Front (presque) uni pour lutter contre la désertification médicale dans les petites villes

Denis Solignac
Front (presque) uni pour lutter contre la désertification médicale dans les petites villes

Organisation de la santé, électrocardiogramme des territoires

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Les petites villes de France ont réuni élus et acteurs de la santé à Paris, le 6 octobre, pour une matinée d’étude sur les « déserts médicaux et accès aux soins dans les petites villes ». L’occasion de débattre de propositions, du contrat local de santé à la très controversée régulation de l’installation des médecins libéraux, en passant par les maisons de santé, qui laissent sceptiques nombre d’élus, mais aussi de l’avenir des nouveaux groupements hospitaliers de territoires.

L’accès aux soins dans les petites villes : un sujet récurrent pour l’APVF qui a déjà fait l’objet de la publication de quatre « livres blancs ». Plus récemment, en février, l’association dévoilait les résultats d’une étude menée auprès de ses adhérents sur l’offre de soin.

Cette matinée de travail fut donc l’occasion, à partir d’un diagnostic partagé, de débattre de solutions avec des représentants du monde médical et de l’Etat avant de revenir sur la création des groupements hospitaliers de territoire.

Premier thème de la matinée : « Médecine de ville et désertification médicale, quelles solutions ? ». Pour introduire la discussion, le tout nouveau Commissaire général à l’égalité des territoires (CGET), Michel Thornary, rappelle le contexte : un déséquilibre croissant de l’offre de soins sur le territoire, avec des disparités entre les zones rurales, péri-urbaines, les centres-villes, les zones prioritaires de la politique de la ville, etc. mais également entre les régions. Face à ce constat, « notre rôle est d’adapter les politiques publiques aux réalités locales », souligne Michel Thornary.

Politiques publiques territorialisées

A cet effet, le CGET estime disposer de nombreux « leviers d’actions » : des contrats d’engagement de service public (une allocation durant les études de médecine en échange d’une installation en zone sous dotée), à la formation de 500 médecins correspondants du Samu, en passant par les aides à la création de maisons de santé pluridisciplinaires ou encore l’adaptation régionale du numerus clausus.

Le commissaire compte également sur les schémas d’amélioration de l’accessibilité des services publics, en cours de finalisation, pour renforcer les actions en faveur de l’offre de soins. Schémas qui, affirme-t-il « pourront être utilement complétés par les contrats de ruralité ».

Pour la directrice de l’Agence de santé régionale des Pays de la Loire, Cécile Courèges, « l’installation des jeunes professionnels pose la question de l’attractivité des territoires. Ce qui nécessite une territorialisation des politiques qui se conçoit dans l’alliance de trois parties : les médecins libéraux en tant que porteurs de projets, les pouvoirs publics au sens large dont la responsabilité est de soutenir ces projets et les communes, voire les EPCI, pour œuvrer à l’attractivité des territoires ».

Selon elle, le contrat local de santé peut être un outil de cette co-construction et le conseil territorial de santé, le lieu du dialogue. Cependant, regrette-t-elle, alors qu’elle doit justement installer le sien, les associations nationales d’élus locaux, comme la loi le prévoit, n’ont toujours pas envoyé leurs désignations. A l’inverse, de nombreux élus de petites villes ont dénoncé le dirigisme de certaines ARS, peu disposées à la concertation.

Régulation des installations

A la demande de l’APVF de mettre en place une régulation minimale de l’installation des médecins libéraux, le représentant du Conseil national de l’ordre des médecins, Patrick Romestang, rappelle l’opposition de sa corporation.

Le CNOM croit plus en une simplification de l’organisation territoriale : dans le cadre d’une gouvernance partagée, un échelon unique, « le bassin de proximité de santé », réunirait tous les acteurs de la santé et médecins de premier et second recours, sous la responsabilité des élus locaux.

Le médecin évoque aussi le décloisonnement les pratiques médicales pour permettre aux professionnels de travailler en libéral et en milieu hospitalier, le tout en développant la télémédecine. Il prône également une réforme de la formation des médecins, une demande qui rejoint celle de l’APVF, l’objectif étant d’amener les étudiants, à travers leurs nombreux stages, à découvrir à la fois la médecine de ville et les territoires.

Après l’intervention du maire de Changé (Mayenne), Denis Mouchel, témoin de l’intérêt des maisons de santé pluridisciplinaires – celle de sa commune, forte d’une vingtaine de professionnels, s’est dotée d’un projet médical qui concerne également trois communes voisines –, c’est le maire de Sénonches, Xavier Nicolas, qui développe les propositions de l’APVF.

Co-pilote de l’étude menée par l’association, il insiste sur l’importance d’un partenariat renforcé avec les ARS pour mieux anticiper les évolutions de la démographie médicale. Il revient sur la formation des médecins et propose également le cumul retraite-activité des médecins pour assurer des périodes de transition.

Autre mesure qui, comme la régulation de l’installation, n’emportera pas l’assentiment de la profession : le décloisonnement des actes pour en déléguer certains – par exemple les vaccinations – à d’autres professionnels.

Peur pour les hôpitaux de proximité

Les Groupements hospitaliers de territoires, en cours d’élaboration, étaient au cœur de la seconde table ronde. Créés par la loi Santé de janvier 2016, les GHT visent à réunir les hôpitaux publics en réseau pour favoriser leur coordination médicale et la mutualisation de certaines activités (logistique, administration, politique des achats, etc.).

Les tenants de cette réforme s’en défendent, mais la création de ces nouvelles entités fait craindre aux élus locaux l’abandon progressif des petits établissements et/ou la fermeture de certains services.

Sur ce point, Anne-Marie Armenteras-de-Saxcé, directrice générale de l’offre de soins (DGOS) se veut rassurante : « Un GHT n’est pas porteur d’un mouvement de concentration vers l’hôpital le plus gros. Au contraire, si nous travaillons bien, les hôpitaux de proximité en profiteront. »

Cependant, comme en témoigne Raymond Vall, maire de Fleurance et président de l’Association nationale des pôles d’équilibre territoriaux et ruraux et des pays, les inquiétudes persistent. « Le GHT est une bonne initiative à condition que l’on n’alourdisse pas la décision et que les gros hôpitaux ne se retrouvent pas à contrôler et décider de tout, avec la tentation d’équilibrer leurs budgets grâce aux bons résultats des autres. »

Manque de concertation

Autre critique, comme l’ont dénoncé les élus en présence, les ARS chargées d’établir leur périmètre n’ont pas toutes joué le jeu de la concertation. Et alors que les projets médicaux partagés qui doivent formaliser ces nouvelles coordinations doivent être finalisés courant 2017, leurs périmètres, eux, sont arrêtés depuis l’été. Ce qui fait dire à Frédéric Valletoux, maire de Fontainebleau mais également président de la Fédération hospitalière de France, que « l’on a mis la charrue avant les bœufs ». Pour autant, sur le principe, cette nouvelle organisation reçoit plutôt l’assentiment des élus locaux.

« Il s’agit d’organiser le chainage de la prise en charge médicale des patients, de la proximité des soins jusqu’aux plateaux de recours (CHU et grands hôpitaux régionaux), résume Frédéric Valletoux. Si les projets partagés sont à la hauteur, les GHT conforteront le service public de santé. Ce sera porteur de stabilité pour l’offre médicale dans sa globalité. »

Même si ce n’est pas écrit dans la loi, il prédit que les GHT signeront à terme des conventions avec la médecine libérale et les établissements privés. Et de conclure : « Mais ne laissons pas faire les seuls administratifs ! Les élus doivent s’investir le plus possible dans la réflexion sur les projets médicaux. »

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