Formation des élus
© P. Marais
L’Inspection générale de l’administration (Iga) et l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) viennent de publier un rapport très critique sur l'organisation de la formation des élus locaux en France. Selon cette étude, moins de 3% des élus locaux bénéficient chaque année d’une formation, des différences substantielles existant par ailleurs selon la taille des collectivités. Pire : un nombre réduit d'organismes profiteraient de la manne en captant de nombreux crédits.
Trop peu d’élus formés, un système illisible et non viable économiquement, des organismes trop peu contrôlés : le constat dressé par l’Iga et l’Igas sur l’état actuel de la formation des élus locaux en France est dévastateur. A moins d'un mois des élections, les inspecteurs n'ont pas hésité à donner un grand coup de pied dans la fourmilière.
Une concentration des formations dans les grandes collectivités
Le premier écueil pointé par ce rapport est l’offre concurrentielle qui existe aujourd’hui. D’un côté, le système « historique » introduit dans la loi en 1992 ; de l’autre le DIFE (droit individuel à la formation des élus) créé en 2015. Le premier est financé en direct par les collectivités qui doivent budgéter chaque année un montant minimum « équivalent à 2% des indemnités dues aux élus ». Il s’agit ici de financer des formations pour les élus en lien avec l’exercice de leur mandat. Le second système fonctionne sur la base d’un fonds national qui est abondé par les indemnités des élus locaux à hauteur de 1% ; il est géré par la Caisse des Dépôts et Consignations (CDC) et ouvre droit à des formations en lien avec le mandat mais aussi avec une future reconversion professionnelle.
Selon les chiffres donnés dans le rapport, dans le système historique, les collectivités ne consacrent que 15M euros à la formation alors qu’elles devraient en mobiliser le double. Sans surprise, ce sont évidemment les élus des plus grandes collectivités qui ont le plus accès aux formations : « la dépense moyenne par conseiller municipal est 60 fois inférieure à celle d’un conseiller régional ».
Quant au DIFE, seuls 6 500 élus ont pu, l’année passée, valider une formation. De nombreuses difficultés pour joindre la Caisse des Dépôts ont été constatées : « la CDC a été débordée par la gestion du DIFE et la qualité du service est dégradée » notent les inspecteurs. Là encore, on remarque une concentration des crédits : 14% des bénéficiaires du DIFE ont consommé 50% des crédits.
De très chères formations…
Selon le rapport, ce double système, en plus d’être illisible et concurrentiel, n’est pas viable économiquement. En 10 mois (janvier-octobre 2019), le DIFE a dépassé les recettes de l’année pour former seulement 6 500 élus locaux. Il faut dire, et c’est l’un des points les plus explosifs du rapport, que les prix pratiqués par certains organismes apparaissent aberrants. « Des sommes exorbitantes, supérieures à 10 000 euros par élu, sont dépensées pour des formations généralistes » peut-on lire dans le rapport.
Les inspecteurs pointent d’ailleurs, sans le nommer, « deux organismes dirigés par une même personne » qui ont capté 40% des crédits du DIFE en 2019. Selon le quotidien d'influence "La Lettre A", il s'agirait de l'Institut européen des politiques publiques (IEPP), dirigée par Emir Deniz, un ancien élu francilien proche de Benoît Hamon. D’ailleurs, en plus des prix exorbitants pratiqués, les formations dispensées ne semblent pas faire preuve de beaucoup transparence sur le contenu délivré : « il n’existe aucune mesure de la qualité des prestations et de la satisfaction des élus indépendante des prestataires ».
Mieux former les élus des petites communes
En conséquence, le rapport propose une refonte intégrale du système afin de garantir « l’accès à la formation des élus et particulièrement ceux des petites collectivités et ceux qui exercent des responsabilités exécutives tout en garantissant la soutenabilité ».
Pour y parvenir, le rapport avance donc une série de pistes de travail. Ainsi, il est proposé de créer un nouveau dispositif dédié à la formation des élus locaux « articulé » avec le système de formation professionnelle de droit commun. Un Compte de Formation des Élus Locaux (CFEL) serait créé pour délivrer des formations aux élus en lien avec leur mandat. Les crédits non utilisés dans le CFEL pourraient être reversés sur le Compte Personnel de Formation (CPF) (ndlr : système actuel de droit commun) afin que les élus puissent bénéficier de formations en vue d’une reconversion professionnelle. Le CFEL aurait vocation à être financé par un fonds national de la formation des élus locaux abondé par les cotisations annuelles des élus au DIFE ainsi que les budgets des collectivités selon la loi de 1992. Le montant annuel est évalué à 52M d’euros. Le but affiché ici est évidemment de gommer les inégalités de traitement entre les élus des petites et grandes communes ou collectivités.
Renforcement - annoncé - des contrôles
Pour « assurer la soutenabilité financière » du nouveau système, un plafond annuel de dépenses par élu serait mis en place, avec une majoration pour les maires et leurs adjoints au vu de leurs besoins spécifiques. Par ailleurs, dans l’optique de faciliter l’accès aux formations, une plateforme numérique pourrait être créée afin de permettre aux élus de mieux visualiser l’offre disponible et de s’inscrire au besoin. Les avis des précédents stagiaires seraient également accessibles en ligne.
Le rapport préconise enfin un contrôle plus accru des organismes de formations aptes à délivrer les formations aux élus locaux afin d’éviter les abus. Sur ce dernier point, le gouvernement a été très réactif puisque selon la Lettre A, Sébastien Lecornu, ministre chargé des collectivités territoriales, aurait déjà chargé ses équipes de rédiger un décret - pour ce mois de mars- prévoyant l’instauration immédiate d’un plafond de tarification des formations. Ce dispositif pourrait être complété d’ici la fin de l’année par une ordonnance.
Hermes - 04/03/2020 18h:03
Il existe une solution tellement simple pour mettre un terme à ces errements que personne ne la voit: donner une nouvelle compétence au CNFPT pour assurer ces formations. Ce dernier pourra faire appel (sur appel d'offres) à des sociétés privées pour réaliser ces formations. Pas belle la vie avec des solutions très simples qu'étonnament aucun élu concerné n'a proposé?
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