Mécène & Loire, appel à projets
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Les montages financiers de « mécénat territorial » intéressent de plus en plus d'entreprises, petites ou grandes. Ancrés dans un territoire et au service de l'intérêt général, ils contribuent en priorité à la mise en œuvre de projets éducatifs, culturels, sanitaires et sociaux.
A l’heure où se raréfient les deniers publics, l’importance des partenariats noués avec les entreprises n’est plus à démontrer, faisant du secteur privé « un contributeur actif des politiques locales sans lequel nombre d’actions publiques ne pourraient avoir lieu », soutient la déléguée générale d’Admical ((L’association Admical créée en 1979 représente tous les mécènes et diffuse la pratique du mécénat en France.)), Bénédicte Menanteau.
De la TPE à la filiale internationale, les acteurs économiques s’engagent donc sur les territoires, dynamisés tant par des avantages fiscaux que par le mouvement de « responsabilité sociétale des entreprises » (RSE) soutenu par les pouvoirs publics depuis une dizaine d'années, au bénéfice du développement durable local.
La majorité d’entre eux le font comme prestataires d’une « régie directe ». Mais, afin de mieux répondre aux enjeux de cette nouvelle implication, organiser leur mécénat de façon cohérente et le rendre accessible, d’autres s’organisent à travers des structures intermédiaires aux formes juridiques diverses : fondation reconnue d’utilité publique, fondation abritée, fondation d’entreprise, fonds de dotation, etc.
Selon les derniers chiffres produits par l’Observatoire de la Fondation de France, en partenariat avec le Centre français des fonds et fondations (CFF), « sur les quelque 3 200 personnes morales ainsi créées par un acteur privé en vue de la réalisation d’une œuvre d’intérêt général, 600 relèvent d’initiatives entrepreneuriales », résume Béatrice de Durfort, déléguée générale du CFF.
Des partenaires de choix à ne plus oublier donc dans les montages financiers de certaines actions locales.
1. Qui sont-ils ?
Certes, le gros de la troupe est constitué de grands groupes pour lesquels le mécénat constitue un levier de l’engagement sociétal, telle la Fondation du Crédit Agricole-Pays de France, parmi les premières fondations créées par une entreprise française en 1979, « pour prolonger, par des actions en faveur du patrimoine local, [le] rôle de banquier engagé dans le développement régional » ainsi que l’indique son site. Depuis, plus de 1 100 projets ont été soutenus sur toute la France et 32 millions d’euros versés.
Mais à travers le « mécénat territorial », qui réunit des mécènes locaux au niveau d’une ville ou région, les PME trouvent aussi désormais une meilleure expression de leur engagement au sein de ces regroupements qui optimisent leur capacité financière et confèrent une plus grande visibilité à leur action.
C’est le cas, par exemple, de la Fondation Mécène et Loire créée à l’initiative de la chambre de commerce et d’industrie de Maine-et-Loire. Dans ce cadre émerge d’ailleurs, à l’initiative du CFF, un nouveau modèle baptisé fondation territoriale, dont la Fondation de Lille au service des habitants de la région Nord-Pas-de-Calais, compte parmi les premières « labellisées », travaillant notamment avec les collectivités territoriales afin de mener des actions sociales de proximité, de sensibilisation à la solidarité internationale, humanitaires et culturelles.
2. Quels avantages une collectivité territoriale a-t-elle à s’adresser à une structure dédiée ?
Passer par un fonds ou une fondation est d’abord l’assurance d’un engagement cohérent, susceptible même parfois de s’inscrire dans la durée, d’autant que « les fondations d’entreprise, par exemple, ont l’obligation de programmes bénéficiant d’un montant de 150 000 euros minimum sur cinq ans même si rien ne les contraint à ce suivi avec les mêmes bénéficiaires », rapporte Béatrice de Durfort.
Autre gage de sérieux : le conseil d’interlocuteurs confirmés en matière de mécénat, pour accompagner le projet aux côtés de la collectivité. « De façon générale, un fonds ou une fondation investira l’action en coconstructeur bien plus qu’en cofinanceur, sa mission d’intérêt général faisant pont entre les intérêts d’une entreprise et ceux d’une collectivité territoriale, et cela jusqu’aux contreparties qui devront exprimer cette exigence », souligne la déléguée générale de CFF.
« L’entente a été immédiate, le conseil efficace et l’aide rapide », se félicite ainsi Xavier Arena, maire de Murs (420 hab., Vaucluse), dont la commune n’aurait pu restaurer le triptyque de saint Gens signé Paul Vayson, dont elle est dépositaire, sans le soutien – entre autres — de la Fondation Crédit Agricole.
Une première fondation à l'initiative d'une collectivité territoriale
Alors qu’un tiers d’entre elles sont désormais mécènes, contribuant pour quelque deux milliards d’euros à l’action locale comme l’a révélé en avril dernier l’enquête Admical-CSA, de plus en plus de collectivités s’attachent à séduire les entreprises, de leur territoire ou non. Afin de rendre visible cette démarche et « rassurer » les donateurs par un cadre professionnalisé, certaines d’entre elles, telles Reims, Rouen ou Cannes, ont même choisi de consacrer un de leurs services au mécénat, officialisant ainsi la portée de cet investissement dans les territoires. Mais en janvier 2012, la ville de Belfort est allée encore plus loin : les personnes publiques pouvant créer différents types de fondations, la municipalité belfortaine a ainsi initié « Belfort, ville patrimoine», fondation placée sous l’égide de la Fondation du patrimoine qui lui permet de constituer une dotation pérenne au regard de l’ampleur du patrimoine dont elle a la charge. Une première qui pourrait bien susciter de nombreuses répliques…
3. Quelles contraintes ces partenariats impliquent-ils ?
Tous les fonds et fondations d’entreprise issus d’entreprise ont un objet statutaire et des modes d’intervention définis au bénéfice de publics cibles. Le projet doit donc « rentrer dans les clous »… Tel fut le cas pour Lens (34 200 hab., Pas-de-Calais) : « Le mécénat de la Fondation d’entreprise La Poste en faveur de l’expression écrite cadrait parfaitement avec les ateliers que nous proposons tous les ans pour rapprocher la culture des publics qui en sont éloignés, d’où son soutien pour 50 % du budget aux ateliers d’écriture mis en place en 2013 », rapporte l’adjointe en charge de la culture, Hélène Corre.
Pour d’autres, l’astuce a tout bonnement consisté à s’y conformer… Mais quoi qu’il en soit, « ce type de partenariats exige aussi des montages très bien cadrés, à la solidité du mécène devant correspondre la plus grande rigueur du projet », affirme Hélène Corre.
4. Sur quels champs ces fondations interviennent-elles principalement ?
Selon l’article 2 de la loi du 23 juillet 1987 sur le développement du mécénat et l’article 238 bis du Code général des impôts définissant l’intérêt général du point de vue fiscal, les fondations relèvent d’un « caractère philanthropique, éducatif, scientifique, social, humanitaire, sportif, familial, culturel ou concourant à la mise en valeur du patrimoine artistique, à la défense de l’environnement naturel, à la diffusion de la culture, de la langue et des connaissances scientifiques françaises ».
Les statistiques de l’Observatoire Deloitte, publiées en février dernier, notent néanmoins que près de 20 % des 1 660 fonds de dotation interviennent principalement, soit sur le champ artistique et culturel, soit sur celui de l’enseignement, de l’éducation et de l’action socioculturelle, tandis que les préférences des fondations vont plutôt aux secteurs de la santé et de l’action sociale. Ces interventions peuvent s’effectuer en numéraire, compétences (mise à disposition de personnel à titre gracieux pendant leur temps de travail) ou en nature (don de biens).
Attention néanmoins, certaines de ces structures présentent des critères d’éligibilité qui excluent tout porteur de projet public !
5. Les fondations d’entreprise sont-elles à la portée de toutes les collectivités ?
« Peu importe la dimension du porteur de projet, l’important est ce qui est porté », assure Bénédicte Menanteau. Sa qualité évidemment, mais aussi et d’abord sa pertinence au regard du champ d’intervention de la fondation sollicitée : « Mieux vaut donc passer du temps à rechercher le bon interlocuteur en amont que de contacter tous azimuts », insiste-t-elle.
A défaut d’équipes dédiées, ce sera donc bien souvent aux élus de s’y coller ! Pour ce faire, de nombreuses aides existent, à commencer par le Répertoire du mécénat publié par Admical et son annuaire de plus de 600 mécènes, compilant les principales fondations d’entreprise par territoire ou domaine d’intervention.
Le site du CFF propose également un annuaire détaillé et des fiches pratiques pour soutenir les porteurs de projet, tout comme le site de l’Agence du patrimoine immatériel de l’Etat (APIE) donnant aux administrations des repères utiles pour « conduire des actions d’intérêt général avec le concours de financements privés ».
Les fondations étant tenues d’y publier leur objet, le Journal officiel peut également se révéler une excellente source pour repérer les nouveaux venus (25 fonds créés au cours du seul mois de février selon l’Observatoire Deloitte).
Enfin, et pour tout savoir des enjeux du mécénat (implications juridiques et fiscales, recherche de financements…), Admical propose régulièrement une formation d’une journée destinée aux personnes publiques.
Saint-Genis-Laval adopte le programme de la Fondation Hermès. C’est à la faveur d’un « job dating » organisé au bénéfice des 18-25 ans que la commune de Saint-Genis-Laval (20 700 hab., Rhône) rencontre en 2011 l’entreprise Hermès installée sur son bassin de vie… Et apprend l’existence de la Fondation d’entreprise Hermès qui, appuyée sur l’association Sport dans la ville, s’associe aux communes pour favoriser la formation et l’insertion de jeunes vivant à proximité de son site de Pierre-Bénite.
« Dès juillet, nous signions donc une convention par laquelle nous nous engagions à inclure pour deux ans à nos actions les dispositifs du programme de la Fondation, à savoir “Job dans la ville”, destiné à accompagner les jeunes vers un premier emploi, et “L dans la ville”, en faveur de l’intégration des filles des quartiers », relate l’adjoint au maire chargé du développement économique Mohammed Guougueni. Une dynamique dont l’élu se félicite encore, saluant « la réactivité et la fiabilité du mécène avec lequel s’instaure une véritable contractualisation fondée sur des objectifs communs, qualitatifs et quantitatifs ». D’autres expériences pourraient suivre, cette première l’ayant convaincu « du formidable travail possible avec les fondations d’entreprise ».