voir « aussi peu de territoires s’occuper de l’eau » ((Un arrêté ministériel publié le 2 février 2016 prescrit la réalisation d’un Socle « au plus tard le 31 décembre 2017 »))… Il faut dire que le contexte de restructuration des EPCI à fiscalité propre se prête peu à l’intégration de cette nouvelle compétence dont ils héritent (de 2581 EPCI- FP en 2012, on passe à 1242 en 2017). D’autant que les quatre items que la loi Maptam leur confère fait appel à une multitude d’acteurs et d’outils - gestion des eaux de surface, aménagement du bassin hydrographique, défense contre les inondations et protection des écosystèmes aquatiques.
Il faut inventer une nouvelle gouvernance par bassin, organiser le transfert des compétences, le tout dans un contexte budgétaire très contraint. « Aucun transfert financier n’est prévu de l’Etat, à part un impôt… » déplore Jean-Claude Weiss, vice président de l’Assemblée des Communautés de France. La taxe Gemapi pourra en effet être levée auprès des citoyens (la décision relève de chaque EPCI) mais ne pourra constituer qu’un complément budgétaire (elle est plafonnée à 40€/habitant/an).
Un soutien en ingénierie demandé
Pour la gouvernance, la solution est le syndicat mixte de bassin, cette échelle s’imposant géographiquement, pour la cohérence de gestion. S’il ne pourra plus intervenir directement sur la Gemapi, « le département restera un acteur primordial de la solidarité territoriale » rassure Louis Michel, de l’ADF. « Une ingénierie sera proposée aux petits syndicats d’eau et petites communautés de communes », poursuit le conseiller départemental de la Mayenne.
Engagés comme adhérents du syndicat de bassin, comme c’est le cas dans les EPTB de l’Aude (le SMMAR) et de la Somme (AMEVA), les aides des conseils départementaux vont progressivement se réduire, ces prochaines années, jusqu’à disparaître en 2020 (fin légale du transfert de compétences en eau potable et assainissement) compensées par les contributions des collectivités. Cependant, le coût par habitant qui en découle, reste modeste, selon les projections modélisées par AMEVA : de 0,22 € en moyenne, en 2016, à un peu plus d’un euro en 2020.
Périmètres intercommunal et hydrographique divergent
Quant à la méthode, Thierrry Burlot, vice-président Développement durable de Régions de France, et dont la Bretagne est en train de sortir d’années de contentieux avec l’Europe sur l’eau, « c’est la concertation et les contrats de partenariats par bassin versant, avec les professionnels, les élus, etc. » qui payent.
Le contexte est encore complexifié avec le périmètre des EPCI qui ne correspond pas avec le périmètre hydrographique. « Notre rôle de Région est de rassembler, de respecter la cohérence hydrographique » martèle-t-il, rappelant que la solidarité entre les EPCI du territoire se pose dans le SRADT (Schéma régional d’aménagement et de développement durable du territoire).
Un dialogue nécessaire, Etat compris
Inquiets de la perte de matière grise, au passage des fusions, réorganisations et transferts, ainsi que des défis nouveaux qu’apportent les conséquences du changement climatique (baisse de la ressource en eau et risque accru de submersion des côtes) les élus de l’AMF vont lancer un dialogue afin d’interpeller les candidats à la présidentielle en février. La piste d’une redevance au niveau des SAGE a même déjà été déposée sous forme de proposition d’amendement…
Si le temps est court, beaucoup reste à inventer. Notamment au niveau local, selon la spécificité de chaque territoire. « C’est seulement une fois le territoire et le patrimoine identifiés et la prise en main du projet par les élus, qu’on pourra ensuite parler d’ingénierie financière » recadre Laure Sembat de la Fédération nationale des collectivités concédantes et régies, (FNCCR).