François Deluga, président CNFPT
© P. Marais
Le président du Centre national de la fonction publique territoriale (CNFPT) déplore la baisse du taux de cotisation versée par les collectivités territoriales pour la formation de leurs agents. Selon François Deluga, la perte de recettes qui en résulte met en péril l’équilibre financier de cet établissement et son offre de formation. Entretien.
Le Courrierdesmaires.fr : L’Assemblée nationale a voté, sur proposition du gouvernement, la baisse du taux de cotisation versée par les collectivités territoriales au CNFPT au titre de la formation de leurs agents. Ce taux de 1 % sera abaissé à 0,9 % en 2016. Qu’est-ce que cela signifie pour le CNFPT ?
François Deluga : Nos recettes vont être amputées de 10 %, soit 35 millions d’euros. C’est considérable. Cette baisse est trois fois plus importante que l'effort demandé par l'Etat à ses propres établissements publics. Pour ces derniers, la baisse est de 5 % sur trois ans ; pour nous, de 10 % sur un an.
C’est le "deux poids, deux mesures" habituel de l’Etat, dès qu’il s’agit des collectivités locales."
Quelles sont les justifications apportées à cette baisse du taux de cotisation ?
François Deluga : La ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu, a présenté 3 arguments.
- Il s’agit de compenser la baisse des dotations pour les collectivités. Mais que représentent 35 millions d'euros, par rapport à 11 milliards d'euros ? Ma commune, Le Teich (33), "gagnera" ainsi 2 000 euros de cotisation au CNFPT, mais perdra 38 000 euros de DGF. C’est une économie faite sur le droit à la formation, qui sera payée par les collectivités, qui, si l’offre du CNFPT est réduite, iront sur le marché privé, plus cher. D’ailleurs, les associations d’élus ne sont pas demandeuses de cette baisse et sont solidaires du CNFPT.
- Le CNFPT aurait un excédent, qu’il devrait rendre aux collectivités. Or, celui-ci est de 3,6 millions, sur 350 millions d’euros : 1 %. Une collectivité qui n’aurait que 1 % d’excédent serait dans le rouge. Et en 2015, notre excédent sera égal à zéro.
- Les établissements publics doivent contribuer à la réduction des déficits. Mais pourquoi une telle inégalité par rapport aux établissements publics de l’Etat ?
Quelles sont les conséquences de cette baisse de recettes ?
François Deluga : Nous perdons donc 10 % de nos recettes. Or, la structure budgétaire du CNFPT est rigide. La masse salariale ne peut pas bouger.
La seule marge de manoeuvre, ce sont les formations, pour 175 millions d'euros."
Mais toutes les formations de nos 900 000 stagiaires annuels sont déjà prévues pour 2016. Les dépenses sont engagées. Nous avons donc décidé de maintenir toute l’offre pour 2016. Cette année-là, notre budget sera très juste. Et en 2017, si rien ne change, nous serons en déficit.
Pourquoi ne pas réduire l’offre de formation ?
François Deluga : Notre position est de sanctuariser cette offre au moment où l’Etat nous demande un effort particulier pour former à la "déradicalisation", à la laïcité, de travailler sur le service civique, l’apprentissage, d’intervenir dans les quartiers... Il est incompréhensible et incohérent qu’il nous coupe les vivres en ce moment.
D’autant plus que si le taux de cotisation est de 1 % dans les collectivités, il est de 3,5 % pour la fonction publique de l’Etat et de 2,5 % dans la fonction publique hospitalière. La territoriale, qui représente 80 % du service public, est la plus maltraitée !
Avez-vous d’autres possibilités d’économie ?
François Deluga : Bien sûr. Nous avons déjà commencé à économiser. Nos frais de fonctionnement ont baissé de 5 % par an, depuis 3 ans, grâce à une politique de développement durable et à la dématérialisation. Je vais vous donner quelques exemples.
- Jusqu’en 2015, les 900 000 stagiaires s’inscrivaient avec un formulaire papier. Il fallait 80 personnes pour les saisir. Puis, on envoyait 900 000 accusés de réception, 900 000 convocations, 900 000 attestations de stages. Fin 2016, tout cela sera dématérialisé.
- Le catalogue de formation, de 600-700 pages, n’est plus envoyé depuis 2 ans. C’est 1,5 million d'euros d’économie.
- Nous investissons dans les économies d’énergie de nos bâtiments.
- Grâce à notre politique sur le handicap, nous ne payons plus de pénalités. Celles-ci représentaient encore 700 000 euros il y a 4 ans.
- Parallèlement, le coût d’une journée de formation, de 148 euros en 2009, est aujourd’hui de 133 euros. Notre activité a augmenté de 38 %, grâce à un gros effort de productivité.
Nos frais de fonctionnement ont baissé de 5 % par an, depuis 3 ans, grâce à une politique de développement durable et à la dématérialisation."
Avez-vous fait des propositions à la ministre ?
François Deluga : Oui. Plutôt qu’une réduction des recettes nous proposons d’augmenter l’offre de service gratuite aux collectivités. Les collectivités dépensent 4 millions par an pour la formation obligatoire des policiers municipaux. Nous envisagions de rendre celle-ci gratuite pour aider les collectivités et dans l’intérêt général de la sécurité du pays. Eh bien, cette formation ne sera pas gratuite.
De même, nous proposons de prendre en charge, pour 10 millions d'euros par an, une partie de l’apprentissage. Nous n’avons reçu aucune réponse à ces propositions de la part de l’Etat. Je suis très déçu par cette politique.
Comment voyez-vous l’avenir ?
François Deluga : L’Etat devra se poser la question de savoir s’il veut, ou non, un CNFPT en déficit en 2017. Si oui, il y aura des coupes drastiques et une réduction de l’offre de formation de 50 %. C’est pourquoi il nous faut absolument récupérer une cotisation de 1 % d’ici la fin de l’année. Sinon, nous allons à la catastrophe.
conseil et formation - 29/12/2015 11h:41
Oui,nous avons déjà expérimenté la chute extraordinaire de l'activité de formation consécutive à la première baisse de la cotisation à 0,9% ... avec des conséquences dramatiques sur l'emploi des formateurs,autre cible sacrifiée sur l'autel de cette décision;cela sera pire compte tenu de l'augmentation des contraintes financières! La prochaine étape n'est-elle pas induite par cette mesure: conduire à harmoniser l'organisation des délégations sur celle des 13 régions?
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