François-Noël Buffet : « Sur le conseiller territorial, nous avons eu le tort d’avoir raison trop tôt… »

Aurélien Hélias
François-Noël Buffet : « Sur le conseiller territorial, nous avons eu le tort d’avoir raison trop tôt… »

François-Noël Buffet, sénateur du Rhône

© P. Marais

Rapporteur de la commission spéciale du Sénat chargée de l'examen du projet de loi relatif à la délimitation des régions, François-Noël Buffet détaille pour Le Courrier des maires comment le Sénat et sa nouvelle majorité comptent peser sur la nouvelle carte des régions. Et amender le texte qui sera examiné en 2e lecture à partir du 28 octobre. Le sénateur-maire (UMP) d’Oullins (Rhône) évoque plus largement les calendriers électoral et législatif, le second texte de réforme territoriale à venir sur les compétences… Le tout en regrettant qu’on n’ait pas donné sa chance au conseiller territorial.

Courrierdesmaires.fr. Comment appréciez-vous l’équilibre global de la réforme territoriale ?

François-Noël Buffet. En 2010, nous avions essayé de donner une cohérence, de simplifier et de réaliser des économies au niveau local. Le conseiller territorial avait le mérite de rapprocher région et département et la spécialisation des compétences dans la loi RCT de 2010 de nous faire réaliser ces économies.

Le gouvernement actuel aurait eu intérêt à véritablement s’inspirer du rapport Raffarin-Krattinger : celui-ci préconisait bien de grandes régions, auxquelles nous ne sommes pas opposés dans la nouvelle majorité sénatoriale. Mais des régions qu’on aurait pu redécouper selon la logique des bassins de vie, et avec à côté des structures de proximité que sont les départements.

C’est la raison pour laquelle, au sein de la commission spéciale, nous renforçons l’article 1A pour rappeler le rôle de nos différents échelons de collectivité, tout en soulignant que l’intercommunalité ne s’inscrit que dans une logique de subsidiarité.

Il n’y a donc pas lieu selon vous de chercher à supprimer un niveau d’administration locale ?

F.-N. B. Ma conviction personnelle est que, si le gouvernement n’avait pas supprimé le conseiller territorial, celui-ci serait en place et fonctionnerait parfaitement.

Un seul élu sur un territoire lisible qui s’occuperait de son territoire tout en ayant accès à un niveau plus large, celui de la région, aurait permis de rapprocher d’ores et déjà région et département. Et je pense d’ailleurs qu’un jour, on y reviendra à ce conseiller territorial. Sur ce sujet, je crois que nous avons eu le tort d’avoir raison trop tôt…

De nombreux élus s’étaient étonnés de voir le Sénat préférer rejeter le texte de fusion des régions plutôt que de l’amender. L’attitude du Sénat sera-t-elle différente en seconde lecture ?

F.-N. B. Le texte avait alors été repoussé in fine car, malgré le travail en amont de la commission spéciale, il n’offrait aucune cohérence, du fait d’un découpage des régions fait sur un coin de table…. Aujourd’hui, le Sénat et sa nouvelle majorité ne peuvent pas ne pas essayer d’améliorer le texte. C’est leur responsabilité.

La réalité législative du système d’entonnoir((La « règle de l'entonnoir » veut qu’au fur et à mesure des lectures successives d’un texte de loi, le débat se restreint devant chaque chambre sur les points de désaccord, tandis que ceux des articles adoptés en termes identiques sont exclus de la « navette » parlementaire entre Assemblée nationale et Sénat.)) nous empêche de renverser la table ; alors il nous faut rendre ce texte le plus fonctionnel possible.

Nous revenons effectivement sur la fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, sur la demande des élus locaux qui ne veulent pas d’une grande région ne correspondant pas à la vie territoriale”

Votre travail sera-t-il principalement axé sur des ajustements de la nouvelle carte des régions ?

F.-N. B. Nous revenons effectivement sur la fusion entre Midi-Pyrénées et Languedoc-Roussillon, sur la demande des élus locaux qui ne veulent pas d’une grande région ne correspondant pas à la vie territoriale.

Nous revenons aussi sur le regroupement de l’Alsace avec les régions Champagne-Ardenne et Lorraine, afin de favoriser la logique d’une collectivité unique d’Alsace que réclament les élus alsaciens. Un projet qui avait malheureusement échoué faute de participation suffisante au référendum local il y a quelques années.

Est-ce un constat d’échec de voir trois grandes régions de l’ouest, Bretagne, Pays de la Loire et Centre, rester chacune dans leur coin ?

F.-N. B. Il n’y avait, pour elles, pas de solution partagée. On voit d’ailleurs avec cet exemple la limite de la réforme qui ne permet que de fusionner les régions et non de toucher aux limites administratives actuelles. Il aurait été beaucoup plus intéressant de véritablement redessiner la carte. Ce n’est pas le choix qui a été fait.

On ne pouvait autoriser un changement de région sur une majorité simple. 60% de votes favorables permettra de s’assurer que le projet est un minimum partagé”

Dans quel sens amendez-vous le droit d’option des départements à changer de région ?

F.-N. B. Nous souhaitons le permettre lorsque cela conforte l’initiative locale. Mais il faut tout de même imposer une majorité qualifiée des trois cinquièmes du département comme de la région concernée. Il faut donner de la stabilité au choix : changer de région n’est pas anodin.

On ne pouvait autoriser un changement de région sur une majorité simple. 60% de votes favorables permettra de s’assurer que le projet est un minimum partagé : on ne joue pas avec l’aménagement du territoire… Le droit d’option est ainsi sécurisé, ce qui n’empêche pas les départements qui voudront fusionner entre eux de le faire dans des délais plus rapides, la commission ayant choisi d’avancer cette possibilité de 2017 à 2016.

Et s’agissant des referendums locaux ?

F.-N. B. Nous avons décidé de supprimer la condition de référendum local dans le cadre de la fusion d’une région et des départements la composant. Ce qui n’empêche d’ailleurs nullement les élus qui le voudront d’organiser des référendums d’initiative locale ! Mais le syndrome alsacien, pour lequel un vote positif n’a pas été concrétisé faute de participation suffisante, nous a poussé à en finir avec l’obligation de consultation.

Comment jugez-vous le calendrier parlementaire retenu à ce jour pour les deux projets de loi de réforme territoriale ?

F.-N. B. C’est le pire calendrier possible, résultat d’un non-choix, celui du gouvernement. Il démontre une absence totale de vision de tout ce qui est nécessaire à la bonne marche des collectivités. Il aurait fallu étudier ces deux textes en une seule fois.

Dans quelle direction souhaitez-vous amender le second texte prévu pour mi-décembre ?

F.-N. B. S’agissant du second texte, nous devrons travailler dans le sens de la spécialisation des compétences, même si l’idée de confier tout le développement économique aux régions va produire beaucoup de débats, tant il est difficile de faire vivre un territoire qui n’a pas du tout la main sur son développement économique.

Je ne sais si nous arriverons à un consensus mais des co-rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, sont déjà nommés sur ce texte.

Si je mets à part le cas des métropoles… la réforme envisagée est effrayante : on va faire du département une fédération d’EPCI ?!”

Quelle est votre position s’agissant de l’avenir des départements et des trois scénarios prévus par Manuel Valls ?

F.-N. B. Si je mets à part le cas des métropoles, où le département peut s’effacer, comme à Lyon, qui a su gérer des compétences de proximité, la réforme envisagée est effrayante : on va faire du département une fédération d’EPCI ?! C’est dangereux ! Comme l'est aussi le continuel changement de pied, l’absence de fil conducteur du gouvernement sur les départements.

Les structures départementales sont d’autant plus nécessaires pour assurer la proximité que les régions seront plus grandes demain : il faut conserver un ancrage départemental clair.

Comment jugez-vous le calendrier des élections et son articulation avec celui de la mise en place des nouvelles régions ?

F.-N. B. A partir du moment où le projet de loi devrait être voté d’ici la fin de l’année, un délai d’un an d’ici à des élections régionales prévues en décembre 2015 me semble raisonnable, même si l’hiver n’est jamais une période facile pour organiser de élections.

Quant aux cantonales, il n’y a désormais plus d’intérêt à les décaler, ce qui risquerait en plus de se heurter à la censure du Conseil constitutionnel.

L’Assemblée est revenue sur le projet gouvernemental de limiter à 150 élus le nombre de conseillers dans chacune des nouvelles grandes régions. Quelle sera la position du Sénat ?

F.-N. B. L’Assemblée nationale avait retenu un nombre d’élus additionnant les élus des régions fusionnant : j’y suis personnellement hostile, considérant que dans une logique d’économies à réaliser, il faut en faire aussi un peu sur le nombre d’élus. Mais la commission spéciale n’a pas voulu revenir au plafond de 150.

J’ai donc été chargé de trouver d’ici à la séance publique une solution de compromis pour parvenir à un total d’élus inférieur à ce qu’il est aujourd’hui, tout en trouvant une solution pour le cas spécifique de l’Ile-de-France, voire de la région Rhône-Alpes.

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