friche industrielle à Caen
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La commission d’enquête « pollution des sols » du Sénat a rendu, jeudi 10 septembre, ses conclusions. S’attaquant aux friches industrielles et minières, les parlementaires ont dénoncé une sorte de no man’s land juridique sur cette question, qui laisse habitants et élus désemparés. Plusieurs des mesures recommandées par le Sénat concernent directement les collectivités.
Pour les sénateurs, le constat est simple : « l’évaluation et la prise de conscience des risques sanitaires et écologiques posées par la pollution des sols demeurent d’autant plus délicates que l’identification des sites et sols pollués est encore aujourd’hui très incomplètes. » En effet, les parlementaires pointent dans leur rapport des données parcellaires et « éclatées » selon le type d’activité (industrie, mines, etc.) et l’autorité gestionnaire, qui rendent difficile l’obtention d’un tableau « consolidé » de la situation. Selon la base de données « Basias », la France compterait près de 320 000 anciens sites industriels et 3000 anciens sites miniers. Mais selon la base de données « Basol » seuls 7200 seraient pollués... Le caractère ancien de ces pollutions mais aussi souvent la disparition et/ou l’insolvabilité de l’exploitant du site ajoutent un peu plus au flou.
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Aussi, la première mesure demandée par la Chambre Haute concerne ce devoir d’inventaire que doit l’État aux habitants et aux élus, plongés dans « l’incompréhension » et le « désarroi » ; une enveloppe de 50 millions d’euros pourrait ainsi être consacrée prioritairement à l’évaluation des sols des établissements recevant des enfants situés dans d’anciens sites industriels ou miniers.
Les maires plus informés et mieux outillés
Sur le modèle de la protection de l’air ou de l’eau, le Sénat plaide ensuite en faveur de la création d’un véritable droit de la protection des sols, bien trop ignoré au sein de la réglementation environnementale ». « À la différence de l’air ou de l’eau, des biens naturels communs dont la protection a donné lieu à un arsenal juridique très sophistiqué, les sols sont restés le parent pauvre de la législation aux niveaux européen et national », juge le président de la commission d'enquête, Laurent Lafon (UDI, Val-de-Marne).
Les parlementaires insistent par ailleurs sur la nécessité de mieux « articuler » les efforts de l’État avec ceux des collectivités locales en première ligne. " Les collectivités locales doivent être plus intégrées dans le processus de décision et de gestion des territoires pollués en proposant le classement en secteur d’information des sols de certains sites et en se regroupant en association pour faire entendre leur voix », préconise la rapporteure, Gisèle Jourda (PS, Aude).
Dans cette logique, la Commission propose d’imposer au préfet et à l’Agence régionale de santé de « communiquer de manière systématique toute suspicion de pollution des sols susceptible de présenter un risque sanitaire ». De même, la Commission recommande l’introduction systématique dans le plan communal de Sauvegarde des communes comportant sur leurs territoires un site Basiol, « un volet spécifique consacré à l’alerte, l’information, la protection et le soutien de la population en cas de risque de pollution industrielle ou minière ».
Un fonds de soutien à la dépollution
Sur la question de la dépollution des sols, le Sénat propose la création d’un fonds de soutien national pour aider au traitement des sites « orphelins » (plus d’exploitant connu) mais aussi les propriétaires de friches industrielles polluées, notamment les collectivités, « qui ont hérité de sites pollués et qui n’ont pas la surface financière pour supporter les travaux ».
Afin de soutenir enfin ce marché de la « réhabilitation industrielle » et le rendre plus « attractif » pour certaines entreprises, les parlementaires recommandent de créer des « incitations fiscales » sous la forme d’exonérations temporaires ou déductions partielles sur certains impôts, dont les DMTO, la taxe d’aménagement ou la taxe foncière… Soucieux de ne pas mettre en péril les équilibres budgétaires des collectivités, le Sénat insiste sur la nécessité de créer une « compensation » par l’État du manque à gagner.